Réforme retraites 2023

Libération - Retraites : le gouvernement joue le compromis politique bancal contre le compromis social clair

Février 2023, par Info santé sécu social

Le billet de Thomas Legrand

En choisissant les petits arrangements avec une droite, finalement moins à droite que la macronie sur la réforme des retraites, le pouvoir tourne le dos à une solution négociée avec le seul interlocuteur qui vaille : les syndicats unis, qui ont le soutien de la majorité des Français.

Publié le 08/02/2023
On n’avait pas vu ça depuis les petits arrangements politicards de la IVe République… La majorité relative tente, pour faire passer son texte, d’obtenir les voix des parlementaires de droite. Là n’est pas le problème, on prône assez souvent dans ces lignes la recherche du compromis plutôt que l’entretien permanent de la culture d’affrontement. Non, ce qui trouble ici c’est que la droite, qui avait lors de la dernière présidentielle et des dernières législatives, promis de faire passer l’âge de départ à la retraite à 65 ans, multiplie les amendements pour amoindrir la réforme du gouvernement qui souhaite simplement aller jusqu’à 64 ans. Il ne s’agit pas ici de s’en plaindre, après tout, la grande majorité des 80 députés de droite qui ont sauvé leur siège en juin sont issus de circonscriptions souvent rurales et populaires, et donc représentent une tout autre population que les groupes UDF/RPR, UMP ou LR d’antan.

Stratégie culbuto
Pour preuve l’ouest parisien, comme tous les quartiers chics des métropoles et les Hauts-de-Seine, département cossu de l’Ile-de-France – autrefois pourvoyeurs en masse de députés de droite, libéraux, promoteurs d’une politique économique de rigueur, favorable aux plus aisés – ont envoyé, lors des dernières législatives, des députés Renaissance à la pelle. Les parlementaires Les Républicains (LR), dès lors, quand ils rentrent, le week-end, dans leur circonscription populaire n’ont plus affaire aux rombières fortunées du VIIe arrondissement de Paris (là où le mètre carré est le plus cher en France) désormais représentées par deux élus Renaissance, mais à la classe moyenne, aux prises avec l’inflation, et effrayée par les simulations de ses retraites. Aurélien Pradié, jeune député LR du Lot éruptif et ambitieux, n’a plus ce surmoi coupeur de budgets sociaux et représente bien cette droite post-sarkozyste qui ne s’intéresse pas spécialement aux déficits des comptes publics.

Dès lors la majorité macronienne se retrouve coincée d’avoir mal apprécié l’évolution sociologique des électeurs de la droite qu’elle convoite. Elisabeth Borne espérait sans doute reproduire une mécanique plutôt gagnante vis-à-vis de l’opinion qui plaçait la majorité (absolue avant 2022, relative depuis) dans une situation centrale, avantageuse, entre des surenchères de gauche et de droite. La France insoumise et le Rassemblement national dominaient de façon sonore les débats de l’opposition, et les macronistes arrivaient ainsi à incarner une certaine modération, du moins une attitude responsable. Avec sa majorité relative, une autre stratégie s’impose au gouvernement. Appelons-la la stratégie culbuto. Un coup à gauche (la loi sur les énergies renouvelables, peut-être la loi immigration qui prévoit des régularisations) et beaucoup de coups à droite.

Assouplissements coûteux
Mais surprise, les voix que la majorité vient chercher à droite pour faire passer la réforme des retraites ne se paient pas avec la monnaie libérale prévue. Voilà le gouvernement obligé de réfléchir à des assouplissements coûteux s’agissant des carrières longues. Résumons. Le gouvernement choisit un compromis politique peu clair avec une partie de la minorité qui défend le contraire de ce qu’il y avait dans son propre programme, plutôt qu’un compromis social, avec des syndicats qui mobilisent massivement avec le large soutien de l’opinion. Pourquoi faire simple.