L’aide sociale. L’action sociale

Libération - Pauvreté : les contours de l’aide de 150 euros se précisent

Octobre 2020, par Info santé sécu social

Par Tonino Serafini — 20 octobre 2020

Les jeunes de condition modeste ou en difficulté percevront aussi cette somme exceptionnelle pendant la période du couvre-feu. Au total, 1,1 million de personnes de moins de 25 ans devraient en bénéficier.

Les jeunes de moins de 25 ans bénéficieront, eux aussi, d’un coup de pouce financier ponctuel pendant la période du couvre-feu, au même titre que les allocataires du RSA (150 euros) ou les ménages avec enfant touchant l’APL (100 euros d’aide par enfant à charge). Le Premier ministre devait l’annoncer samedi lors d’une visite dans un centre d’hébergement à Epinay-sur-Orge (Essonne), à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, célébrée chaque année le 17 octobre. Mais l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine a bousculé l’agenda gouvernemental. D’autres mesures concernant l’insertion par l’activité des personnes en difficulté « éloignées de l’emploi » devraient être dévoilées prochainement par Jean Castex.

Quels sont les jeunes éligibles au coup de pouce de 150 euros ?
Environ 400 000 jeunes de moins de 25 ans (en activité, en formation ou en recherche d’emploi) allocataires de l’APL vont toucher cette aide ponctuelle de 150 euros. Auxquels s’ajoutent les étudiants boursiers sur critères sociaux (ils étaient 712 000 pendant l’année universitaire 2018-2019 selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche). Au total, ce sont donc 1,1 million de jeunes, pauvres ou modestes, qui vont obtenir ce coup de pouce. Les informations relatives à cette mesure qui avaient filtré dès jeudi ont été confirmées officiellement ce week-end par le Premier ministre dans une interview au Journal du dimanche.

Pourquoi il y a eu cafouillage sur ce coup de pouce aux jeunes ?
Jean Castex était chargé de « rattraper le coup » après le cafouillage suscité par les propos du président de la République quelques jours plus tôt. Lors de son entretien télévisé du 14 octobre, Emmanuel Macron avait annoncé le versement d’une aide ponctuelle aux ménages pauvres ou modestes, qui semblait exclure les jeunes. En effet, ni le coup de pouce de 150 euros pour les allocataires du RSA (minimum social auquel ne sont pas éligibles les moins de 25 ans) ni l’aide de 100 euros par enfants à charge en faveur des bénéficiaires de l’APL, ne semblait les concerner (peu de personnes de moins de 25 ans ont des enfants).

« Concernant les jeunes […] nous étendons cette aide […]. Nous avons pleinement conscience du fait que lorsque survient une crise économique, elle touche d’abord et de plein fouet les personnes précaires et les jeunes », a indiqué Jean Castex au JDD. Mais il s’agit bien d’une aide ponctuelle. Semblable à celle qui avait déjà été versée aux allocataires du RSA, des APL, ou à une partie des jeunes, lors du confinement au printemps. Mais pas question d’augmenter le RSA, comme le réclament les associations de lutte contre les exclusions.

Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d’augmenter le RSA ?
Le gouvernement a une ligne dont il ne dévie pas : il n’y aura pas de revalorisation pérenne du revenu de solidarité active. Face à des indicateurs qui font état d’un basculement d’un nombre inquiétant de ménages dans la pauvreté (hausse des demandes d’aide alimentaire, hausse du nombre de demandeurs du RSA), l’exécutif reste accroché à ses fondamentaux. Pour lutter contre la pauvreté, il table sur des aides à l’insertion par l’activité, la formation et l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Que répondent les associations ?
Ces mesures que devrait annoncer dans les prochains jours le Premier ministre, lors de la présentation d’un « acte II » de la stratégie de lutte contre la pauvreté du gouvernement, ne sont pas jugées crédibles par les associations. « Cette stratégie d’insertion par le travail est assez incantatoire, rétorque Manuel Domergue, directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre. Comment va-t-on fournir un emploi, une formation ou un accompagnement vers l’activité à 1,9 million de personnes allocataires du RSA alors qu’on traverse une crise économique sévère marquée par une forte poussée du chômage ? »

Pour les associations de lutte contre l’exclusion, cette situation de crise va durer. Pour que les familles pauvres puissent faire face « à leurs besoins vitaux », le leader de la CFDT, Laurent Berger, et le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, estiment nécessaire une hausse du RSA de 100 euros par mois, comme ils l’ont martelé dans Libération. Le RSA est actuellement de 559 euros par mois pour une personne seule.

Quelles mesures pour les plus précaires, les personnes SDF ?
Dimanche, la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, a annoncé dans un communiqué que le « plan hivernal » entrait en vigueur le jour même « le 18 octobre, au lieu du 1er novembre habituellement ». Ce dispositif donne lieu à l’ouverture de places supplémentaires dans les centres d’hébergement par les préfets, ainsi qu’un renforcement des maraudes qui vont à la rencontre des personnes sans-abri pour leur proposer un accueil.

Concernant les locataires visés par un jugement d’expulsion (généralement en raison de difficultés pour payer leur loyer), le ministère précise que « les expulsions locatives avec concours de la force publique doivent s’accompagner d’une solution de logement ou d’hébergement ». En réalité, les vrais relogements sont rarissimes. Généralement, le ménage concerné se voit proposer un hébergement à l’hôtel, parfois loin du domicile dont il a été évacué, y compris lorsque les enfants sont scolarisés dans une école du quartier où ils habitaient.

Tonino Serafini