Le social et médico social

Médiapart - Clermont-Ferrand, exemple dramatique de la surchauffe du 115

Octobre 2016, par Info santé sécu social

4 septembre 2013 | Par Carine Fouteau

« L’ensemble des structures du 115 sont en danger »

Cette situation éclaire sous un jour dramatique l’état périlleux dans lequel se trouvent les structures d’hébergement d’urgence partout en France. Entre les associations gestionnaires et l’État, la crise est latente depuis plusieurs années. C’est pour tenter de la déminer que Jean-Marc Ayrault était intervenu sur ce thème, lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, organisée le 11 décembre 2012. Le premier ministre avait alors promis de mettre fin à la « politique du thermomètre », qui consiste à débloquer des moyens par à-coups, en fonction des intempéries. L’ex-patron de la CFDT, François Chérèque, avait été nommé pour s’assurer du suivi des mesures annoncées.

« On ne peut pas dire que rien n’a été fait, mais cela ne va pas assez vite », déplore Eric Pliez, directeur général de l’association Aurore et trésorier de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), qui regroupe 2.400 établissements. Selon le baromètre mis à jour mensuellement 3 par ce réseau national, l’accueil des sans-abri « continue de se dégrader ». Il a même atteint un « triste record » en juillet 2013 avec 76% des demandes au 115 restées sans réponse. « Les services de veille sociale ont épuisé leur budget annuel depuis cet été pour la plupart », indique la Fnars dans un communiqué, qui fustige la « gestion saisonnière de l’exclusion ».

« L’ensemble des structures du 115 sont en danger », renchérit Eric Pliez. « L’État a trop longtemps compté sur les fonds de roulement des grosses associations. Les retards de paiement ne sont pas gérables pour les plus petites structures, notamment celles qui font de l’urgence », indique-t-il. C’est donc moins un problème de budget, que de trésorerie : l’État ne versant pas ce qu’il doit en temps et en heure, les associations se retrouvent étranglées.

Sur l’ensemble du territoire, les moyens consacrés au logement des plus démunis sont en hausse en 2013 (1,2 milliard d’euros, soit +4% par rapport à 2012). Les crédits alloués à la création de places supplémentaires augmentent eux aussi (+13% sur la même période). Face à l’afflux constant de nouveaux pauvres venus de France et d’ailleurs, poussés par les guerres et la crise économique mondiale, ces moyens sont insuffisants. D’autant que durant l’été, les associations sont confrontées à la fermeture de places spécialement ouvertes pendant l’hiver.

« En juillet 2013, les demandes d’hébergement au 115 sont équivalentes à celles enregistrées sur la période hivernale, témoignant s’il en était encore besoin que l’urgence sociale ne se limite pas aux périodes de grand froid. Eté comme hiver, les personnes sollicitent un hébergement », insiste la Fnars, qui souligne qu’en raison de la pénurie de places, les associations prennent le risque de sélectionner les publics au détriment des principes d’inconditionnalité et de continuité de l’accueil.

Mais l’implosion du système ne se résume pas au montant des sommes allouées. Selon le directeur général d’Aurore, qui a par exemple hébergé des Tunisiens débarqués à Paris en 2011, l’horizon n’a aucune chance de se dégager « tant que l’État considère les hôtels sociaux comme la variable d’ajustement ». Cette solution revient très cher à la collectivité, alors que les chambres proposées sont souvent dans un état déplorable. Les mesures de long terme consistant à privilégier des dispositifs de logement transitoires ou de colocation sont trop rarement exploitées. « Il faut réfléchir à l’échelon territorial à des solutions alternatives de logement pérenne », insiste-t-il.

Reste que la décision de l’Anef d’interrompre la mise à l’abri n’est pas sans poser question, y compris du côté des adhérents de la Fnars soucieux d’éviter les coups de force pénalisant les personnes accueillies. Avec toujours la crainte de masquer les difficultés. À Clermont-Ferrand, celles-ci ont été étalées sur la place publique. De fait, les pouvoirs publics ont été contraints de réagir.