Luttes et mobilisations

Libération - Urgences : l’espoir revient, mais la grève se maintient

Juillet 2019, par Info santé sécu social

REPORTAGE

Par Eric Favereau, 28 juillet 2019 à 19:56

Des membres du collectif Inter-Urgences réunis dimanche au parc de la Villette à Paris. Le mouvement de grève a démarré à la mi-mars.

Avec plus de 210 services mobilisés en France, le collectif Inter-Urgences a décidé ce week-end de maintenir un mouvement très suivi, même si dans plusieurs hôpitaux, notamment à Paris, les gestes des autorités sont bien accueillis.

Urgences : l’espoir revient, mais la grève se maintient
« On a le sentiment que la confiance et l’envie de travailler sont revenues. » Le Dr Christophe Prudhomme, responsable CGT santé, en parle comme d’une belle victoire. Alors que le mouvement de grève des urgences, démarré mi-mars à Paris, a continué de s’étendre en juillet pour toucher plus de 210 services, l’ambiance a changé. « On a le sentiment qu’on peut gagner », reconnaît-il.

Urgences : « On adore ce que l’on fait, mais le faire mal nous épuise »
Même son de cloche du collectif Inter-Urgences, qui est à l’origine du mouvement et a décidé, ce week-end, de maintenir son mot d’ordre de grève. « Certes nous réclamons toujours plus de lits, d’embauches et des hausses de salaires, mais c’est vrai, il y a eu des avancées locales, nous assure Hugo Huon, président du collectif. Mais cela ne suffit pas. » Et ce jeune infirmier de prendre l’exemple parisien : « Les propositions avancées par la direction des hôpitaux de Paris semblent raisonnables, mais les problématiques d’effectifs sont encore loin d’être résolues. » Ainsi, à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), la direction a offert de créer 230 postes dans ses 25 services d’urgences, et les soignants de l’hôpital Trousseau ont même décidé d’arrêter localement la grève. A Saint-Antoine, d’où est parti le mouvement après une série d’agressions, les personnels ont soutenu les propositions de la direction de l’AP-HP tout en décidant de maintenir la grève, « les revendications nationales n’étant pas satisfaites », selon le collectif.

Consignes de souplesse
On le voit, ce mouvement a réussi à casser le sentiment de fatalité. Le ministère de la Santé a dû lâcher davantage que ce qu’avait annoncé à la mi-juin la ministre avec 70 millions d’euros pour financer une prime de risque de 100 euros net mensuels pour les personnels des urgences. Et surtout, poussé par Matignon et l’Elysée, le ministère a donné des consignes de souplesse aux agences régionales de santé. « Dans un certain nombre d’endroits, les directions essayent de faire des propositions pour avoir des protocoles d’accords locaux » , note Christophe Prudhomme, citant par exemple la fin de la grève des urgences de Libourne en Gironde. « Mais il y a des agences régionales de santé qui ne font rien », s’énerve le collectif Inter-Urgences.

Pour l’heure, la mobilisation reste massive, et surtout elle reste « populaire » dans les équipes soignantes. Et pour cause. Les difficultés n’ont pas disparu avec l’été. Exemple : en début de semaine, comme le relate France Bleu, la tension a été maximale au CHU de Saint-Etienne. Depuis le début du mois, 28 lits ont été fermés dans deux services post-urgences. Que faire des patients qui doivent être hospitalisés ? Un infirmier du CHU raconte : « On se retrouve en été, avec des périodes de canicule de plus en plus fréquentes, et avec un nombre croissant de patients fragiles nécessitant une hospitalisation. Avec la fermeture de ces 28 lits, la durée d’attente sur les brancards s’allonge, c’est inévitable. Cela nous arrive d’avoir des patients âgés qui restent allongés sur des brancards pendant un ou deux jours. » Dernier exemple en date à Saint-Etienne : une personne est restée soixante-dix heures sur un brancard la semaine dernière.

Phénomènes inquiétants
« Ce que l’on craint, poursuit l’urgentiste Christophe Prudhomme, c’est que les postes qu’on libère pour les urgences ne soient pas des créations de postes et que dans les faits l’on déshabille Paul pour habiller Pierre. » Et le syndicaliste de pointer des phénomènes inquiétants, comme la fermeture des urgences la nuit, à l’hôpital de Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence), « faute de personnel ».

Ce week-end, après avoir réuni son comité de grève, le collectif Inter-Urgences a décidé de mieux se structurer, de lancer un site internet « pour communiquer en temps réel » sur l’état du terrain. La prochaine assemblée générale est programmée le 10 septembre, à la veille de la journée nationale d’action, à laquelle le collectif pourrait bien choisir de s’associer.

Eric Favereau