Les mobilisations sur les retraites

Libération - Réforme des retraites : « Si des grèves reconductibles sont décrétées dès lundi, on les appuiera »

Mars 2023, par Info santé sécu social

Murielle Guilbert, co-déléguée générale de Solidaires, se félicite de voir émerger des initiatives un peu partout sur le territoire, ces derniers jours, pour lutter contre la réforme des retraites sans que l’intersyndicale ne l’ait demandé.

par Julien Lecot
publié le 18/03/2023

Après l’utilisation par le gouvernement de l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force sa réforme des retraites, l’intersyndicale a appelé jeudi à une neuvième journée de mobilisation nationale le 23 mars. En attendant, des rassemblements sont prévus un peu partout en France tout le long du week-end. Pour Murielle Guilbert, co-déléguée générale de Solidaires, il est « normal et souhaitable » que des initiatives locales voient le jour et que le mouvement prenne des formes nouvelles.

Que change l’utilisation du 49.3 ?

C’est un double déni. A la fois un mépris de la mobilisation sociale et un déni démocratique. Cela ne fait que rajouter de l’huile sur le feu et de la colère. Vous voyez bien : quand bien même la réforme est en partie adoptée, la lutte continue, sous diverses formes.

Pourquoi attendre jeudi prochain pour organiser une nouvelle journée nationale de mobilisation ?

Préparer une nouvelle date demande un investissement militant, de la distribution de tracts, de la persuasion… Faire grève n’est pas spontané. La date du 23 doit donc laisser du temps, dans une période hyper intense, pour s’organiser. Annoncer une date de grève jeudi prochain, c’est aussi montrer que notre calendrier reste syndical. D’ici là, il y aura des épisodes politiques avec notamment le vote des motions de censure [lundi, ndlr]. Depuis le début, nous avons évité les amalgames entre bataille syndicale – par la grève et dans la rue – et celle, politique, même si les deux peuvent se rejoindre par moments. Appeler à une mobilisation le 23, c’est annoncer qu’on ne s’arrêtera pas à la motion de censure. Enfin, cette date doit aussi permettre aux secteurs qui ont pu relâcher le mouvement ces derniers jours – pensant que la loi allait passer – de s’y réinscrire. Et, à d’autres, d’enfin passer le cap et de rentrer dans des grèves reconductibles. D’ici là on ne va pas pour autant rester les bras croisés. L’intersyndicale a appelé les unions départementales et intersyndicales locales à organiser des rassemblements tout au long du week-end. Le mouvement a pris une forme très ancrée. C’est bien de laisser s’exprimer toutes les modalités possibles d’opposition à cette réforme, de laisser faire une part d’imagination.

Vous n’avez pas peur que le mouvement social déborde les centrales ?

Du point de vue de l’intersyndicale, si ça se passe de manière calme et organisée, c’est gage d’une bonne opinion générale du mouvement. Chez Solidaires, on estime que se faire dépasser par la base est bon signe : cela signifie qu’il y a une vraie volonté d’aller au retrait par tous les moyens. Pour autant, on ne doit pas faire n’importe quoi. Mais, la multiplicité des actions avec les branches locales, qui appellent à se mobiliser en dehors de ce qui est prévu par l’intersyndicale, est, pour nous, normal et souhaitable. Si des grèves reconductibles sont décrétées dès lundi dans certains secteurs, nous serons en soutien total et nous les appuierons.

Avec le risque de voir émerger des manifestations spontanées et les violences ou les dérives qui peuvent aller avec…

Nous avons averti ce gouvernement à plusieurs reprises : s’il ne répondait pas à notre demande de rencontre et s’il s’asseyait à chaque fois sur ce que portent des millions de personnes dans la rue, nous arriverions à une situation explosive que nous ne serions pas forcément en mesure de maîtriser. Aujourd’hui, la contestation se transforme et essaye d’être la plus visible possible. Evidemment, dans le lot, il y en a qui brûlent des poubelles dans Paris… C’est la faute du gouvernement si cela continue de façon plus « radicale » comme disent certains ministres. Nous nous inquiétons par ailleurs de la répression et des violences policières. Nous voyons que les interdictions de manifester se multiplient, les gardes à vue aussi, avec de fortes présences policières aux abords des cortèges déclarés. Nous craignons que cela s’accentue. Au lieu de jouer l’accalmie après avoir utilisé le 49.3, le gouvernement continue sa fuite en avant : plus le temps passe et plus il s’enferme dans une voie sans issue. Forcément, cela tend tout le monde. Ce n’est pas à celles et ceux qui expriment leur colère sociale d’en faire les frais.