Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Déconfinement : Emmanuel Macron bloque la date

Mai 2020, par Info santé sécu social

Par Lilian Alemagna — 5 mai 2020 à 20:46

En opération com dans une école mardi, le chef de l’Etat s’est attaché à effacer les doutes semés par ses ministres sur la levée du confinement le 11 mai.

Le 11 mai, c’est le 11 mai. En deux interventions médiatiques en moins de vingt-quatre heures, Emmanuel Macron a verrouillé sa date. Alors que depuis plusieurs jours, Edouard Philippe et ses principaux ministres (Olivier Véran à la Santé, notamment) martèlent qu’il faudra que les « conditions soient réunies » pour que le déconfinement démarre bien lundi, comme Macron l’a envisagé dans son allocution du 13 avril, voilà que le chef de l’Etat ne prend, lui, aucune précaution oratoire ou politique. « A partir du 11, une nouvelle étape va commencer », a-t-il ainsi lancé mardi, en direct sur TF1 depuis une salle de classe de Poissy (Yvelines) où il était en visite pour tenter de rassurer sur les conditions d’ouverture des écoles, qui inquiètent parents et enseignants.

La veille, depuis l’Elysée, à l’issue d’une visioconférence des donateurs en faveur de l’« initiative mondiale sur les diagnostics, les traitements et les vaccins », il avait été tout aussi clair : « Ce qui va commencer à partir du 11 mai », c’est « la première étape de vie avec le virus après le confinement ». Et jeudi, contrairement à ce qu’avait annoncé le Premier ministre la semaine dernière devant les députés, l’exécutif ne dira pas « si » le début du confinement débute le 11 mai mais « comment » il se fera. « Nous annoncerons les derniers détails jeudi », a précisé Macron lundi. Et mardi : « Je tiendrai un Conseil de défense et à son issue toutes les décisions vous seront données. »

« Nation libre ».
Voilà donc Matignon et la Santé empêchés d’enclencher la marche arrière. Dans le Parisien, Véran avait pourtant rappelé que « si le nombre de nouveaux malades devait être trop élevé » durant les prochains jours, « la date de levée du confinement pourrait être remise en question ». Le Premier ministre avait, lui, souligné, il y a une semaine à l’Assemblée nationale, que la « stratégie de déconfinement » de son gouvernement était fondée sur « une hypothèse de 3 000 cas nouveaux par jour » d’ici au 11 mai et avait évoqué des « modélisations moins favorables » si les Français respectaient moins le confinement. « Nous avons un élément objectif qui montre que le taux de contagiosité a très légèrement remonté, avait même lâché Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, dimanche. Cela montre qu’il y a eu plus de sorties. » Le chef de l’Etat vient donc de rappeler la direction à ses ministres : lundi, c’est le début de la sortie.

Mais s’il a confirmé l’échéance du déconfinement, Emmanuel Macron a circonscrit cette « première étape » dans le temps. Parce que « la glace est fine », a-t-il répété lors de ces deux déclarations publiques, l’exécutif se donne « trois semaines » pour voir si la réouverture « progressive » des écoles, des commerces et le redémarrage de l’activité économique permettent de contenir la propagation du virus. « On va surveiller chaque jour l’évolution de l’épidémie », a-t-il insisté mardi, rappelant qu’il ne s’agira pas pour les Français d’un « retour à la normale ».

« On doit essayer de continuer à maîtriser l’épidémie en ayant la vie d’une nation libre », a poursuivi Emmanuel Macron. Utiliserait-il le mot d’« écroulement » pour qualifier le risque de laisser l’économie française à l’arrêt ? « Non, je n’ai pas ces grands mots. » Son Premier ministre, avec qui les relations sont plutôt fraîches depuis le début de la crise, appréciera… « Je mesure avec vous le choc massif économique. […] Nous ne sommes qu’au début de la crise économique et sociale », a-t-il cependant prévenu.

« Bulletin ».
Venu à Poissy pour une séquence de com (avec masque noir en tissu et étiquette tricolore sur le visage qu’il n’a pu s’empêcher de toucher sans se laver les mains au préalable) dans une école afin de tenter de rassurer maires et enseignants sur la réouverture « progressive » des classes, le Président a assuré que son « objectif » n’était pas de savoir « combien d’écoles » ouvriraient, mais de faire en sorte « que tous les enfants qui ont besoin de revenir à l’école », notamment parce qu’ils sont en situation de « décrochage », « puissent trouver une école ouverte avec un temps aménagé ». « Je veux plutôt une bonne rentrée qu’une rentrée en nombre », a-t-il insisté, dans un registre qui aurait dû être celui de son ministre de l’Education.

Les craintes de certains maires, dont plusieurs ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne pourraient pas rouvrir les écoles le 11 mai ? « Je comprends leur angoisse, je comprends leurs questions, leurs inquiétudes, a répondu Macron. Ils veulent bien faire, donc il faut leur laisser le temps de bien faire. » Celles des enseignants et des directeurs d’école ? « Il y aura une autre organisation. […] Les classes seront plus petites, a rappelé le chef de l’Etat. Ça se fera dans le dialogue, calmement, car nul ne sait combien de temps on aura à vivre avec le virus. »

Et ainsi de préciser que l’été, « à cause du virus », serait « un peu particulier ». Sans vouloir « faire le bulletin » (tout en le faisant un peu quand même), le Président a affirmé qu’il était « trop tôt » pour dire si les Français pourraient se déplacer librement pour partir en vacances. « On le saura début juin. C’est là qu’il faudra dire les choses », a-t-il simplement décrété, tout en annonçant par avance la limitation de « grands déplacements internationaux ». « On restera, je dirais, entre Européens », a pronostiqué Macron, sans exclure de « réduire un peu plus » en fonction de l’état de l’épidémie.