Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid : bientôt la « quatorzaine » de sept jours ?

Septembre 2020, par Info santé sécu social

Par Nathalie Raulin — 8 septembre 2020

Le changement de braquet peut paraître paradoxal. Alors même que Santé Publique France fait état d’une circulation virale « exponentielle » sur le territoire, l’exécutif devrait vendredi en Conseil de défense ramener de deux à une semaine la période d’isolement préconisée aux personnes testées positives et à leurs cas contacts.

Conscient qu’un tel assouplissement pouvait être de nature à dérouter une population par ailleurs soumise à des contraintes et restrictions croissantes sur les masques ou les possibilités de rassemblement, le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait pris soin fin août de solliciter le Conseil scientifique. Lequel lui a, jeudi, rendu un « avis favorable » sur une réduction du délai de mise à l’abri « dans un certain nombre de situations », a indiqué Véran mardi sur France Inter.

Contagiosité en baisse après huit jours

C’est que la durée de contagiosité des patients est désormais largement documentée. Dès le 8 juillet, Santé Publique France avait publié une recension de plusieurs études chinoise, coréenne et italienne sur la question. Il en ressortait que la moitié des transmissions intervenaient deux à trois jours avant l’apparition des symptômes et que la contagiosité diminuait fortement au bout de huit jours, le virus ne pouvant alors plus être mis en culture. « Un raccourcissement de l’isolement des malades ne me choquerait pas car il est scientifiquement documenté », indique Eric d’Ortenzio, infectiologue de l’hôpital Bichat à Paris.

Et d’appuyer : « Une étude signée d’une vingtaine de chercheurs du département viroscience Erasmus Rotterdam-Nederland portant sur 129 patients sévères, publiée récemment en preprint, précise que la durée médiane de l’infectiosité du virus est de huit jours après les premiers symptômes. Dans 80 à 90 % de ces cas sévères donc porteurs d’une lourde charge virale, il n’y a plus de virus infectieux huit jours après l’apparition des symptômes… » A cette aune, la proportion de Covid légers susceptibles de transmettre le virus au delà de cette durée serait très faible. Sur France Inter, le ministre s’est dit prêt à prendre le risque.

Olivier Véran entretient néanmoins l’ambiguïté sur l’élément déclencheur de la « mise à l’abri » volontaire pour sept jours : « On est davantage contagieux dans les cinq premiers jours ou qui suivent les symptômes ou qui suivent la positivité d’un test. Et ensuite cette contagiosité diminue de façon très importante, et au-delà d’une semaine, elle demeure mais elle est très faible », a déclaré le ministre. Doit-on s’isoler sept jours à compter de l’obtention d’un test PCR positif ? Ou à compter de l’apparition de symptômes ? D’un point de vue épidémiologique, la distinction est loin d’être neutre. Même si les preuves scientifiques manquent, une personne infectée non symptomatique est considérée comme faiblement contagieuse et, ceci pour une durée qui n’excède pas huit jours. Il en va tout autrement si, au bout de quelques jours (entre 2 et 7), la personne testée déclare la maladie : sa contagiosité sera alors forte durant les huit jours qui suivront l’apparition des symptômes…. « Cela ne me choque pas qu’on réduise quatorze à sept jours la durée d’isolement des asymptomatiques, indique le professeur Eric Caumes, infectiologue à la Pitié Salpétrière. Mais j’ose espérer que la mesure sera reconduite pour sept jours en cas d’apparition de symptômes. Pour un médecin, c’est une évidence. » Voire.

Car si le gouvernement s’apprête à infléchir la doctrine maximaliste en vigueur, et les mesures et parfois scientifiquement discutables afférentes, comme le port du masque en extérieur, c’est d’abord par pragmatisme sanitaire et économique.

« Permettre à la société de fonctionner »

« On rentre dans une période où il faut permettre à la société de fonctionner tout en faisant ce qu’il faut pour ralentir l’épidémie, reconnaît le Pr Rémi Salomon, président de la commission médicale de l’AP-HP. L’isolement est une mesure radicale auquel des personnes en activité ne peuvent souscrire sans se mettre économiquement en danger, comme les restaurateurs par exemple. Pour l’éviter, certains peuvent hésiter à se faire tester, quitte à contaminer leur entourage. Il faut parfois adapter la contrainte pour obtenir l’adhésion de la population. »

Surtout, difficile pour les établissements de santé comme pour les petites entreprises de se priver de salariés auto-confinés pour suspicion de Covid. « La question se pose de manière très pratique pour les professionnels de santé, alors qu’il y a déjà beaucoup de tensions sur le personnel hospitalier » explique le professeur Salomon « S’ils doivent rester chez eux pour un nez qui coule, ça va être compliqué… ». Mardi, sur FranceinfoTV le président la Confédération des petites et moyennes entreprises, François Asselin, n’a pas dit autre chose : « Ramener la mesure d’isolement à sept jours serait un petit bol d’air bienvenu pour les entreprises en termes d’organisation. »

Nathalie Raulin