Les retraites

Libération - Le système des retraites repasse au vert... pourtant Macron tient à sa réforme « dès l’été 2023 »

Septembre 2022, par Info santé sécu social

Dans son dernier rapport, le Conseil d’orientation des retraites prévoit un excédent de 3 milliards d’euros en 2022. Le système serait toutefois en déficit dès l’an prochain. L’Elysée tient à une « mise en œuvre » du report progressif de l’âge légal à 64 ans dans moins d’un an et pourrait prendre des mesures dès cet automne.

par Damien Dole
publié le 12 septembre 2022

On semble loin du sombre discours des pro réformes pour justifier un recul de l’âge légal de départ à la retraite. En tout cas pour l’instant. Selon le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR), le système de retraite a dégagé un excédent de 900 millions d’euros en 2021, pour la première fois depuis la crise de 2008, et devrait même afficher un surplus de 3,2 milliards cette année. Revenu dans le vert grâce à « la forte reprise de la croissance » l’an dernier, le solde global des régimes de retraites français devrait toutefois « se dégrader sensiblement » dès 2023. Son retour à l’équilibre reste toujours projeté, dans le meilleur des scénarios, « vers le milieu des années 2030 ».

De quoi conforter Emmanuel Macron dans sa volonté de repousser progressivement l’âge légal de 62 à 64 ans comme il s’y est engagé durant sa campagne présidentielle. Et ce pour une « entrée en vigueur » dès « l’été 2023 » a reprécisé lundi soir une source à l’Elysée où l’on n’exclut pas, rapport du COR à l’appui, de prendre une autre mesure d’âge - l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans, déjà prévue par la réforme Touraine - dès le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté à la fin du mois. « C’est une décision qui appartiendra à la Première ministre », répond-on quelques heures à peine après que tous les syndicats, à la sortie de leur entretien avec le ministre du Travail, Olivier Dussopt, ont mis en garde contre une « mesure cachée » dans le budget 2023. « Il y a beaucoup de sujets sur lesquels la CFDT est prête à s’engager, comme l’accompagnement des bénéficiaires du RSA ou des demandeurs d’emploi longue durée, mais la sérénité ne sera pas de mise si l’automne est perturbé par une mesure brutale », a ainsi averti le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. « Cela bloquerait tous les autres chantiers », a abondé Cyril Chabanier, président de la CFTC. « Cela serait dangereux et entraînerait une forte mobilisation, des manifestations et des grèves », a également prévenu Michel Beaugas (FO).

« Un vrai choix de société »
Ce qui n’a pas l’air de faire peur à l’Elysée où l’on estime qu’il ne faut pas « attendre » sur ce dossier. « On a système de retraite […] qui est déséquilibré sur son financement », insiste un proche du chef de l’Etat pour qui ce « déséquilibre » est « durable » mais pour qui, aussi, « l’âge légal n’est pas le seul instrument ». Manière d’envoyer un signal à la CFDT pour montrer que le chef de l’Etat n’est pas fermé sur les leviers à actionner tant que cela permet de régler ce « problème de justice entre les générations ». « Si on pense qu’il faut l’unanimité pour bouger, on ne fait jamais rien, lâche le même. Il faut créer du consensus mais il faut aussi expliquer […] Il n’y a aucune force syndicale et politique qui peut s’affranchir du réel. » Et le « réel », ce sont les investissements que le chef de l’Etat veut inscrire dans les prochaines lois de finances.

« Nous avons à financer la transition énergétique et climatique. Nous avons à financer un investissement massif dans la santé et l’école, explique-t-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. La question c’est comment on le finance ? » Par sa politique de « plein-emploi » dont la rue de Grenelle a lancé le chantier ce lundi. Mais toujours pas par de nouveaux prélèvements et en aucun cas par plus de déficit public. Ne reste donc plus que l’allongement de la durée au travail pour « produire plus de richesses » : « C’est simple : si vous ne réglez pas le problème des retraites, vous ne pouvez pas investir sur le reste. C’est un vrai choix de société. »

Chaque camp va donc fourbir ses arguments sur la base de ce rapport. Car si le COR prédit que « le système de retraites serait déficitaire en moyenne sur les vingt-cinq prochaines années », il souligne aussi que ses travaux « ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite ». Dans le détail, entre 2021 et 2027, les dépenses de retraites dans le PIB, critère retenu par le COR pour analyser leurs poids dans les finances publiques, seraient globalement stables, passant de 13,8 % en 2021 à 13,9 % du PIB en 2027. Elles seraient ensuite en hausse de 2028 à 2032, pour atteindre 14,2 % à 14,7 %, en fonction des scénarios retenus. Mais devraient ensuite passer à une fourchette comprise entre 12,1 % et 14,7 % à l’horizon 2070. Dans son analyse portant sur « le pilotage de l’équilibre financier du système de retraite », le COR rappelle en revanche à plusieurs reprises que les résultats « doivent être interprétés avec prudence ».

Mise en garde des syndicats

Cette année, le rapport est « marqué par de nouvelles hypothèses […] plus défavorables sur le long terme ». Le COR a notamment revu à la baisse son principal indicateur économique : les « gains de productivité » du travail sont désormais compris dans une fourchette de 0,7 % à 1,6 % par an, contre 1 % à 1,8 % précédemment. Ce qui explique en partie le maintien d’un « besoin de financement » à « l’horizon 2070 » dans quatre des huit scénarios envisagés. Un pessimisme qui prévaut aussi pour le taux de chômage : alors que le gouvernement table sur « une baisse à 5 % en 2027 », le COR envisage toujours une « cible » de 7 % à long terme. En le ramenant à 4,5 %, « le déficit serait moindre » mais ne disparaîtrait pas.

Et sans surprise, le gouvernement devrait s’appuyer autant que faire se peut sur ce rapport pour justifier sa réforme des retraites. Le système reste « structurellement en déficit », a d’ailleurs affirmé ce lundi, dans un entretien au Point, le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Raccord avec l’Elysée. Le ministre réunira à nouveau syndicats et représentants patronaux le 19 septembre pour discuter de ce diagnostic du COR.