Luttes et mobilisations

Liberation.fr : Crise à l’hôpital public : un appel à manifester le 14 novembre

Octobre 2019, par infosecusanté

Liberation.fr : Crise à l’hôpital public : un appel à manifester le 14 novembre

Eric Favereau, Nathalie Raulin

Le 11/10/2019

Plusieurs centaines de médecins et personnels soignants du « collectif inter-hôpitaux » ont décidé jeudi soir d’organiser « une grande manifestation » le 14 novembre à Paris « pour obtenir un plan d’urgence pour l’hôpital public ».

Cela déborde. De semaines en semaines cela s’amplifie. Médecins, chefs de service, infirmières, aide soignants, assis cote à côte sur les bancs d’un même amphithéâtre et même de trois amphis en raison de l’affluence, pour unir leur protestation : l’image est rare tant les réflexes de repli sont profonds dans le monde hospitalier. Elle en dit long sur la crise profonde qui a gagné l’hôpital public. Et sur la volonté, désormais palpable, de ne plus baisser les bras.

Jeudi soir, à l’université de médecine parisienne de la Pitié-Salpêtrière, ils étaient ainsi près de 600, tiraillés entre effondrement et colère, à participer à la première assemblée générale du tout jeune collectif Inter-Hôpitaux. A la tribune, les témoignages s’enchaînent. Porteur d’un message unique : entre « asphyxie budgétaire », « perte d’attractivité », « souffrance morale » des personnels et « dégradation des conditions de soin », l’hôpital public est « à bout de forces », à la « croisée des chemins ». Tous évoquent une qualité des soins qu’ils n’arrivent plus à maintenir. Une infirmière, presque en larmes, évoque l’impossibilité de se loger avec son salaire.

Quatre revendications
Pour l’assistance, un « plan d’urgence » s’impose. « On ne joue plus, il faut en finir avec l’hôpital entreprise », harangue une nouvelle fois le professeur André Grimaldi, ancien chef du service de diabétologie de la Pitié-Salpêtrière et coordinateur du mouvement à l’origine déjà d’une lettre ouverte au chef de l’Etat. Et aussi d’une pétition en ligne sur Change.org qui en une semaine a rassemblé 15 500 signatures. Un constat repris aussi bien par le doyen de la faculté Bruno Riou, que par le président de la commission médicale d’établissement des hôpitaux de Paris, le professeur Garabadian. A Paris, ce sont des centaines de lits qui sont actuellement fermés, confrontée à des difficultés de recrutement et de fidélisation chez les soignants ; des postes sont budgétés mais non pourvus. Le directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, a annoncé le chiffre de 900 lits fermés, mardi, en commission médicale d’établissement (CME).

Lors de cette AG, quatre revendications, déjà portées depuis près de sept mois par les urgentistes en grève, font l’unanimité : abandon de la tarification à l’activité dans l’hôpital ; hausse de 300 euros net par mois des salaires des personnels hospitaliers, de sorte à revenir dans la moyenne des salaires des pays de l’OCDE à poste équivalent ; arrêt des fermetures de lits d’hospitalisation et volonté d’associer tous les soignants à la gouvernance de l’hôpital.

Les modalités d’action font évidemment débat. Plusieurs voix martèlent la nécessité de taper sur le portefeuille. Visé : l’arrêt du « codage » des actes médicaux, principales ressources financières des établissements. Un acte « politique pas technique » selon le professeur Grimaldi. « On doit arrêter le codage dans tous les hôpitaux de l’AP-HP car nous voulons que l’argent de la solidarité nationale aille au public pas au privé », insiste-t-il.

Les hôpitaux de province très peu représentés
Renaud Péquignot, président du syndicat de médecins Action Praticiens Hôpital lui fait écho : « Il faut donner envie à Bercy de lâcher du lest. Les gilets jaunes ont réussi, alors les blouses blanches peuvent y arriver aussi. » Dans la salle, un neurologue reprend la balle au bond : « Si on n’arrête pas la tarification à l’activité, on perd tous notre temps. » Cette proposition-là est adoptée, mais pas la grève, ni la « journée morte » avec arrêt des blocs opératoires suggérée par quelques-uns. Trop tôt pour le jeune collectif qui veut se donner le temps de mobiliser les hôpitaux de province, encore très peu représentés, et de sensibiliser l’opinion publique.

C’est donc vers une montée en puissance progressive que l’assemblée se prononce. Et décision est prise de rejoindre le collectif inter-urgences pour une journée d’action mardi. Suivra un rassemblement le 29 octobre, jour du vote en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, devant l’Assemblée nationale. Mais l’instant décisif sera peut-être le 14 novembre, jour fixé pour une « grande manifestation de tous les personnels et de la population ».