Politique santé sécu social de l’exécutif

Liberation.fr : Le collectif Inter-Hôpitaux critique l’absence de « transparence » du Ségur de la santé

Juin 2020, par infosecusanté

Liberation.fr : Le collectif Inter-Hôpitaux critique l’absence de « transparence » du Ségur de la santé

Par Nathalie Raulin

9 juin 2020

Le collectif Inter-Hôpitaux critique l’absence de « transparence » du Ségur de la santé

Le « Ségur de la santé » est-il promis à l’impasse ? Mardi, par voie de communiqué, le collectif Inter-Hôpitaux s’est ouvertement inquiété du manque de « transparence dans la conduite » des concertations pilotées par Nicole Notat, d’une « méthodologie problématique » et de l’« absence d’annonces chiffrées » alors que s’engage la troisième semaine – sur huit prévues – de consultations des syndicats et collectifs de soignants devant aboutir à la « rénovation en profondeur du système de santé », promise par le Premier ministre, Edouard Philippe, le 25 mai lors de l’installation de ces états généraux.

Un coup de gueule poussé à titre préventif. Jeudi, le comité Ségur, qui chapeaute les quatre grands « piliers » de la réforme de l’hôpital que les syndicats et collectifs de soignants appellent de leurs vœux – investissement, territorialisation, carrière et gouvernance – doit en effet se réunir pour faire le point sur l’état des travaux. « Si aucune annonce n’est ce jour-là faite sur la revalorisation des salaires et l’arrêt des fermetures de lits, on se posera la question de la pertinence de toute cette énergie déployée pour réunir des gens sans décider de rien », s’exaspère Anne Gervais, cofondatrice du collectif Inter-Hôpitaux.

Délitement
Cet avertissement suit de près un premier clash. Sorti désabusé de sa rencontre en bilatérale avec la coordinatrice en chef du Ségur, Nicole Notat, le syndicat SUD santé sociaux a claqué mercredi dernier la porte du Ségur. « Notat nous a fait comprendre qu’elle n’avait pas de mandat, et pas la main pour accepter les préalables que nous posions aux négociations. A savoir, une hausse de 300 euros net des salaires pour tous les soignants, un moratoire sur les restructurations hospitalières, et l’embauche des hospitaliers actuellement en CDD », confiait alors le représentant de SUD, Olivier Youinou.

Or, pour syndicats et collectifs, il y a urgence. En l’absence d’annonces fortes et rapides, l’hôpital public est, selon eux, menacé de délitement. « La crise du Covid-19 s’est ajoutée à celle des urgences, de la psychiatrie, des réanimations pédiatriques au cours de l’épisode de bronchiolite, de la crise d’attractivité de l’hôpital public conduisant à une pénurie de personnel avec 800 postes d’infirmières vacants à l’AP-HP et 25% des postes de praticiens hospitaliers non pourvus sur l’ensemble du territoire », rappelle le collectif Inter-Hôpitaux. Lors de sa visite à la Pitié-Salpêtrière le 15 mai, le chef de l’Etat avait reconnu cette « paupérisation » et promis d’y remédier. Mais avec le reflux de l’épidémie de Covid et la dégradation sans précédent de la situation économique et sociale après deux mois de confinement, l’exécutif est désormais nettement plus mesuré.

Mis entre parenthèses pour cause de crise sanitaire, le retour en force du leitmotiv d’Edouard Philippe – « il nous faut réparer la France » – alimente la crainte des soignants d’être in fine laissés pour compte. Obnubilé par le redressement des comptes publics lourdement plombés par l’épidémie de Covid, le juppéiste se sent de moins en moins tenu par la promesse faite par Emmanuel Macron le 25 mars à Mulhouse d’engager « un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières » à l’hôpital.

« Plus personne ne croit en la parole du gouvernement »
Si le déroulé du Ségur suscite l’inquiétude croissante des participants, la contestation est encore pour l’heure circonscrite. Les syndicats les plus représentatifs du personnel hospitalier, FO et la CGT, restent déterminés à « avancer ». L’équipe de Nicole Notat leur ayant fait parvenir le compte rendu des échanges en bilatéral, ils entendent entrer dans le vif des négociations ce mercredi dans le cadre de la réunion multilatérale, exclusivement consacrée à leur demande au personnel hospitalier non médical. « Notre revendication socle, c’est que soit actée une hausse de 300 euros net des salaires des hospitaliers, indique le représentant de FO, Didier Birig. Cela correspond au rattrapage de l’inflation sur dix ans, faute d’augmentation du point d’indice de la fonction publique sur la période. Ensuite, il faudra faire des focus par métiers et remettre à plat les évolutions de carrière, notamment pour les personnels médico-technique. »

Une nécessité qui n’occulte pas à ses yeux les autres : l’abandon de la tarification à l’activité (T2A), aux conséquences délétères sur les conditions de travail, ou la nécessaire remise à flot globale de la situation financière des établissements de santé, qui pourrait passer par une nouvelle reprise de dette par l’Etat. « Il y a des enjeux importants et on pense qu’il y a de l’argent, estime Birig. On ne sait pas combien, c’est toute la question. A écouter Notat la fourchette est très large, de 2 à 50 milliards. Mais le mécontentement est réel au sein du personnel hospitalier. La journée de mobilisation du 16 juin en sera une bonne jauge. Plus personne ne croit en la parole du gouvernement. Il va falloir qu’il mette la main à la poche. »

Nathalie Raulin