Europe

Libération - A Madrid, des centaines de milliers de personnes dans la rue pour sauver le système de santé

Février 2023, par Info santé sécu social

Manif

Au moins 250 000 personnes se sont rassemblées dans la capitale espagnole pour dénoncer l’effondrement des services de santé causés par un sous investissement. Deux manifestations d’une envergure similaire avaient déjà eu lieu en novembre et en janvier.

(PIERRE-PHILIPPE MARCOU/AFP)
par LIBERATION et AFP
publié le 12/02/2022

Une troisième vague monstre en l’espace de trois mois. Plusieurs centaines de milliers de personnes ont défilé dimanche dans la capitale espagnole lors d’une nouvelle mobilisation pour défendre le système de santé public espagnol, miné depuis des mois par le manque d’effectifs et de moyens. Les manifestants, parmi lesquels de nombreux soignants, se sont retrouvés au son des tambours et des sifflets dans différents points de la capitale avant de converger vers la mairie. Sur des banderoles, on pouvait lire : « La santé ne se vend pas, elle se défend. »

Au nombre de 250 000 selon la préfecture, et de près d’un million selon les organisateurs, ils ont réclamé « plus de moyens » au gouvernement régional de Madrid et à sa présidente Isabel Diaz Ayuso, accusée de favoriser les prestataires privés au détriment du service public. « En Espagne, le système de santé public était très bon. Mais ces dernières années, il s’est fortement dégradé, surtout depuis la pandémie, constate Ana Santamaria, une habitante de Madrid venue défiler avec une amie, Susana Bardillo. Pour obtenir un rendez-vous, il faut désormais attendre des semaines. Du coup, les gens filent aux urgences, qui sont complètement débordées ». Ce système « maltraite les professionnels, et maltraite les patients ».

Une « situation dramatique »

Cette manifestation, convoquée par des collectifs d’habitants, est la troisième de grande ampleur organisée depuis trois mois dans la capitale espagnole, après celle du 15 janvier et surtout du 13 novembre, qui avait rassemblé 200 000 personnes, selon la préfecture. Elle survient alors qu’une partie des médecins des établissements publics de la capitale sont en grève depuis le 21 novembre, à l’appel du principal syndicat de médecins de Madrid (Amyts), pour réclamer de meilleures conditions de travail et des augmentations de salaire.

« Il y a des listes d’attente interminables. Nous n’arrivons pas à suivre », explique Maite Lopez, infirmière dans le public, qui manifeste pour être « enfin entendue ». Elle déplore une « situation dramatique » : « On ne peut pas bien prendre en charge les patients ».

Figure du Parti populaire (PP) et représentante de la droite dure espagnole, la présidente de la région de Madrid Isabel Diaz Ayuso accuse pour sa part les manifestants d’être motivés par des intérêts « politiques », niant toute volonté d’affaiblir le système de santé public. « Nous n’avons jamais affecté autant d’argent à la santé publique » dans la région, a-t-elle assuré jeudi, en dénonçant des « fake news » à son encontre.

Un sous investissement
La grogne vis-à-vis des défaillances du système de santé a touché ces derniers mois d’autres régions en Espagne, pays très décentralisé où les autorités régionales ont la main sur la santé publique. Mais c’est à Madrid que le mouvement est le plus fort. La communauté de Madrid est en avant-dernière position des 18 régions espagnole en matière d’investissement en santé publique, avec 1 491 euros par an et par habitant, selon le dernier rapport du ministère de la Santé datant de 2020.

Une situation jugée paradoxale, Madrid étant la région la plus riche d’Espagne. « C’est une honte qu’avec autant de richesse, l’accès à des soins de santé publics de qualité ne soit pas garanti », regrette dans la manifestation Pepe Alvarez, secrétaire général de l’UGT, l’un des principaux syndicats espagnols.