Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Stockage et transport des vaccins : la douche froide ?

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Par Margaux Lacroux — 13 novembre 2020

Le projet de vaccin de Pfizer doit être conservé à - 70 °C, ce qui implique une technologie coûteuse.

Le vaccin développé par Pfizer et BioNTech est peut-être le plus avancé, mais il a une particularité embêtante : il aime le grand froid. Car il contient une molécule extrêmement fragile, l’ARN messager, qui dicte à nos cellules ce qu’il faut fabriquer pour lutter contre le virus. Pour éviter que le vaccin ne se détériore, il doit être conservé sous la barre des - 70 °C, température que très peu de congélateurs peuvent atteindre. Une telle technologie n’existe que dans le biomédical, et les pharmacies n’en sont pas équipées.

« Freezer farms »
Comment s’assurer alors que la chaîne du froid (polaire) sera respectée lors de la distribution mondiale des doses ? « C’est un chantier monumental », a reconnu le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors de son point hebdomadaire sur la pandémie. Partout, on se lance donc dans la course aux congélos ultra-sophistiqués et coûteux. A commencer par la France : « Nous avons déjà acheté 50 supercongélateurs qui permettent de stocker des produits de santé qui sont reliés à des alarmes, qui seront entreposés dans des endroits sécurisés à partir desquels des équipes pourront se déployer pour ensuite alimenter tous ceux qui seront amenés à être vaccinés », a annoncé Véran, sans préciser le montant de l’investissement. Le voisin allemand a prévu, lui, une soixantaine de centres de vaccination équipés de congélateurs à très basse température (lire ci-contre).

Vaccin contre le Covid-19 L’éprouvette de force
Les meilleurs fabricants se trouvent en Asie - Fukushima Galilei et Daihan Scientific ont d’ailleurs bondi en Bourse peu après l’annonce de Pfizer et BioNTech. Et les géants de la logistique tentent de s’adapter. L’américain UPS a investi dans la construction de deux « freezer farms », des fermes de congélation, aux Etats-Unis et aux Pays-Bas. Des installations consommatrices d’énergie qui ne risquent pas d’alléger le bilan carbone de la planète.

GPS et capteurs
Le transport des doses par avion et camion est un autre défi. Une fois sortis des congélateurs, les vaccins doivent être placés dans des boîtes spécialement conçues par Pfizer. De la taille d’une valise, elles peuvent contenir jusqu’à 5 000 doses et sont réfrigérées par de la neige carbonique. Les - 70 °C peuvent ainsi être maintenus pendant dix jours. Les boîtes sont équipées de GPS et de capteurs qui sonnent l’alerte si la température monte trop.

Dans le Guardian, des experts alertent sur la grande difficulté à s’équiper pour les pays les plus pauvres, déjà très vulnérables. Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, souligne que l’arrivée de ce type de vaccin « présage d’importants défis de la chaîne du froid pour les pays africains ». BioNTech a assuré mardi qu’une fois sorti des congélateurs spéciaux où il devait être entreposé, le vaccin pouvait être conservé pendant cinq jours dans un réfrigérateur « classique », entre 2 et 8 °C. Encore faut-il en avoir un.

Le projet de sérum développé par la firme américaine Moderna, également basé sur l’ARN messager, est un peu moins contraignant. Il doit être conservé à - 20 °C, une température atteignable dans des congélateurs classiques. Du côté de Johnson & Johnson aux Etats-Unis, AstraZeneca et Oxford au Royaume-Uni ou Sanofi en France, on planche sur un vaccin qui n’aurait pas besoin de congélation.