Le social et médico social

Médiapart - Frédéric Viguier : « La pauvreté n’est que la pointe extrême des autres inégalités »

Juillet 2020, par Info santé sécu social

14 JUILLET 2020 PAR MATHILDE GOANEC

En s’attachant à comprendre comment ont été menées les politiques publiques en direction des pauvres depuis l’après-guerre, le sociologue Frédéric Viguier éclaire d’un regard nouveau la transformation de notre État social. Il rappelle que sans lutte franche contre les inégalités, la pauvreté continue de tisser sa toile.

« Un pognon de dingue » dépensé pour des pauvres qui n’ont, pour sortir de la mouise, qu’à « traverser la rue ». Comment est-on arrivé à un tel niveau de stigmatisation de toute une partie de notre société, au plus haut niveau de l’État ?
Frédéric Viguier, sociologue, enseignant au sein de l’Institut des études françaises à l’université de New York, retrace, de l’après-guerre à aujourd’hui, 70 ans d’histoire de La Cause des pauvres en France, dans un ouvrage érudit et totalement contemporain (édité aux Presses de Sciences-Po).

De la naissance de la Sécurité sociale (et ses impensés) au RSA, il décrit avec minutie ses avocats, hauts fonctionnaires brillants de ministères sociaux alors puissants, avant que l’économie ne devienne, comme en politique, « le latin des élites administratives ». Ces portraits, à l’image des travaux de Philippe Bezes sur la manière de Gouverner par les finances publiques (du nom de son avant-dernier ouvrage), donnent à voir la puissance transformatrice des politiques sociales d’après guerre et, en creux, la fin des utopies de la période actuelle.

Comme un miroir tendu à son ambition de nourrir les sciences sociales depuis son terrain d’action, le livre revient également sur l’histoire et les personnages fondateurs de l’association ATD Quart monde, qui a contribué à façonner certaines des grandes politiques publiques de lutte contre la pauvreté de ces dernières décennies en France.

Revenant sur les débuts du père Wresinski dans le bidonville de Noisy-le-Grand, la volonté jamais démentie de « faire avec » les populations concernées, l’internationalisme, l’étanchéité idéologique avec la gauche travailliste, cette monographie foisonnante permet de comprendre la difficile position des acteurs associatifs aujourd’hui : incontournables pour leur rôle de pare-feu, radicaux dans leurs critiques, mais impuissants à inverser le rapport de force.

Cette réflexion, alors qu’une crise sociale de grande ampleur se profile, est salutaire. Les pauvres ne sont pas à la marge récalcitrante d’une société d’abondance parfaitement huilée. Comme le soulignait ATD Quart monde dès les années 1970, les « îlots de pauvreté » sont de « véritables continents ».

Pourquoi avoir choisi de travailler sur ces « artisans », fonctionnaires ou militants associatifs, de la cause des pauvres ?

Frédéric Viguier : Mon idée initiale était de comprendre comment les grandes lois des années 1990 avaient émergé en France, comme la CMU (couverture médicale universelle) ou le RSA (revenu de solidarité active). Je trouvais paradoxal cet intérêt législatif aux plus pauvres alors même que les droits des salariés étaient détricotés. Je me suis aperçu de l’émergence à la même époque des grosses associations œuvrant sur les questions de pauvreté. J’ai voulu comprendre qui elles étaient ainsi que leur contribution à l’émergence d’un nouvel État social. Cela a été une totale découverte.

Il m’est aussi apparu, en tentant d’historiciser cette émergence, que la cause des pauvres avait une trajectoire intéressante. Dans l’après-guerre, le Parti communiste dominait tout ce champ. Mais les associations se sont autonomisées, elles ont réussi à imposer cet agenda dans l’espace public dans les années 1980-1990. Et puis ce qu’elles préconisaient a fini par leur échapper à elles aussi. C’est une sorte de victoire à la Pyrrhus.

Vous décrivez en effet ce clivage entre artisans de la cause des pauvres et artisans de celles des travailleurs ou des salariés. Comment et pourquoi ce clivage se crée, au sortir de la Seconde Guerre mondiale ?

Il faut dire déjà que ces militants n’ont pas la même sociologie. La cause des pauvres est avant tout défendue par des associations regroupant des gens de classe moyenne, éduqués. Celle des travailleurs par eux-mêmes. Il s’agit donc dans le premier cas d’une forme de délégation, que les associations s’efforcent, ATD Quart monde la première, d’effacer, en impliquant au maximum les concernés.

Par ailleurs, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y a un fort attachement du monde ouvrier à sa dignité sociale, au pouvoir de la lutte dans le monde du travail. Au fond, existe un rejet de toute vision un peu misérabiliste sur ce que l’on considère comme étant en deçà de la condition ouvrière. Et notamment ces plus pauvres qui continuent d’exister car ils n’ont pas accès au salariat, qui vivent dans des conditions déplorables, que les organismes représentatifs du monde ouvrier n’ont pas envie de voir ou de prendre en compte. Pour eux, il s’agit juste de la forme la plus extrême du dénuement de la classe ouvrière, pas un groupe qui nécessite un combat spécifique.

Enfin, ce sont des habitus politiques qui se cristallisent autour de ces causes. La cause des pauvres est davantage dans l’attention « ici et maintenant » à l’autre, dans un style de revendications moins inscrites dans un registre de confrontation, dans un système d’alliance dans lequel ne se reconnaît pas la nébuleuse communiste ou travailliste. Inversement du côté des associations, il s’agit de la mouvance de la gauche chrétienne, qui a le souci de trouver du pragmatisme, dans la négociation avec l’État, pour des résultats immédiats. Un style va émerger et durer longtemps, jusqu’aux années 2000. Ces causes resteront donc longtemps divisées. Il a existé des lieux communs, comme au sein de la CFDT à une certaine époque, qui servent de rapprochement, mais la distance persiste.

Le vice originel réside-t-il, comme vous semblez le penser, dans la construction de la Sécurité sociale après 1945, pensée en priorité pour les travailleurs, avec des droits spécifiques pour des populations spécifiques qui y contribuent, et qui n’a pas réussi à concrétiser son ambition universelle initiale ?

La dimension assurantielle de la Sécurité sociale en a fait la chose des salariés : ils y contribuent par des cotisations sur leurs salaires, cela leur donne des droits, ce n’est pas de la charité. Et ils ont donc même le droit d’en déterminer la direction. La Sécurité sociale est une institution du salariat, sauf qu’une partie des classes populaires n’a pas accès au salariat, y compris pendant les vingt ou trente années de grande croissance économique après la Seconde Guerre mondiale. Cette affirmation doit être nuancée, bien sûr. Ce n’est pas une assurance entendue au sens strict ; la Sécurité sociale a aménagé des formes d’intégration du non-salariat, pour les indépendants, pour les ayants droit, à l’époque les femmes et les enfants des travailleurs salariés, par exemple.

Mais il reste néanmoins que les marges du salariat n’avaient pas accès à la protection sociale de tous. C’est donc bel et bien un vice initial dont les fondateurs avaient conscience et qu’ils espéraient résorber. Jusqu’aux années 1970, la salarisation a progressé, l’intégration des non-salariés dans le régime de Sécurité sociale aussi. Et puis, le mouvement s’est inversé et les marges du salariat se sont élargies. La Sécurité sociale a donc couvert de moins en moins de gens et n’a pas su penser ces marges et ces trous de la couverture sociale. L’une des raisons centrales à cet échec, c’est que le chômage n’a pas reçu dans la Sécurité sociale de l’après-guerre le traitement qu’il aurait mérité. Or il s’agissait d’une grosse menace sur l’avenir des institutions du salariat. In fine, le traitement du chômage, d’autres que moi l’ont écrit, est toujours resté réservé à des salariés stables et n’a pas su ou pas voulu donner une vraie sécurité aux précaires et aux salariés atypiques.

ATD Quart monde, une assocation radicalement démocratique

Un péché originel, qui s’est répété dans la construction de l’assurance-chômage, voire amplifié ces dernières années ?

Absolument. On est de plus en plus dans une logique assurantielle où les droits à indemnisation sont liés à des cotisations préalables, même s’il y a des nuances, des hauts et des bas, des efforts, comme dans les années 1980, pour intégrer le précariat, offrir des droits nouveaux. Mais in fine, l’assurance-chômage s’est scindée en deux, d’une part une espèce d’assurance dont bénéficient très largement les salariés les plus indemnisés, avec des taux parfois très généreux au vu des comparaisons internationales, et un filet très minimal et des contrôles de plus en plus tatillons pour les classes populaires (lire à ce sujet ces travaux).

De Pierre Laroque, qualifié souvent de « père de la Sécurité sociale », à Martin Hirsch (aujourd’hui directeur de l’AP-HP), qu’est-ce que l’étude de ces différents profils de hauts fonctionnaires dit de la prise en compte de la pauvreté par l’État, des années 1950 à aujourd’hui ?

Il y a trois personnages sur lesquels je pense important de s’attarder : Pierre Laroque effectivement, le « père » de la Sécurité sociale, René Lenoir, le père de l’action sociale et l’inventeur de l’exclusion, et Martin Hirsch, l’homme du RSA. La comparaison entre eux renseigne sur la manière dont l’État social s’est transformé.

Laroque est un juriste passé par le Conseil d’État, pour qui le droit et la régulation des rapports sociaux sont capitaux, cela anime toute son œuvre, ses croyances sociales et politiques. Il est convaincu que la seule manière de réguler passe par le droit du travail, c’est ce qui permettra de juguler la violence de la lutte des classes, qu’il reconnaît.

René Lenoir, vingt ans plus tard, est un haut fonctionnaire, très instruit, qui n’est plus dans la régulation de la lutte des classes, mais dans la création d’un filet de sécurité, pour les exclus du salariat. Il pense donc qu’on ne peut plus prétendre réguler les rapports sociaux, mais juste faire mieux pour les plus pauvres. Il milite pour que l’on renforce l’équipement social, qu’on donne plus d’argent aux associations, il réforme le droit de l’assistance et l’État y investira beaucoup, dans cette décennie des années 1970.

Martin Hirsch se fait connaître à travers ses fonctions de président d’Emmaüs, alors qu’il est déjà haut fonctionnaire. Lui croit dans la création de dispositifs de l’ingénierie sociale. Que l’on peut en quelque sorte créer des outils qui vont aider les pauvres, mais aussi répondre aux critiques sur le caractère dispendieux, désincitatif au travail, de l’aide sociale. Il crée le RSA, et c’est un sacré paradoxe. Issu du monde de la pauvreté, on arrive à un système assez mal ficelé, basé sur l’illusion que l’on peut aider les pauvres en s’attachant surtout à leur faire reprendre le chemin du travail. L’échec du RSA démontre que chez les pauvres eux-mêmes, l’attachement à la norme d’emploi est très ancré. Or il y a une telle file d’attente devant l’emploi… Le RSA déplace ainsi la question structurelle de l’absence de travail pour tous à celle de la responsabilité individuelle.

Ce que ces parcours montrent aussi, c’est qu’il a été possible, à une époque, y compris dans la haute fonction publique, de penser « l’impossible », d’imaginer de profondes transformations sociales, avant que l’économie et le budgétaire ne prennent le pas, au détriment des politiques du « secours de tous » ?

Tout à fait. J’ai été frappé en particulier par une personnalité, Nicole Questiaux, conseillère d’État, entrée en politique chez les socialistes, et qui a écrit avec Jacques Fournier un Traité du social. En le lisant, trente ans plus tard, j’étais stupéfait par leur niveau de connaissances sociologiques, philosophiques, leur capacité de penser la société, d’avoir des utopies, leur forte volonté de régulation. Tout ça était informé, non pas par un idéalisme creux, mais par une connaissance très précise de l’organisation sociale, des rapports de force sociaux et politiques. J’étais stupéfait en pensant aussi, en creux, à ce que disent aujourd’hui nos hauts fonctionnaires, d’une tout autre trempe. Cela indique sans doute des choses sur la formation qu’ils reçoivent, les lectures qu’ils font et les modalités de sélection sociale qu’ils traversent. Nicole Questiaux, oui, c’est vraiment une de mes héroïnes…

Les autres grands acteurs de la cause des pauvres sont les associations, et une en particulier, ATD Quart monde. Pourquoi cette dernière vous semble un bon exemple de la transformation du champ de la pauvreté dans son ensemble et des politiques menées ?

C’est une association assez exceptionnelle pour la radicalité de l’engagement des militants, des volontaires, qui donnent leur vie à la lutte contre la pauvreté, mais aussi pour la radicalité de leur volonté d’inclusion des pauvres. Ils sont intraitables là-dessus. Cela a quelque chose de magnifique, une telle radicalité démocratique, une attention si forte aux droits humains et une telle vigilance à la violation de ces droits.

ATD Quart monde est aussi, beaucoup plus que le reste du monde d’aide aux pauvres, consciente de la nécessité d’avoir une parole publique et politique. C’est une politisation qui ne prend pas la forme de soutien à des partis, mais une politisation entièrement assumée. Il faut parler directement au public et aux dirigeants, qui ont le pouvoir de transformer les institutions.

C’est également une association qu’on a retrouvée très investie dans la fabrique de lois dans les années 1980 et 1990. Notamment en investissant très tôt le CESE [Conseil économique social et environnemental], où elle a permis l’émergence d’un nouveau consensus sur la lutte contre la pauvreté, qui s’est soldé par la création du RMI et de la CMU.

Enfin, par sa dimension internationale, elle a apporté en France de nouveaux horizons théoriques, frappée très tôt par la vigueur des luttes américaines pour les droits civiques. Elle a contribué à importer en France le langage des militants noirs américains contre la pauvreté.

Des « pauvres » aux « exclus »

Néanmoins, des débuts dans le bidonville de Noisy-le-Grand au CESE, elle s’est, comme beaucoup d’autres, institutionnalisée, au risque de l’impuissance et de la soumission à l’ordre établi ? Le Secours populaire français (SPF) aussi, en 1948, disait ceci : « Nous ne considérons pas, quant à nous, que notre tâche puisse se borner à secourir les victimes ; pour éviter que leur nombre augmente, nous n’avons cessé de dénoncer leurs bourreaux », avant que le Parti communiste ne s’attache à une répartition claire des rôles entre « secours » et action politique…

C’est intéressant de comparer ATD au Secours populaire français, qui a adopté une forme de timidité politique, décrite par Axelle Brodiez dans un beau livre. Le SPF a fini par considérer que son rôle était d’apporter un sparadrap utile mais que la lutte devait être structurelle et politique et que seuls le parti ou les syndicats pouvaient la conduire.

ATD est tout à fait à l’opposé et a promu une parole associative libre. Mais pour le coup, c’est une parole qui est à la fois très attentive, présente, radicale mais qui n’est pas associée à une pensée et à une pratique des rapports de force et des rapports de classe. Et donc mon regard extérieur, c’est que les associations comme ATD, si politiques soient-elles, sont un peu orphelines d’autres mouvements sociaux à même de changer les rapports de force. Il y a des liens et des efforts, ce n’est pas de l’indifférence, mais ces associations sont parfois esseulées.

C’est vrai aussi qu’ATD est très explicite sur le fait qu’elle n’a pas la vocation à renverser la table car quand elle est du côté des plus pauvres, elle ne peut pas brûler tous les ponts. La vie et l’avenir immédiat des plus pauvres pourraient être remis en cause. Et cette idée est très prégnante dans le monde de la lutte contre la pauvreté, qui est très largement parapublique. On peut critiquer, c’est même une obligation un peu performative pour les associations de lutte contre la pauvreté, mais on ne peut pas avoir des rapports de force trop violents avec les tutelles. Car si le versement des subventions s’arrête, on ne peut plus accueillir, on ne peut plus aider…

Vous rappelez, parmi les acteurs de la cause des pauvres, le continent immense de ces travailleurs sociaux, ayant parfois pris le relais des bénévoles, et qui sont pour le coup assez peu représentés dans le débat public. Est-ce que cette professionnalisation au fil du temps a aussi adouci les discours ?

C’est un des éléments essentiels de cette histoire. Ces professionnels, qui ne sont pas entièrement un service public, qui n’ont pas vraiment de syndicats à eux, doivent être dans la dénonciation, alors que leur emploi dépend de l’État. La critique de l’exclusion est donc aussi la parole difficile d’un monde de professionnels de l’action sociale. Une critique mitigée de l’État par des acteurs employés et professionnalisés par l’État.

Que nous apprend ce changement de vocabulaire qui s’est installé au fil des années, de « pauvres » à « exclus » ?

L’exclusion est une catégorie d’État, inventé par René Lenoir, qui est le premier à l’utiliser dans un livre devenu une référence, Les Exclus, un Français sur dix. Il s’agissait de commencer à penser ensemble des catégories hétéroclites, les handicapés, les immigrés, les personnes âgées, etc., qui avaient en commun de ne pas entrer dans la protection sociale. Dans les années 1980, on commence à y attacher des vertus morales : on pense alors « l’exclusion des pauvres » comme on pense l’exclusion des personnes racisées : c’est une affaire de préjugés à combattre.

Je pense que ce qui se passe avec ce genre d’évolution sémantique, c’est que l’on glisse d’une vision structurelle, politique des rapports sociaux et des inégalités qui produisent de la pauvreté, à une vision plus moralisatrice, où il s’agit de combattre les préjugés contre les pauvres. Et donc s’installe une espèce de glissement qui empêche de penser le caractère systémique de la pauvreté, qui n’est que la pointe extrême des autres inégalités.

Est-ce qu’on peut dire que l’invention de l’exclusion a créé en regard une sorte de monstre, celui de la pensée sur l’assistanat, qui a cannibalisé l’espace public ?

C’est l’autre versant de la même médaille, oui. C’est aussi une vision qui produit un regard sur la pauvreté individualisé, moralisateur, sur le fait que les pauvres n’ont pas les compétences, les qualifications, et qu’on doit leur fournir les outils de leur insertion. C’est ce qui justifie le contrôle permanent des pauvres qui reçoivent pourtant d’insuffisantes prestations sociales.

C’est une autre vision que vous défendez dans votre ouvrage, lorsque vous parlez de la pauvreté comme de la « pointe extrême des inégalités, de classe, de genre, d’ethnicité ». On peut y voir une approche très contemporaine, et qui fait écho à la période que nous vivons, qui nous incite à regarder ensemble les rapports de classe, de race, de genre ?

Si on regarde les populations pauvres, on voit qu’elles ont changé : la pauvreté des personnes âgées, qui avait disparu avant de re-émerger par exemple. Il s’agit d’une construction sociale, de la place de l’âge dans les rapports sociaux. La pauvreté des familles monoparentales aussi, qui prend de plus en plus de place dans les discours, en occultant le fait que ce sont essentiellement des femmes concernées, du mauvais côté des rapports de force à cause de leur genre. Les rapports d’ethnicité, le fait d’être exclu du marché du travail parce que l’on est immigré, sans-papiers, et donc condamné à certains jobs illégaux, informels, qui prédisposent à la pauvreté. Évidemment, les rapports de classe pour le précariat…

Cette transformation des formes les plus saillantes de la pauvreté suggère que l’on n’a pas besoin d’une théorie spécifique de l’exclusion. On a besoin d’une protection sociale universelle, y compris l’indemnisation du chômage, et d’une théorie intersectionnelle des inégalités, attentive aux différentes manières dont s’exercent les rapports de pouvoir, en fonction de l’âge, du sexe, de la classe et de la race.

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La Cause des pauvres, Frédéric Viguier, Les Presses de Sciences-Po, 2020, 362 pages.