Sida

Libération - VIH : l’épidémie continue en France

Novembre 2022, par Info santé sécu social

Alors que se tient la Journée mondiale de lutte contre le sida le 1er décembre, les derniers chiffres de l’épidémie en France sont dévoilés – où plutôt des estimations. On reste fasciné par cette incapacité française, plus de quarante ans après le début de l’épidémie, d’avoir un tableau de bord efficace et pertinent sur l’état des lieux.

par Eric Favereau
publié le 29 novembre 2022

Au fait, qu’est devenu le sida ? On en parle peu, le Covid ayant pris toute la place. Pourtant, ce rétrovirus est bien là et en France, l’épidémie continue. A quelques jours de la Journée mondiale contre le sida, le 1er décembre, Santé publique France nous donne les derniers chiffres de l’épidémie. Ou plus exactement des estimations. On reste fasciné par cette incapacité française, plus de quarante ans après le début de l’épidémie, d’avoir un tableau de bord efficace et pertinent sur l’état des lieux. « On estime autour de 5 000 nouvelles contaminations en 2021 du sida », indique SPF. « Le nombre de découvertes de séropositivité avait fortement diminué entrée 2019 et 2020 (-22%), en lien avec la limitation de l’activité de dépistage, mais sans doute également avec une baisse des expositions au VIH liée aux mesures de distanciation sociale, et avec la baisse des flux migratoires notamment en provenance d’Afrique subsaharienne ». Et donc, « en 2021, environ 5 000 personnes ont découvert ainsi leur séropositivité VIH, nombre stable par rapport à celui de 2020. Alors qu’une augmentation du dépistage est observée entre 2020 et 2021, il est difficile d’interpréter la stabilité des diagnostics en termes de dynamique de l’épidémie, puisqu’il n’est pas possible de savoir si le regain de dépistage a concerné ou pas les populations les plus exposées au VIH ».

« Aucun élément pour gérer en direct l’évolution des contaminations »
Bref, on ne peut rien en déduire. « Parmi ces découvertes de séropositivité, 51% étaient des hétérosexuel·le·s (36% né·e·s à l’étranger, 15% né·e·s en France), 44% des hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (32% nés en France et 12% nés à l’étranger), et 2% des personnes trans contaminées par rapports sexuels et 1% des usagers de drogues injectables. »

C’est un peu maigre comme données. « On n’a aucun élément pour gérer en direct l’évolution des contaminations », se plaint amèrement une professeure de santé publique qui préfère rester anonyme, tant elle se lasse « de répéter tous les ans le même constat ». Faut-il rappeler que près d’une déclaration obligatoire de séropositivité sur deux n’est pas faite, révélant au passage le manque de sérieux sur ce volet des équipes médicales. « Les données épidémiologiques disponibles pour les années récentes, depuis notamment la crise sanitaire associée à la Covid-19, sont rendues peu robustes en raison de la baisse de participation des professionnels de santé à la surveillance, en particulier à celle de l’infection au VIH. Elles doivent donc être interprétées avec prudence », insiste Santé publique France. Ce manque d’informations fiables n’est sans donner quelques inquiétudes. D’abord sur le dépistage : en France, sur le VIH on dépistait énormément, mais un peu n’importe comment. Avec le Covid, les pratiques ont changé, mais sans trop savoir vers quoi. « La crise sanitaire liée au Covid-19 a eu un impact important sur le recours au dépistage, observé à la fois pour le VIH et les IST bactériennes‚ qui malgré une reprise en 2021, peut laisser craindre un retard au diagnostic et une circulation plus importante de ces infections. »

Très clairement, le niveau de dépistage du sida a baissé. Et n’a pas encore retrouvé celui d’avant Covid. En plus, les pratiques de dépistage dans les groupes à risque, en particulier chez les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, ont évolué. « Le préservatif reste l’outil de protection le plus utilisé. Cependant une baisse continue de son usage est observée… Mais cette baisse est contrebalancée par l’augmentation significative de l’usage de la prophylaxie pré-exposition (PrEP), passant de 7% d’utilisation lors du dernier rapport anal avec un partenaire occasionnel en 2017, à 28% en 2021. »

« Casser les chaînes de transmission »
Rappelons que la PrEP est une prévention médicamenteuse, où la personne prend un médicament anti VIH, soit en continu, soit autour du moment où elle a des rapports à risque ; bien pris, cela marche très bien, avec un taux de succès de quasi 100%. Ils sont aujourd’hui près de 40 000, en France, à avoir initié la PrEP. Il n’empêche, en dépit de ce succès, cela n’empêche pas la poursuite de l’épidémie chez les gays. « Le niveau global de prévention contre le VIH n’augmente pas dans cette population d’HSH séronégatifs exposés au risque de contamination. L’ouverture de la primo-prescription de la PrEP en médecine de ville et des actions associatives d’“aller-vers” pourraient permettre de poursuivre la tendance de manière plus soutenue, alors que l’utilisation du préservatif ne cesse de s’éroder. »

Au final, alors que nous avons tous les dispositifs de prévention et de traitements pour casser l’épidémie, nous n’y arrivons toujours pas. Et l’on reste à un niveau conséquent de contaminations. « Un taux de recours au dépistage insuffisant entraîne un retard au diagnostic VIH et à l’accès aux traitements antiviraux », rappelle Santé Publique France. « L’effet préventif de ces traitements, qui permettent de vivre en bonne santé avec une espérance de vie restaurée, sans développer le sida et sans risque de transmettre le virus, a un impact direct sur la dynamique de l’épidémie. Il est également important de dépister les IST, pour certaines silencieuses, afin de casser les chaînes de transmission et la circulation de ces infections. »

Des propos de bon sens que l’on répète chaque 1er décembre, sans beaucoup d’effets, manifestement. En ce qui concerne la planète, le souhait de l’OMS d’arriver à bloquer l’épidémie en 2030 s’éloigne de plus en plus.