Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Epée de Damoclès. Déconfinement : un poison nommé delta

Juin 2021, par Info santé sécu social

Le gouvernement a anticipé la levée du port du masque en extérieur et du couvre-feu. Tous les indicateurs épidémiques sont au vert, sauf la présence du variant delta, qui va probablement remplacer le variant alpha, pour le moment majoritaire en France.

par Olivier Monod
publié le 16 juin 2021

C’est l’ombre au tableau, l’inquiétude qui fait dire « restons mobilisés » à Jean Castex après avoir évoqué un « retour heureux » lors de son point sur la situation sanitaire en sortie du Conseil des ministres. Le variant delta, apparu en Inde, est bien présent sur le territoire français. Deux clusters ont été repérés en Essonne. D’autres ont aussi été identifiés à Strasbourg et dans les Landes, mais la situation nationale reste floue. Le Premier ministre a d’ailleurs répété sa volonté d’intensifier la capacité de suivi des mutations du virus, encore trop lente. Le système de séquençage complet ne donne des résultats qu’avec plusieurs semaines de retard. L’autre système de surveillance, plus rapide, le criblage, est en train de s’adapter à ce nouveau variant, qui apparaissait dans la catégorie « absence de variant » jusqu’au 31 mai.

A cette date, cette catégorie représentait 5,4 % des tests de criblages au niveau national, mais déjà 39,9 % dans les Landes, 12,5 % dans le Bas-Rhin ou encore 15 % dans le Cher. Depuis, Santé publique France a distribué de nouveaux kits de criblage aux laboratoires. Les résultats détaillés de ce nouveau système sont attendus pour jeudi, mais le gouvernement commence à donner quelques éléments. Le variant delta représente actuellement « entre 2 % et 4 % des cas positifs » de Covid-19 dépistés en France, soit « 50 à 150 nouveaux diagnostics » par jour, a indiqué mardi le ministre de la Santé, Olivier Véran. Dans les Landes, la préfète Cécile Bigot-Dekeyzer explique que 250 cas – avérés ou probables – et environ 30 % des contaminations au Covid-19 lui sont attribués.

Organiser un bon traçage des cas et réagir rapidement

Cette nouvelle version du virus se propage plus vite que celle actuellement en France (le variant alpha d’abord apparu outre-Manche, lui-même déjà plus rapide que la version d’origine). Les estimations évoquent une hausse de 40 % à 60 % de la transmissibilité entre alpha et delta. En Angleterre, delta a mis moins de deux mois pour devenir majoritaire. La diffusion de ce dernier en France cet été dépendra de la capacité du gouvernement à organiser un bon traçage des cas et à réagir rapidement en cas de clusters. Dans les Landes, à Strasbourg et dans l’Essonne, le gouvernement a mis sur pied des campagnes de tests et de vaccination locales. Cela sera-t-il suffisant ? L’expérience récente incite à penser que non.

Ce variant, responsable de la poussée de Covid-19 en Inde, est aussi fortement soupçonné de provoquer davantage de cas graves, mais les données manquent encore pour être très affirmatif. Au final, la seule bonne nouvelle réside dans le fait que les vaccins, après deux doses, restent efficaces contre lui. L’agence de santé publique anglaise (PHE) a analysé les données de 14 019 cas positifs au variant delta, dont 166 hospitalisés. Elle en conclut que le vaccin de Pfizer-BioNTech est efficace à 96 % contre le risque d’hospitalisation. La protection conférée par l’AstraZeneca est de 92 %.

Une reprise épidémique est donc possible, mais pas avant septembre vu la baisse actuelle, et son ampleur dépendra de la taille du « bloc des vaccinés », selon l’expression du président du Conseil scientifique sur le Covid-19, Jean-François Delfraissy. L’été sera donc l’occasion d’une nouvelle course entre un variant et la vaccination. Après la course lancée (et perdue) contre alpha en janvier, le gouvernement doit mener maintenant celle contre delta afin d’éviter que ce nouveau variant ne sature les services hospitaliers. Dans ce sens, il a réduit le délai entre les deux doses de six à seulement trois semaines. « Si on arrive à vacciner 90 % de la population adulte, il restera un potentiel de 15 000 décès pour une quatrième vague à la rentrée », estime auprès de Libération Mircea Sofonea, épidémiologiste à Montpellier. A terme, il est possible que toute la population ait soit reçu un vaccin, soit été infectée au moins une fois par le Covid.