Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Les écoles : des lieux de contamination à surveiller de près

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Par Olivier Monod et Florian Gouthière — 1 novembre 2020 à

Si les jeunes enfants semblent moins contaminants que le reste de la population, les spécialistes préconisent de sérieuses enquêtes de terrain pour le vérifier.

Durant ce deuxième confinement, les écoles seront ouvertes mais les enfants masqués dès 6 ans. Un revirement par rapport au premier, pendant lequel les écoles étaient fermées. Elles n’avaient rouvert qu’au compte-gouttes pendant le déconfinement. Oui, les enfants de 0 à 11 ans peuvent attraper le Covid-19 (sous des formes légères dans l’immense majorité des cas) et oui, ils peuvent le transmettre. Une étude de cas nord-américaine concernant des garderies a identifié 12 enfants ayant attrapé le Covid dans une structure d’accueil et l’ayant ramené à la maison. Une question demeure, celle de la part exacte des écoles et des enfants dans la dynamique épidémique.

Le rôle des enfants dans la transmission de la maladie est un bon exemple des doutes et tâtonnements de nos connaissances sur le Covid-19. Au début de l’épidémie, faute de données sur ce nouveau virus, les épidémiologistes se basaient sur le modèle de la grippe qui circule beaucoup chez les marmots pour émettre des recommandations. Puis les études sur le Sars-CoV-2 ont commencé à sortir. Elles étaient plutôt rassurantes. En mai, une étude irlandaise n’identifiait pas de transmissions entre enfants. En juin, l’Institut Pasteur publiait un communiqué de presse intitulé « Covid-19 dans les écoles primaires : pas de transmission importante du virus entre enfants ou vers les enseignants ». Il se basait sur une étude préliminaire (non publiée et non validée par d’autres scientifiques) de l’équipe d’Arnaud Fontanet sur la ville de Crépy-en-Valois (Oise).

En août, l’analyse détaillée du fameux cluster du chalet des Contamines-Montjoie (Haute-Savoie) concluait que « les enfants, étant moins susceptibles d’être infectés et plus susceptibles de développer des formes légères, pourraient jouer un rôle moins important dans la transmission du virus ».

« Bonne nouvelle »
La portée de ces résultats est limitée car la plupart des études ont été menées quand le virus ne circulait plus beaucoup. Aussi, l’OMS, fin août, parlait « de preuves limitées » l’amenant à considérer que « les enfants plus âgés pourraient jouer un rôle plus actif dans la transmission que les enfants plus jeunes ». Un fait qui l’amène à recommander le masque chez les 12 ans et plus. Entre 6 et 11 ans, l’OMS conseille de décider en fonction de la circulation du virus, la capacité de l’enfant à s’y contraindre et ses effets sur le développement (aux Etats-Unis, les autorités le recommandent dès 2 ans).

Le rôle des écoles élémentaires et des crèches dans l’épidémie est minoré, par exemple, dans le modèle de l’épidémiologiste Vittoria Colizza. Dans une récente publication, sa simulation estimait qu’un confinement total d’un mois aboutirait à une baisse des hospitalisations comprise entre 55 % et 74 %. Cette baisse serait légèrement moins forte (de 52 % à 69 %) si les écoles restaient ouvertes et encore moins forte (41 % à 60 %) avec les collèges et lycées ouverts.

En Australie aussi, les écoles ont été vues comme peu contaminantes, mais l’épidémiologiste Zoé Hyde remet en cause cette vision. Dans un article paru le 25 octobre, elle affirme : « Nous ne pouvons plus nous permettre de fermer les yeux sur le rôle des enfants dans la transmission si nous espérons contenir le virus. » Un protocole doit donc être mis en place pour permettre de limiter la circulation du virus au sein des écoles.

Pour Arnaud Fontanet, épidémiologiste et membre du conseil scientifique, la situation se résume ainsi : « Les écoles primaires sont le lieu d’une circulation invisible du virus car la plupart des enfants sont asymptomatiques. La bonne nouvelle est que nous n’observons pas, dans le monde, de surreprésentation des enseignants parmi les malades ou les personnes infectées, donc les enfants sont peu contagieux envers les enseignants ou les mesures de protection sont efficaces. Il est vraisemblable que les enfants contaminés puissent ramener le virus à la maison où les contacts sont plus à risque car non protégés, mais nous manquons encore de données pour le quantifier. Il est donc nécessaire de bien suivre l’évolution de la situation dans les écoles en période de forte circulation du virus. »

« Financements »

Les derniers travaux réalisés en Corée du Sud ou en Inde tendent à montrer que les enfants de moins de 10 ans infectent moins leurs proches que les individus plus âgés. Là encore, on aimerait s’appuyer sur des données nationales, mais depuis le début de cette crise, la France n’a lancé que très peu d’études de terrain pour y suivre, justement, la dynamique de l’épidémie.

« Au début, les données disponibles étaient surtout cliniques (comme la charge virale) et suggéraient une faible infectiosité des enfants. Depuis septembre, on a plus de données de suivi épidémiologique qui nous donnent une autre vision. Malheureusement, on manque de financements pour de telles études de transmission en milieu scolaire ou au sein des familles en France », regrette Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS.