Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Variant britannique : « Les données sont plutôt rassurantes »

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Par Maxime Pionneau, correspondance à Angers

27 décembre 2020

Si l’infectiologue Vincent Dubée se montre prudent sur l’impact de la souche du Covid-19 venue du Royaume-Uni, il reste optimiste quant à une éventuelle résistance aux vaccins.

Le jour de Noël, la Direction générale de la santé n’avait pas de cadeau dans sa hotte, mais un communiqué sans ruban annonçant la mauvaise nouvelle : pour la première fois sur le sol français, un homme a été testé positif à une nouvelle souche du Covid-19 apparue au Royaume-Uni. C’est à l’hôpital de Tours (Indre-et-Loire) que ce Français, installé de l’autre côté de la Manche, a été diagnostiqué. Infectiologue au CHU et enseignant à la faculté de médecine d’Angers (Maine-et-Loire), le professeur Vincent Dubée appelle à la prudence sur la nature, et donc les conséquences, de cette nouvelle variante du Covid-19, désignée sous le vocable « variant VOC 202012 /01 » car « on manque encore de données ».

Cette mutation est-elle habituelle ?
Les différentes souches virales sont en compétition : c’est la plus transmissible qui gagne. Tous les virus mutent en permanence et se répliquent à l’intérieur des cellules. Le matériel génétique est copié et, à chaque fois, il y a des petites erreurs. Ces mutations sont normales. Il arrive certaines fois que ces erreurs aboutissent à un virus plus « performant » et qu’une nouvelle souche émerge à la faveur de la sélection naturelle.

C’est un phénomène obligatoire car la réplication du virus n’est jamais parfaite. Par exemple, lors de la première grande vague qu’on a eue en Europe en mars-avril, une souche particulière du virus était prédominante, légèrement différente de celle initialement isolée à Wuhan au début de l’épidémie.

Qu’est ce qui vous surprend dans la nouvelle souche ?
Ce qui est étonnant avec ce nouveau variant, c’est le nombre simultané de nouvelles mutations. Il diffère de la souche initiale de Wuhan par 29 mutations. C’est d’autant plus inattendu que ce virus a la réputation de muter moins que d’autres virus à ARN, comme la grippe ou le VIH.

Comment réussit-on à détecter qu’une personne est contaminée par telle ou telle souche du virus ?
Pour savoir si une personne est positive au Covid, on utilise la technique de PCR (amplification des acides nucléiques) : on amplifie certaines zones du génome du virus et s’il en ressort quelque chose, c’est que le virus est présent. Mais cette technique ne permet pas de déterminer quelle souche est responsable de l’infection, même si certains indices peuvent suggérer qu’il s’agit d’une nouvelle souche (par exemple si on détecte la présence de certains gènes, alors que d’autres sont absents). En plus de cette amplification, il faut passer par un séquençage du génome pour l’étudier précisément. On compare ensuite la séquence identifiée avec celles isolées précédemment et on voit les différences.

Que connaît-on de cette variante du virus venue d’Angleterre ?
Selon une étude de l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) parue le 20 décembre, on pense que cette nouvelle souche est de 40 % à 70 % plus contagieuse que celle qui circulait auparavant.

Au Royaume-Uni, on a une hausse de la proportion de cas dus à ce nouveau variant : mi-octobre, ils représentaient moins de 1 % des souches de virus étudiées, contre plus de 10 % mi-novembre. L’épidémie due à cette souche croît plus vite que le nombre de cas dus au virus habituel. Le virus devient plus transmissible.

Cette contagiosité supérieure peut-elle aboutir à une (nouvelle) saturation des services de soins et de réanimation ?
Ce n’est pas exclu, mais il est difficile de faire des conjectures en la matière. On peut imaginer que l’épidémie va croître. Pour ça, il faut que le taux de formes graves du virus soit au moins identique à ce que l’on connaît. Pour l’instant, on n’a pas cette information. Il semble aussi que ce virus a surtout été détecté chez des sujets jeunes. On manque encore de données.

La mutation du virus risque-t-elle de rendre les vaccins caducs ?
Les données sont plutôt rassurantes. La plupart des vaccins mis au point contre le Sars-CoV-2 visent à développer une immunité vis-à-vis de la protéine S [« spike » ou « spicule » en français]. On pourrait craindre que des mutations de cette protéine puissent diminuer leur efficacité.

Mais pour les vaccins de Moderna et Pfizer BioNTech, les industriels ont choisi de travailler sur l’ensemble de cette protéine. S’ils en avaient choisi une version écourtée, il y aurait eu un risque de perte d’efficacité. Et puis dans leurs publications, les laboratoires précisent avoir étudié l’efficacité de leurs produits sur plein de souches de virus et qu’aucune n’échappait à la réponse vaccinale. Mais ces données n’existent pas encore pour le nouveau variant venu du Royaume-Uni.