Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - En Allemagne, une petite ville retrouve un peu de sa vie d’avant

Avril 2021, par Info santé sécu social

12 AVRIL 2021 PAR THOMAS SCHNEE

Augustuburg, en Saxe, a rouvert son centre-ville, ses restaurants, ses commerces et son musée à toute personne testée. Derrière cette expérimentation pour préparer un déconfinement plus sûr, se trouve aussi une réflexion sur la gestion politique et territorialisée de la crise.

Augustusburg (Allemagne).– Mais qu’est-ce que le « Corona-Warn-Buzzer » ? Dirk Neubauer, maire social-démocrate d’Augustusburg, une commune de 4 500 habitants située dans la Saxe (est de l’Allemagne), brandit fièrement le petit boîtier noir de cet appareil sans fil, mis au point par une entreprise régionale et subventionné par le Land.

« C’est un élément central de notre projet. Il permet de contrôler les visiteurs testés négatifs, par exemple quand ils entrent et sortent du musée ou d’un restaurant. Cela se fait via un code QR et un processus informatique qui préserve l’anonymat », explique le quinquagénaire en montrant les boîtiers entreposés dans la galerie d’art communale, qui expose des paysages locaux que personne n’a vus depuis des mois.

Depuis le 1er avril, Augustusburg a rejoint le groupe des quelques lieux privilégiés qui, en Allemagne, ont obtenu le droit d’expérimenter un retour dans la vie d’avant la pandémie de Covid-19. Ou presque. Après le deuxième verrouillage de la vie publique nationale, mis en place de novembre 2020 à février 2021, les Länder, qui cogèrent la lutte contre le Covid-19, ont en effet négocié avec le gouvernement fédéral la possibilité de créer des zones de tests où, sous certaines conditions, il est possible de ne pas suivre les règles de confinement édictées au niveau national.

La ville de Tübingen (sud-ouest) a été la pionnière. Là-bas, la mairie écologiste a lancé le 16 mars une expérimentation qui prévoit l’accès à tous les commerces du centre-ville, aux cinémas, musées et terrasses de restaurants pour 3 000 personnes par jour. À condition qu’elles soient enregistrées, testées négatives et traçables. L’ensemble du projet, qui n’a pas été étendu à l’hôtellerie ou aux clubs de sport, est suivi et évalué par une équipe de l’université de Tübingen.

À Augustusburg, c’est un peu pareil mais en plus petit. « Avec notre château renaissance et la mini-station de ski, notre activité principale est le tourisme. Le confinement nous a touchés de plein fouet. Tout le monde s’est retrouvé au chômage partiel à déprimer chez soi, avec l’envie d’aller chercher un emploi ailleurs. Il fallait faire quelque chose », explique le maire, ancien responsable marketing de la télévision régionale MDR et désormais invité régulier des débats télévisés sur le Covid-19.

Au pied de la colline du château, sur le parking de la piste de luge, un conteneur baptisé « centre de tests » a été installé. Mercredi, à 10 heures, une cinquantaine de touristes attendent déjà patiemment le test antigénique, dans l’air glacial d’un mois d’avril hivernal. L’ambiance est bon enfant.

Il y a là des grands-parents venus avec leur petit-fils de 10 ans « pour se promener sans tout le temps penser au virus ». Ou encore un couple de retraités qui habite à une vingtaine de kilomètres et connaît déjà bien le château : « Nous avions juste envie de prendre du bon temps au restaurant, avec une belle vue et une assiette appétissante. »

Quant à cet homme venu de Leipzig en famille, juste pour décompresser, il n’est pas persuadé que ce projet va permettre de transformer la gestion globale de la pandémie : « Je vois plutôt cela comme une soupape qui permet d’alléger la pression, et donne de l’air et de l’espoir pour tenir jusqu’à ce que la vaccination fasse son effet. »

Du point de vue de Mario, le serveur de la brasserie Rost’s Wiesen, l’initiative portée par le maire n’est pas seulement bonne pour le moral : « Cela fait du bien au chiffre d’affaires. » Et c’est aussi la promesse de rouvrir plus tôt que prévu, ou au moins de ne pas tout le temps tout fermer si le virus revient. Cet espoir est celui partagé par tous les promoteurs de ces projets, quelles qu’en soient les variantes.

En Sarre, région frontalière du département de la Moselle, terrasses, lieux de culture et salles de sport sont de nouveau accessibles au public dans l’ensemble du Land, à condition de présenter un test négatif. « Avec le modèle sarrois, aucune infection par le Covid-19 ne devrait passer inaperçue », assurait mardi le ministre-président Tobias Hans.

La Bavière a jugé qu’il valait mieux repousser le lancement des « expérimentations » de deux semaines au moins. Berlin a fait de même en suspendant le projet pilote centré sur la culture, et qui avait été inauguré par un concert à la Philharmonie.

Le gouvernement fédéral constate pour sa part la progression du variant anglais, désormais responsable de plus de 95 % des cas de contamination. Lundi, Angela Merkel compte demander aux Länder de renforcer un peu plus le « verrouillage » du pays afin de lutter contre la hausse des contaminations et la pression qui monte sur le système hospitalier.

Peut-on vraiment déconfiner en toute sécurité ? Le maire d’Augustusburg, Dirk Neubauer, admet bien sûr qu’il y a des limites. L’avenir de son projet municipal, ouvert pour quatre semaines, éventuellement reconductibles, dépend de l’indicateur défini par le gouvernement de Saxe, à savoir le dépassement du seuil de 1 300 lits de réanimation occupés, sur les 1 590 que compte le Land.

« Quel que soit l’avenir de ces projets, l’un des enseignements centraux pour moi est que la lutte contre la pandémie doit trouver l’adhésion des citoyens. Ce qui passe par le niveau local. Il faut ainsi accepter une approche diversifiée, concrète, avec des objectifs clairs. Quand nos dirigeants autorisent à se rendre à Majorque mais interdisent de partir en vacances dans sa propre région, personne ne comprend. Cela fait peur aux gens et les éloigne de la politique », assène l’édile.

Pour lui, les désaccords permanents entre Länder, ou encore les sons discordants causés par la rivalité des prétendants conservateurs à la succession de Merkel, le Rhénan Armin Laschet et le Bavarois Markus Söder, mettent à mal la cohésion démocratique.

Ainsi, à condition que les municipalités ne soient pas oubliées, ce héraut de la cause communale s’affiche plutôt favorable au projet d’Angela Merkel qui compte, dès cette semaine, demander aux députés l’amendement de la « loi de lutte contre les épidémies » afin de donner le pouvoir à l’État fédéral d’imposer aux Länder l’obligation de respecter les décisions prises ensemble.

« Le monde politique a été totalement pris de court par la pandémie, un problème d’une nature inédite et qui implique une gestion immédiate. Or, nos dirigeants ne sont pas habitués à cette gestion en temps réel où il est précisément difficile de dissimuler ses erreurs. Le système doit être modifié », pense Dirk Neubauer, qui a décidé de monter au créneau en consignant dans un ouvrage à paraître ses réflexions sur les nécessaires transformations du système politique après la pandémie.