Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Vaccination : l’objectif de 30 millions d’injections d’ici à juin est-il tenable ?

Avril 2021, par Info santé sécu social

Critiqué pour sa lenteur, le gouvernement français assure qu’il recevra des volumes suffisants de doses pour vacciner toute la population volontaire d’ici la fin de l’année.

Lors de son allocution mercredi soir, Emmanuel Macron a répété une promesse déjà formulée début février : « Nous tiendrons l’objectif que je nous ai fixé, à savoir que d’ici à la fin de l’été, tous les Français de plus de 18 ans qui le souhaitent pourront être vaccinés. » Un objectif louable pour sortir de la crise sanitaire mais qui reste suspendu à une variable : la France aura-t-elle suffisamment de doses ? « Rien que cette semaine nous allons recevoir un quart des doses que nous avons reçu depuis décembre », a assuré Gabriel Attal, le porte-parole du gouvernement ce mercredi en Conseil des ministres.

Une confiance qui se nourrit notamment des chiffres prévisionnels à sa disposition. La Direction générale de la santé (DGS) table sur un objectif ambitieux : 71,5 millions de doses reçues de décembre au 30 juin, un chiffre qui d’ici la fin de l’année atteindrait 294 millions. Avec le mois d’avril censé atteindre un record avec 28 millions de doses livrées, dont 17,6 de Pfizer. Ce volume, qui permettrait à la France de vacciner toute la population et même de faire des rappels si besoin, ne sera disponible que si les vaccins CureVac et Sanofi-GSK obtiennent leurs autorisations de mise sur le marché, prévues respectivement en juillet et au quatrième trimestre : ils correspondent à eux seuls à 89 millions de doses sur l’année 2021. Une lente montée en puissance qui s’explique en grande partie par la stratégie vaccinale de l’Union européenne, abondamment critiquée pour sa lenteur au regard de ce qui se déroule aux Etats-Unis, en Israël ou au Royaume-Uni, y compris par l’OMS ce jeudi : « Le déploiement de ces vaccins est d’une lenteur inacceptable » dans l’UE, a fustigé Hans Kluge, directeur de l’OMS Europe.

Pfizer en tête, Moderna devrait monter en puissance
Selon ces prévisions, Pfizer reste en tout cas le plus répandu. 41,1 millions des 71,5 millions de doses prévues pour juin proviendraient du laboratoire américain, soit 57 % des volumes. Et si Moderna, qui ne parvient pas à faire décoller ses livraisons, sera le moins disponible des quatre vaccins d’ici l’été, il est censé devenir le deuxième pourvoyeur de doses au 31 décembre (54 millions d’unités). De quoi sortir de la « pénurie persistante », dénoncée il y a une semaine par Jacques Battistoni, président de MG France, le premier syndicat de médecins généralistes.

D’autres changements dans les méthodes de vaccination permettent également d’y voir plus clair. Il y a quelques mois, la vaccination « classique » contre le Covid-19 était réalisée après l’injection de deux doses. Depuis, plusieurs bonnes nouvelles quant au stock idéal à atteindre sont intervenues. Ainsi, le vaccin de Johnson & Johnson, dont 600 000 doses doivent arriver dès le mois d’avril et 30 millions en 2021, ne requiert qu’une seule injection. Par ailleurs, si la Haute autorité de santé (HAS) déconseille la vaccination des personnes infectées par le Covid trois mois après leur guérison, elle ne recommande pour l’heure qu’une seule dose pour ces anciens malades. Les 294 millions vaccins seraient alors amplement suffisants pour les 67 millions de Français.

A ce jour, 8,2 millions de premières doses et 2,8 millions de secondes ont été injectées en France. La DGS se montre confiante sur son objectif de 30 millions de primo-injections d’ici fin juin. « Nous tiendrons nos objectifs de 10 millions de vaccinés dès la mi-avril, 20 millions à la mi-mai et 30 millions en juin, et tous les adultes qui le souhaitent d’ici à la fin de l’été », a confirmé ce mercredi Gabriel Attal. « A partir du 16 avril, les premiers rendez-vous seront ouverts pour les personnes qui ont entre 60 et 70 ans », a ajouté Macron mercredi soir, puis « à partir du 15 mai […] pour nos concitoyens qui ont entre 50 et 60 ans Et à partir de la mi-juin, les rendez-vous seront ouverts à l’ensemble des Françaises et des Français de moins de 50 ans. » Un objectif qui dépendra également de l’attitude de la population même si le nombre de primo-injections prévues correspond grosso modo aux deux tiers de personnes de plus de 18 ans, soit la proportion de Français qui déclare vouloir se faire vacciner, dans les dernières études d’opinion.

Les atermoiements autour du vaccin AstraZeneca ont également brouillé les distributions de vaccins depuis que la HAS, qui l’a encore qualifié le 25 mars de « fiable », a recommandé de ne l’utiliser que chez les 55 ans et plus. En France, ces derniers représentent 22,5 millions de personnes selon l’Insee. Or malgré les révisions à la baisse du nombre de doses prévues par le laboratoire anglo-suédois, au grand dam du gouvernement, les volumes livrés par le labo (44 millions d’ici la fin de l’année) devraient suffire à protéger cette tranche de la population.

Ces chiffres sur le volume de doses disponibles et le nombre de volontaires potentiels sont une chose, reste à les convertir en vaccination. Et à accélérer le rythme. Ainsi, le gouvernement s’est par exemple converti tardivement à la création de « vaccinodromes » sur le modèle américain ou allemand. Le Stade de France doit se joindre le 6 avril au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines ou au stade Vélodrome à Marseille et permettre 10 000 injections par semaine, a confirmé mercredi Alexandra Boutelier, la directrice générale de l’infrastructure. Ces lieux ainsi que l’autorisation de vacciner donnée aux vétérinaires et aux dentistes, qui doit permettre de faire grimper le nombre de personnes habilitées à 250 000 selon Macron mercredi soir, devraient permettre d’injecter les quelque 300 millions de doses prévues avant la fin de l’année.