Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - L’inquiétude monte autour d’une inflammation touchant les enfants

Avril 2020, par Info santé sécu social

Par Anaïs Moran — 29 avril 2020

L’apparition en Europe de syndromes inflammatoires graves chez les 8-14 ans, parfois associés à une myocardite, a alerté des médecins de l’AP-HP qui s’interrogent sur un lien possible avec le Covid-19.

L’alerte est préoccupante et les nombreuses interrogations en suspens nourriront forcément les angoisses. Depuis quelques semaines, plusieurs équipes médicales en Europe s’inquiètent de l’apparition croissante de syndromes inflammatoires graves chez les enfants, associés pour certains à une myocardite (inflammation du muscle cardiaque). Ces équipes s’interrogent sur le lien potentiel avec le contexte pandémique actuel. L’Espagne, l’Italie, la Belgique ont recensé des cas. Au Royaume-Uni, c’est le National Health Service lui-même qui fait état d’une « augmentation apparente du nombre d’enfants de tous âges nécessitant des soins intensifs ». En France, les signalements sont venus des hôpitaux parisiens.

Dans un mail envoyé à l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France daté du 23 avril, des médecins de l’AP-HP s’alarment de la « prise en charge depuis quinze jours d’enfants présentant des tableaux de myocardite » qui tendraient « à les mettre sur la piste d’une situation dysimmunitaire ou post-infectieuse due au Covid. » « Nous pensons que ces éléments sont suffisamment graves pour alerter sur cette situation chez l’enfant », écrivent-ils à la fin de leur texte.

Interrogations
A l’hôpital Necker, ce sont les membres du M3C, le centre de référence Malformations cardiaques congénitales complexes, qui ont transmis leurs observations par message interne aux autres services, le 28 avril. On peut y lire : « Il est devenu clair depuis environ trois semaines qu’un nombre croissant d’enfants de tous âges a été hospitalisé dans un contexte d’inflammation multisystémique associant fréquemment une défaillance circulatoire avec des éléments en faveur d’une myocardite. » Les médecins n’établissent pas formellement la nature de la causalité avec le Sars-CoV-2. Toutefois, ils conviennent ne pas « comprendre encore pourquoi le démarrage de cet afflux de jeunes patients est retardé par rapport à celui de la pandémie en Ile-de-France ». Des interrogations qu’ils ont également partagées aux sociétés savantes de pédiatrie et de réanimation.

De quoi s’agit-il exactement ? Le tableau clinique de ces enfants, principalement âgés de 8 à 14 ans, s’avère très varié : fièvre élevée, éruptions cutanées, douleurs abdominales, diarrhées, vomissements, fatigue, gêne respiratoire… Tous ne présentent pas l’ensemble des symptômes. Et si beaucoup d’entre eux présentent des signes proches mais incomplets de la maladie de Kawasaki (inflammation des vaisseaux), Ricardo Carbajal, chef de service des urgences pédiatriques à Trousseau, estime qu’il s’agit « probablement d’une nouvelle entité ». Il explique : « D’ordinaire, cette maladie touche les enfants âgés de 6 mois à 5 ans. Là, nos patients sont plus âgés et, de surcroît, ne réunissent pas tous les critères qui conduisent à poser habituellement ce diagnostic. » Surtout, la maladie de Kawasaki n’entraîne pas de défaillance au niveau du cœur. Une différence majeure avec les nouvelles formes graves observées dans les hôpitaux d’Ile-de-France.

Le mail du MC3 indique « qu’au moins 25 enfants » ont déjà été pris en charge par les services de réanimation d’Ile-de-France. Selon nos informations, treize ont été accueillis dans les services de réanimation pédiatrique de Necker, trois par l’hôpital Trousseau, quatre à Robert-Debré, deux à Kremlin-Bicêtre… Tous présentent des troubles cardiaques, mais seuls certains d’entre eux ont été diagnostiqués positifs au Covid-19 via le test PCR. Pour y voir plus clair, les médecins attendent désormais l’ensemble des résultats sérologiques. « On a des premiers retours qui nous donnent l’impression que ces formes graves sont une réponse immunitaire post-infectieuse au Covid. Une réaction à distance qui expliquerait qu’on ne retrouve pas toujours le virus par test PCR », avance Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré. Tout en tempérant avec insistance : « Ce ne sont encore que des suppositions. Surtout, ça n’enlève rien à la validité des autres vérités épidémiologiques chez l’enfant dans cette épidémie. Face au Covid-19, les jeunes sont bien moins enclins à développer des formes sévères. »

« Temps »
La semaine dernière encore, lors de son point épidémiologique hebdomadaire, Santé publique France a rappelé que les enfants représentent « moins de 1 % des patients hospitalisés et des décès ». S’agissant de ces nouveaux cas, aucun mort n’est pour l’heure à signaler. « A ma connaissance, ils sont tous en train de bien évoluer », indique Ricardo Carbajal.

Interrogé ce mercredi à l’Assemblée nationale sur la situation, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a répondu « prendre cette alerte très au sérieux ». Avec un souci de modérer ses propos au maximum : « C’est le temps de la recherche clinique, de la recherche scientifique. L’ensemble des pédiatres, des réanimateurs de la zone euro travaillent ensemble pour voir s’il y a lieu, ou non, de faire un lien avec le Covid-19. Ce que je ne sais pas encore au moment où je vous parle […]. A ce stade, il s’agit d’une alerte et pas encore d’un constat. »