Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid : « Certains pays ont utilisé la pandémie pour limiter les libertés

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Par Justine Daniel — 10 décembre 2020 à 07:19

Un rapport de l’Institut international pour la démocratie constate un recul des libertés fondamentales dans des pays autoritaires, mais également dans de nombreuses démocraties depuis le début de la pandémie.

Le constat n’a échappé à personne : « La démocratie est l’une des victimes de la pandémie » de Covid-19. Mais dans quelles proportions et comment ? Un rapport de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (Idea) publié jeudi propose de quantifier ces restrictions aux libertés fondamentales. Selon l’organisation intergouvernementale qui s’attelle à mesurer « la qualité de la démocratie », 43% des Etats démocratiques ont mis en place des mesures restrictives de libertés injustifiées depuis le début de l’épidémie. Une dégradation des libertés constatée dans 90% des régimes considérés par l’institut comme « hybrides » ou « autoritaires », où les atteintes aux droits de l’homme se sont aussi multipliées.

L’institut installé à Stockholm et en partie financé par l’UE classe 162 des 195 pays selon trois catégories : démocraties (99), régimes hybrides (33) et régimes autoritaires (30) en 2019 selon cinq critères prenant en compte la fiabilité d’élections mais également le respect des droits civiques, sociaux ou l’égalité entre les sexes. La pandémie ayant servi à justifier ici ou là des mesures de restriction des libertés publiques au-delà du nécessaire, c’est un recul sans précédent de la qualité de la démocratie depuis les années 70 que constate Idea.

Usage excessif de la force
« Les démocraties les plus inquiétantes sont celles qui étaient déjà jeunes et peu consolidées ou déjà fragiles avant la pandémie », explique Annika Silva-Leander, coautrice du rapport, contactée par Libération. Quinze pays ont ainsi été identifiés. Parmi eux, la Birmanie et le Sri Lanka où l’institut a constaté un usage excessif de la force par la police pour mettre en œuvre les mesures sanitaires. Ou encore en Inde où la liberté religieuse est menacée par une montée des discriminations envers les musulmans.

Dix « démocraties consolidées » qui ne présentaient pas de signes d’une érosion démocratique sont aussi pointées du doigt, à l’instar d’Israël. La sécurité intérieure y est autorisée depuis mars à utiliser ses moyens de surveillance antiterroriste pour surveiller les déplacements de malades du coronavirus. Egalement citées : des pays latino-américains comme l’Argentine, le Mexique, le Panama ou l’Équateur.

Dans certains pays, « la pandémie a été clairement utilisée comme prétexte pour limiter les libertés fondamentales », poursuit Annika Silva-Leander. En Pologne, les élections législatives se sont tenues après une campagne sous contraintes sanitaires alors que le parti au pouvoir, réélu cet été, a fait main basse sur la télévision publique.

Etat d’urgence
Parmi les libertés les plus éprouvées : la liberté de mouvement et de réunion. Nécessaires pour lutter contre la transmission du virus, ces restrictions n’ont été mises en place que dans 60% des cas dans le cadre d’un état d’urgence prévoyant des dérogations aux libertés.

Pour autant, ces cadres légaux divergent en fonction des pays « en termes de motifs, de procédures pour les mettre en œuvre […] d’institutions compétentes pour les mettre en œuvre ». Et « ce qui était initialement perçu comme un simple problème de santé publique a débordé dans le domaine politique, affectant les processus démocratiques fondamentaux considérés comme acquis parfois depuis des décennies », certains Etats omettant d’y faire figurer des limites temporelles, conclut le rapport.

Désinformation
De fait, des mesures « non nécessaires à la lutte contre la pandémie » ont été répertoriées, visant par exemple la liberté de la presse et la liberté d’expression. Harcèlement, expulsions ou emprisonnements de journalistes se sont intensifiés dans les régimes autoritaires (52% d’entre eux) mais aussi dans 14% des démocraties. Au total, 81 pays ont restreint les libertés de la presse et d’expression. En Hongrie, en Roumanie ou en Russie l’une des justifications étant la lutte contre la désinformation liée au virus…

Et la France ?
L’institut « ne juge pas que les restrictions de libertés en France sont antidémocratiques mais certains droits ont été limités durant la pandémie », note Annika Silva-Leander. Plusieurs aspects de la démocratie française sont « à surveiller » pour la chercheuse, au premier rang desquels les violences commises par les forces de l’ordre.