Industrie pharmaceutique

Libération - Levothyrox : « L’Agence du médicament a manqué de réaction »

Novembre 2017, par Info santé sécu social

Par Eric Favereau — 23 novembre 2017

Le vice-président de l’ANSM alerte sur la nécessité de remanier un système qui ne fonctionne plus.

Longtemps chargé des questions de santé au PS, le médecin Claude Pigement est vice-président du conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

L’affaire du Levothyrox, est-ce un échec de l’ANSM ?

Je ne dirais pas cela, car le problème est plus large. L’agence a, à l’évidence, manqué de réaction devant la montée en puissance des effets secondaires. Plus de 15 000 effets secondaires, dont 5 000 sérieux, ce n’est pas rien, d’autant que tous s’accordent à dire que le chiffre est minoré. Le changement de formule n’a été ni préparé ni surligné. Envoyer 400 000 courriers aux professionnels de la santé, ce n’était pas suffisant.

Mais on savait qu’un changement de formule était risqué. Il y a eu, avec d’autres médicaments, les exemples de la Nouvelle-Zélande et de la Belgique. Pourquoi l’ANSM ne s’y est-elle pas préparée ?

En Nouvelle-Zélande, il y a dix ans, ils ont eu 2 000 fois plus de cas d’effets secondaires en quelques mois avec la nouvelle formule, qu’en trente ans avec l’ancienne. Mais en Belgique, les autorités se sont bien préparées et cela s’est plutôt bien passé. On aurait pu s’en inspirer. Mais je rappelle que la France a été le premier pays à mettre sur le marché la nouvelle formule.

Deux rapports ont été remis à la ministre de la Santé sous le précédent quinquennat, évoquant de nouveaux dispositifs informatiques pour alerter. Et depuis, rien…

L’ANSM a une responsabilité, mais les médecins aussi. Par exemple, on paie aujourd’hui l’échec du dossier médical personnalisé. Et il faut des alertes informatiques, on ne peut plus se contenter de courriers.

Mais voilà dix ans que l’on répète la même chose…

Peut-être doit-on prendre conscience de l’importance du moment. Un système a dysfonctionné, des choix ministériels ont été faits, il y a eu une pression médiatique. Plutôt que de demander une tête, mettons tout à plat et discutons ensemble.

Un effet nocebo a été évoqué…

Il me semble erroné d’imaginer que des patients aient affabulé sur leurs effets secondaires. Mais il reste un mystère : 44 % des patients à effets secondaires ont eu une TSH [dosage sanguin de la thyréostimuline, ndlr] dans les normes. Cela pose problème. Dans l’affaire du Levothyrox, il reste à comprendre comment des effets secondaires sérieux ont échappé à une réflexion clinique. Je demanderai que l’ANSM apporte une réponse.

Est-ce possible avec un budget en baisse ?

C’est un problème, en effet. On ne peut pas demander de plus en plus de missions à l’agence sans lui donner des moyens en conséquence. Le budget 2018 prévoit une perte de 28 postes : c’est problématique. La sécurité sanitaire ne peut pas être une variable d’ajustement de Bercy.

Eric Favereau