Réforme retraites 2023

Libération - Retraites : les députés sont-ils concernés par la réforme qu’ils s’apprêtent à voter ?

Février 2023, par Info santé sécu social

Une étude révèle de façon détaillée le profil sociologique de l’Assemblée nationale. Majoritairement composée de cadres sup et de professions intellectuelles, légèrement moins féminisée qu’avant, ses membres ne subiront pas les conséquences de la réforme.

par Simon Blin
publié le 3 février 2023

La réforme des retraites est-elle en phase avec le portrait social des Français ou de celui des députés qui composent l’Assemblée nationale ? Ce n’est pas la même chose. Sept mois après les élections législatives de 2022, une note de l’Institut des politiques publiques (IPP) dresse le profil détaillé des 577 députés siégeant à l’Assemblée nationale à partir d’une « analyse comparative de leurs parcours éducatifs, professionnels et politiques ». Connaître la composition sociologique précise des élus amenés à se prononcer pendant les discussions parlementaires n’est pas anodin. Celle-ci est même révélatrice alors que 70 % des Français se déclarent opposés au projet de réforme des retraites, qui a pour principale mesure le report de l’âge de départ à 64 ans, et que la « valeur travail » et la prise en compte de la pénibilité de certains emplois occupent le débat public depuis des semaines.

Que retenir de cette étude ? Si l’Assemblée nationale est « moins élitiste » que sa prédécesseuse, ses auteurs constatent que les « classes supérieures y sont toujours très dominantes » avec une surreprésentation des cadres sup et des professions intellectuelles. Et ce bien que certaines classes populaires soient mieux représentées qu’avant. « Le fait le plus marquant est probablement le retour d’ouvriers et d’employés dans une Assemblée nationale où ils étaient notoirement absents en 2017 », peut-on lire. La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN) en sont de loin « les principaux pourvoyeurs » puisque « 91 % des élus de classes populaires » proviennent de l’un de ces deux groupes parlementaires. Une percée qui reste toutefois dérisoire au regard de la population française : 6 % des députés, contre 45 % de la population active en France (pour qui deux ans de plus au travail s’avèrent être une mauvaise nouvelle).

Le « nouveau monde » révolu

Autre enseignement : le carriérisme est de retour dans l’hémicycle. L’Assemblée nationale élue en 2017 et l’arrivée de novices de la politique, sous l’impulsion de La République en marche (LREM, aujourd’hui Renaissance), avait marqué une rupture par rapport aux décennies passées avec un taux de renouvellement du personnel politique de 74 %. Cinq ans plus tard, ce vent de « dégagisme » n’est plus. « Les personnes issues de la société civile ont vu leur nombre décroître significativement », constate la note. Si bien que « 2022 marque le grand retour des formes de professionnalisation politique dénoncées par Emmanuel Macron », lequel avait fustigé au moment de sa première campagne présidentielle « l’entre-soi nauséabond de la politique ». Concrètement, en 2017, le Palais-Bourbon comptait 28 % de députés sans expérience politique majeure au moment de leur élection contre seulement 15 % aujourd’hui. De ce point de vue, le « nouveau monde » est révolu.

L’Assemblée nationale élue dans la foulée d’Emmanuel Macron s’était fortement rajeunie (de neuf ans) et féminisée (passant de 25 % à 39 % de députées femmes). Cette évolution, qui était à mettre au crédit du groupe LREM étant donné qu’il dominait largement la composition des nouveaux élus, connaît une légère baisse avec désormais 37 % de députées. L’égalité de genre devrait rester un objectif au moins pour les partis politiques de gauche se revendiquant des combats féministes et de la parité. A partir du 6 février, c’est donc une Assemblée nationale un poil plus masculine que la précédente qui sera chargée d’examiner le texte d’une réforme qui va pénaliser davantage les femmes que les hommes.