Réforme retraites 2023

Libération - Réforme des retraites : Macron, le président banal

Janvier 2023, par Info santé sécu social

Le gouvernement va dévoiler ce mardi sa réforme des retraites sans avoir convaincu l’opinion de la nécessité de sa réforme. Loin de renverser la table, il reprend le mantra sarkozyste déprimant : travailler plus pour gagner plus.

par Paul Quinio
publié le 10/01/2023

C’est parti pour la bataille des retraites. Avec quelques semaines de retard, le gouvernement va dévoiler la réforme qu’il devait initialement présenter avant les vacances de Noël. Il s’agissait alors pour l’Elysée ne pas prendre le risque de gâcher les fêtes, en braquant une opinion pas complètement acquise à la nécessité de durcir les critères de départ. Trois semaines plus tard, elle ne l’est pas davantage. Et c’est pour le gouvernement un constat d’échec : il va dévoiler son plan sans avoir réussi à convaincre l’opinion que sa réforme est incontournable. Gabriel Attal l’a d’ailleurs avoué dans son entretien au JDD en admettant percevoir « aujourd’hui l’importance de nous adresser directement aux Français ».

On croit rêver. Quand il a tenté de le faire, l’exécutif s’est par ailleurs emmêlé dans ses explications sur la nécessité de réformer : est-ce pour sauver le système par répartition ou bien, comme il l’a longtemps clamé, pour financer d’autres dépenses ? Le discours est désormais calé sur le sauvetage du système, mais ce flou initial n’a pas aidé à embarquer l’opinion. D’autant moins que l’argument du déséquilibre budgétaire est battu en brèche par une partie des experts. Cette impasse sur le travail de conviction auprès de l’opinion est troublante, le signe supplémentaire peut-être de la déconnexion du pouvoir macronien… Le Président a-t-il les ressources pour gagner cette bataille de l’opinion dans les semaines qui viennent ? Face à l’unité syndicale, dans le contexte de crispation liée à l’inflation, la pente sera raide.

L’autre enseignement qui s’impose alors que cette réforme est présentée comme la mère des batailles du second quinquennat : Emmanuel Macron a renoncé à enfiler son costume de réformateur en chef d’un pays réputé revêche. Il avait construit avec succès cette image en 2017, notamment grâce à son projet de réforme systémique. Il se retrouve cinq ans plus tard à faire exactement la même chose que ses prédécesseurs. Il s’est d’une certaine manière banalisé. Il voulait renverser la table. Il discute 64 ans ou 65 ans. Il avait la possibilité d’ancrer la discussion sur les retraites dans un contexte où les crises sanitaires, environnementales, économiques charrient des interrogations sur le sens à donner au travail. Il se retrouve avec le même mantra déprimant que Nicolas Sarkozy : travailler plus pour gagner plus. Bien sûr que reculer l’âge légal de départ à la retraite n’a rien d’anodin, notamment pour les métiers les plus difficiles exercés par les catégories les plus populaires. Emmanuel Macron bombera évidemment le torse s’il parvient à ses fins. Mais il devra aussi regarder en face son statut de réformateur aux petits pieds.