Protection sociale

Mediapart : Le RSI est supprimé, pas les problèmes qu’il pose

Décembre 2017, par infosecusanté

Le RSI est supprimé, pas les problèmes qu’il pose

27 décembre 2017|

Par Dan Israel


La promesse de campagne d’Emmanuel Macron est tenue : le 31 décembre, le Régime social des indépendants est supprimé. Le système chargé de récolter les cotisations et d’assurer les prestations sociales et la retraite de 6,5 millions de Français est avalé par le régime général. Une réforme menée au pas de charge.

C’était une promesse de campagne qu’il fallait tenir, à tout prix. Le 31 décembre, le RSI disparaîtra corps et biens. Le Régime social des indépendants était depuis 2008 la caisse unique qui assurait toutes les prestations sociales (prestations maladie et retraite, mais aussi recouvrement des cotisations) des artisans, des commerçants, des professions libérales et des micro-entrepreneurs français, ainsi que celles de leurs ayants droit. Soit plus de 6,5 millions de Français, dont 2 millions de retraités.

Pendant la campagne présidentielle, le candidat Emmanuel Macron, tout comme ses concurrents, avait assuré qu’il enverrait aux oubliettes ce sigle et ce qu’il représente : un impressionnant fiasco administratif et un cauchemar pour bon nombre d’indépendants. Promesse confirmée par le premier ministre Édouard Philippe début septembre.

Il est vrai qu’en dix ans, comme Mediapart l’a détaillé ici, l’organisme s’était transformé en épouvantail. Ses premières années ont très vite pris des airs de « catastrophe industrielle », pour reprendre le verdict de la Cour des comptes en 2012 3. Tous les indépendants ont en tête des exemples de dysfonctionnements majeurs, surtout concentrés entre 2008 et 2013, mais dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Les témoignages sont légion sur des demandes de paiement de cotisations exorbitantes, pas toujours dues mais déclenchant des passages répétés d’huissiers, des calculs incohérents, l’absence de réponse à des demandes d’explications…

Ces défaillances, largement corrigées depuis deux ou trois ans, ont une cause simple : une réforme à marche forcée réalisée à toute vitesse entre 2006 et 2008. Nicolas Sarkozy avait imposé le principe de la fusion des très nombreuses caisses dont dépendaient les indépendants en 18 mois, en pariant que l’intendance suivrait. Mais l’intendance n’avait pas suivi. Dix ans plus tard, l’ombre de cet échec plane avec insistance sur la réforme voulue par Emmanuel Macron.

Comment s’assurer du bon déroulement de l’absorption du second régime de Sécurité sociale par le premier, le régime général ? Que faire pour assurer la bonne répartition des diverses missions du RSI entre les trois branches du régime général – maladie, vieillesse et recouvrement des cotisations ? Et pour aménager au mieux des systèmes informatiques peu réputés pour leur souplesse ? Que faire des quelque 5 500 salariés du RSI ?

Pour satisfaire les vœux de l’exécutif, il y avait une très longue liste de réponses à trouver. Exploration des principaux points chauds d’une réforme qui ne fait pas les gros titres, mais dont les conséquences sont majeures.
Une suppression précipitée ?

Le 26 octobre, l’Assemblée nationale a voté à une large majorité la disparition du RSI, organisée par un long, très long article du projet de budget de la Sécurité sociale (les détails de la réforme représentent à eux seuls un tiers du texte de loi total !). À partir du 1er janvier 2018, le RSI sera dissous progressivement dans le régime général. Une période de transition de deux ans est ouverte, durant laquelle les accueils physiques du RSI seront maintenus. Les salariés du régime seront peu à peu répartis entre les différentes branches du régime général, qui reprendront ses missions les unes après les autres.

La ministre de la santé, Agnès Buzyn, a défendu devant l’Assemblée « une réforme majeure du quinquennat », estimant qu’« au-delà de la décrédibilisation de ce régime auprès de ses cotisants », il fallait répondre à « une volonté de simplification ». Dans un communiqué de presse commun, les trois branches du régime général ont salué une réforme visant à mettre en place « une Sécurité sociale plus performante et plus réactive ».

Peut-être, mais à quel prix ? Le rythme du changement est effréné, compte tenu de la masse de données à transférer et des difficultés techniques que cela va engendrer. La réforme prévoit que le paiement de la retraite de base sera basculé progressivement vers l’assurance retraite pour la fin 2018. Le transfert vers l’assurance maladie se fera en deux ans, jusqu’à 2020. Quant au recouvrement des cotisations versées par les indépendants, elles sont déjà assurées par l’Urssaf. Le système ne changera donc pas fondamentalement sur ce point.

Or, selon les informations des Échos 3, l’administration avait étudié courant 2017 les impacts d’un transfert du risque maladie du RSI au régime général, et estimé qu’une bascule en toute sécurité des remboursements à la Caisse nationale d’assurance maladie nécessiterait trois ans, alors que celle des indemnités journalières versées pendant les arrêts maladie devait prendre… 5 ans.

En septembre, le Défenseur des droits Jacques Toubon a mis en garde 3 le gouvernement, l’appelant à « éviter la précipitation ». Au sein même du RSI, les alertes sont également nombreuses sur le rythme imposé par l’exécutif. Début octobre, ses administrateurs élus ont massivement voté contre sa suppression. « Il n’est pas question que j’endosse la suppression du RSI, car elle engendrera de nouvelles difficultés », a prévenu Louis Grassi, le président national.

« La précipitation fait qu’il risque d’y avoir de nouvelles erreurs, ou des gens perdus entre les trois régimes, s’inquiète aujourd’hui Cécile Velasquez, du collectif national CGT au sein du RSI. Qui aura un pouvoir de décision ? Quelle caisse ? Quel agent ? Nous n’en savons encore rien. » Au sein de la direction des services informatiques, point névralgique du système, car c’est eux qui avaient dysfonctionné lors de la réforme de 2008, la nervosité n’est pas moindre. « Comment peut-on annoncer des délais qui ne reposent sur aucune expertise technique en amont ?, protestent les représentants du personnel CGT du site de Valbonne, le principal centre informatique du RSI. La trajectoire est tracée à partir d’une décision politique, avec des dates à respecter, et en espérant que l’intendance suivra. »

Interrogé par Mediapart en octobre, Bernard Delran, vice-président du RSI, ne mâchait pas non plus ses mots. « À moins que vous croyiez aux miracles, on va vers une deuxième catastrophe industrielle, lançait-il. Je ne sais pas comment ils vont s’en sortir. Ils ne se rendent pas compte des difficultés techniques qu’ils vont rencontrer, notamment durant les deux ans de transition. » Son ton a singulièrement changé en deux mois.

Le 22 décembre, il paraissait bien plus rassuré : « Bien sûr, il reste encore des points à préciser, mais la méthode prônée par Édouard Philippe a du bon, estime-t-il désormais. On discute, on palabre, il faut reconnaître que ça évolue dans le bon sens. Dire que tout est négatif, ça serait malhonnête intellectuellement. »

Un changement de ton qui s’explique sans nul doute par l’investissement de Dominique Giorgi. Nommé en juillet par Agnès Buzyn, à la tête d’une mission sur le sujet, cet ancien secrétaire général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, président du comité économique des produits de santé, a joué pendant six mois le rôle du pompier et du grand pacificateur, au siège du RSI et dans ses 29 caisses régionales. Sa capacité d’écoute et d’analyse est reconnue à tous les échelons. « Le chantier est énorme, admet-il aujourd’hui. Mais les pouvoirs publics font le maximum pour s’assurer que tout se passera bien et sécuriser la trajectoire de transformation. »

Mais si Dominique Giorgi a été reconnu comme un interlocuteur valable partout au sein du RSI, beaucoup s’inquiètent de voir sa mission s’achever le 31 décembre. Le directeur du régime, Stéphane Seiller, vient lui aussi de quitter ses fonctions. Et son successeur, Philippe Renard, actuel directeur de l’Urssaf-Île-de-France, ne connaît pas bien la maison. « Et parmi les directeurs nationaux ou régionaux, c’est le grand sauve-qui-peut, chacun cherche à se recaser, et on peut les comprendre, pointe la CGT du site de Valbonne. Personne à la direction ne sera donc en mesure d’assumer les choix qui ont été faits. Une mission de hauts fonctionnaires a donné des consignes de transformation, pour se conformer aux souhaits politiques. Mais ils ne restent pas pour voir comment cela va se traduire dans la réalité, et ils n’en porteront de toute façon pas la responsabilité… »
La grande peur des salariés du RSI

Le 19 décembre, un peu partout en France, des salariés du RSI ont manifesté à l’appel de la CGT, pour alerter sur leur avenir incertain. Pour l’instant, ils savent seulement que les quelque 5 500 salariés du régime seront répartis à 45 % vers l’Urssaf, à 33 % vers la branche retraite et à 22 % vers la branche maladie. « C’est une vente à la découpe, mais le volet social de ce changement, qui est subi et non voulu, n’est clairement pas la priorité », s’inquiète un élu. « Dans la loi de financement de la Sécurité sociale, il n’y a pas de garanties de non-licenciement ou de maintien des salaires », souligne Cécile Velasquez, du collectif national RSI.

Dominique Giorgi, désigné pour élaborer les aspects pratiques de la réforme, le reconnaît volontiers : « On ne peut pas empêcher les gens d’être inquiets, et c’est normal : il s’agit d’une énorme transformation. » Mais il tient à rassurer. « Dès le mois d’août, les deux ministres en charge ont écrit à chaque salarié pour leur dire qu’il n’y aurait ni licenciements ni mobilité territoriale forcée, rappelle-t-il. Et pendant la période de transition de deux ans, il y aura une garantie supplémentaire : la convention collective sera intégralement maintenue, les salaires, primes, avancements, etc., resteront identiques aux conditions actuelles. Dès la mi-janvier, une négociation nationale s’ouvre ensuite avec les syndicats pour garantir le bon déroulement de la transition. »

Le haut fonctionnaire indique aussi que tous les salariés seront reçus par leurs responsables. « Dans 90 % des cas, la procédure de transfert ne posera aucune difficulté. Un liquidateur de retraite aura pour vocation de travailler à la Cnav, un salarié chargé du recouvrement des cotisations à l’Urssaf, par exemple, explique-t-il. La question se posera bien sûr pour les fonctions transversales, comme les personnes en charge des ressources humaines. Pour ces cas, il faudra entendre les souhaits de ces gens, ils choisiront. En sachant qu’il y aura des postes pour tout le monde, les pouvoirs publics s’y sont engagés. »

Peut-être pas suffisant pour les salariés : la CGT donne des exemples où la mobilité géographique pourrait poser de gros problèmes. « À Niort, les salariés de la caisse RSI jusque-là chargés de s’occuper des retraites devront aller dans le Limousin s’ils veulent conserver leur métier », s’inquiète Cécile Velasquez. Dominique Giorgi répond qu’il sera certainement possible pour eux de travailler à distance. Mais les réponses seront en réalité apportées territoire par territoire, chacune des 29 caisses régionales du RSI étant reprise en main par l’Urssaf correspondant. Et chaque responsable régional devrait donc pouvoir agir à sa guise.

L’informatique, surveillée comme le lait sur le feu

Dominique Giorgi le reconnaît sans barguigner : « La transformation informatique est un point d’attention majeur. » L’informatique, c’est le cœur de la machine dans la comptabilisation des cotisations payées par les indépendants et des prestations versées en retour. Et en 2008, c’est ce point qui a fait échouer la réforme. Pour reprendre les termes d’un observateur bien placé, « on avait tout mis en place pour que les systèmes des différentes caisses fusionnées se parlent et se comprennent, mais quand on a appuyé sur le bouton, rien n’a fonctionné ».

À Valbonne (Alpes-Maritimes), le plus gros site informatique du RSI, les interrogations sont nombreuses aujourd’hui. « Le RSI gère trois risques différents, liés entre eux. Comment diviser le système informatique en trois, ou faire communiquer efficacement les trois systèmes ? s’interroge la CGT. D’autant qu’à aucun moment il n’est question de moyens supplémentaires, alors qu’il faudra gérer la transition, mais aussi les évolutions réglementaires qui interviendront en cours de route, comme cela arrive régulièrement. »

Le plus gros problème dans la mise en place d’un nouveau système fluide et simple est sans conteste le « SNV2 » (pour système national version 2), le logiciel utilisé par les Urssaf, chargé de calculer le montant des cotisations à payer, et de générer les courriers de relance. Ce mastodonte est connu pour être très difficile à faire évoluer. Adapté à la gestion administrative des entreprises, il s’est longtemps révélé incapable de prendre en compte les particularités des travailleurs indépendants. Pendant de longues années, il était même impossible de lui faire stopper l’envoi de courriers comminatoires, même après que la situation avait été régularisée !

« Le fameux logiciel de l’Urssaf restera ce qu’il est : un logiciel datant de 1990, qui ne fait pas rêver », juge Bernard Delran, vice-président du RSI et le président de sa commission informatique. « Le logiciel de l’Urssaf ne fonctionnera pas mieux le 1er janvier », abonde Cécile Velasquez, de la CGT. Pour autant, la situation a été largement améliorée, petites touches par petites touches. Par exemple, depuis 2015, si son activité fluctue, un assuré peut modifier le montant des cotisations qu’il verse, puis régulariser la situation une fois l’exercice clos. Et il n’est plus sanctionné s’il s’est trompé. Prudent, le gouvernement a donc décidé sur ce point de… ne rien changer, même si ce logiciel a été la cause de bien des dysfonctionnements. Le refondre complètement est trop compliqué, trop cher, et trop long.

Mais conscient du risque énorme pesant sur cet aspect de la réforme, l’exécutif a accordé plus de temps pour réussir la transition. Les services informatiques des trois branches, et celle du RSI, seront rassemblés dans un groupement d’intérêt économique (GIE) et auront jusqu’à quatre ans pour assurer le transfert des logiciels.

« Le GIE maintiendra en état de fonctionnement les logiciels du RSI tant qu’on n’aura pas développé, testé et fiabilisé des solutions alternatives, assure Dominique Giorgi. On ne débranchera rien tant qu’on n’aura pas de solution de remplacement. Et d’ailleurs certains systèmes seront conservés, comme le logiciel qui gère les retraites complémentaires des indépendants. » L’idée est de réaliser une transition en douceur, en testant notamment les nouveautés dans une poignée de régions, avant de les déployer dans tout le pays.
Les indépendants gardent le même niveau de cotisations et de prestations

Il peut y avoir des incompréhensions, mais en fait, la réforme ne changera rien à certains points qui ont fait du RSI un symbole tant décrié par les indépendants. Et d’abord, les cotisations sociales qu’ils doivent verser. Certes, les micro-entrepreneurs bénéficient de cotisations moins élevées et représentent déjà 40 % des affiliés au RSI, soit 1,2 million de personnes. Mais les artisans classiques, eux, s’estiment saignés, et ils ont largement alimenté le flot des mécontents du RSI.

« Depuis l’annonce de la suppression du RSI, nous avons des échanges parfois tendus aux guichets d’accueil, avec des gens qui nous disent qu’ils n’auront plus de cotisations à payer le 2 janvier, parce que le RSI n’existera plus », raconte Cécile Velasquez. Ce ne sera bien sûr pas le cas, comme s’emploie à le rappeler toute la communication officielle sur la réforme. Certains indépendants continueront donc toujours à protester contre le niveau de cotisations qu’ils doivent régler, même si elles servent à les protéger contre les accidents, la maladie, et à leur assurer une retraite.

Dans les faits, ils payent en moyenne environ un tiers de moins que le montant des cotisations versées pour un salarié : en moyenne 47 % sur les bénéfices réalisés, c’est-à-dire moins que ce qu’il en coûte à un salarié classique 3, pour qui elles dépassent les 60 % du salaire brut, si l’on additionne cotisations patronales et salariales.

Pour expliquer ce ressenti fréquent chez les indépendants, il faut souligner que ces derniers acquittent eux-mêmes leurs cotisations salariales mais aussi patronales, et qu’ils doivent reverser à l’administration une part du chiffre d’affaires qu’ils ont déjà perçu, en plus de leurs impôts. Jamais facile, d’autant que la population concernée est pour le moins fragile : selon un récent rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale 3 sur les travailleurs non salariés, 60 % d’entre eux déclarent un revenu inférieur au Smic.

Qui plus est, les sommes que versent les non-micro-entrepreneurs sont proportionnellement plus importantes pour ceux qui gagnent le moins. Ils doivent en effet payer une somme minimum (autour de 1 100 euros annuels), afin de bénéficier d’une couverture maladie, et surtout de cotiser correctement pour la retraite : la cotisation minimale 3 (801 euros annuels) permet de valider trois trimestres de retraite de base (au lieu de deux en 2015 et d’un seul auparavant). Pour rappel, les micro-entrepreneurs gagnant très peu ne cotisent quasiment rien 3 pour leur future retraite…

Pour certains indépendants, ou leurs représentants, la disparition de leur régime spécifique de protection sociale cache aussi un autre projet : leur appliquer dans les années à venir le traitement classique, de tout salarié. Avec une hausse inévitable des cotisations ou taxes payées… En septembre, les administrateurs du RSI ont officiellement dit 3 craindre une « intégration forcée des indépendants dans le régime général des salariés », qui entraînerait une « augmentation radicale des cotisations maladie et retraite » des indépendants.

Cette crainte diffuse s’explique aussi par le faible niveau des prestations versées en moyenne aux indépendants, qu’elles concernent les retraites ou les indemnisations pour arrêt de travail. Elles sont calculées sur les revenus des indépendants et sur les cotisations, bien souvent modestes, qu’ils versent durant leur carrière. Elles sont donc peu élevées.

Et aujourd’hui encore, les indépendants doivent supporter un délai de carence de sept jours avant de commencer à être indemnisés en cas de maladie. Le gouvernement précédent a bien décidé d’assouplir légèrement la règle, à partir du 1er janvier prochain, mais elle ne sera toujours pas au niveau de ce dont bénéficient les salariés : en 2018, le délai de carence sera ramené à trois jours… mais seulement en cas d’interruption de travail de plus de 7 jours !

Du guichet unique au guichet « dédié polyvalent »

Officiellement motivée pour des raisons de simplification, la suppression du RSI pourrait créer des difficultés supplémentaires pour les travailleurs indépendants. Ils sont aujourd’hui habitués à s’adresser à un seul organisme pour régler leurs soucis de cotisations, de prestations maladie et de retraite. Or, ces trois métiers vont être redirigés vers les branches correspondantes du régime général. La fin de l’actuel guichet unique ? Au lieu d’avoir un seul interlocuteur, les indépendants devront-ils s’adresser à trois caisses différentes ?

La réponse est subtile. « On va passer du “guichet unique” à un “guichet dédié polyvalent”, c’est un modèle de dialectique », s’amuse le vice-président du RSI Bernard Delran. Dominique Giorgi assure que « les guichets dédiés seront maintenus » : « Il y en aura un pour chacune des 29 caisses régionales actuelles. En 2018-2019, ils sont maintenus au même endroit, mais cela ne sera peut-être plus le cas à partir de 2020. Les numéros de téléphone actuels sont aussi maintenus, et un nouveau site, secu.independants.fr, ouvrira le 2 janvier. »

Du côté de la CGT, on nuance. « L’Urssaf devrait certes récupérer tous les accueils physiques et téléphoniques, mais elle ne pourra traiter elle-même que les demandes de premier niveau, comme le dépôt de chèques et les questions les plus basiques, explique Cécile Velasquez. Pour avoir des informations précises ou effectuer des démarches, il faudra sans doute s’adresser aux caisses spécialisées. » Selon les prévisions de Dominique Giorgi, cela semble en effet être la réalité future, puisqu’il indique que lorsqu’un travailleur indépendant se présentera à un guichet Urssaf, « il devra pouvoir être renseigné dès les mois à venir, courant 2018 », alors que pour les questions liées à la maladie et la retraite, « la cible est celle de 2020 ».

À la CGT, on déplore un autre niveau de complexification. Les commissions de recours amiables du RSI, chargées de résoudre les problèmes de versement des cotisations par les indépendants, sont maintenues. Mais elles donneront désormais un avis, qui sera ensuite pris en compte par les commissions liées au régime général. Résultat, le processus sera plus long et moins clair pour les indépendants.

Quant à la dernière mesure annoncée par le gouvernement en septembre, elle devrait bien simplifier la vie des indépendants… mais elle était aussi déjà dans les tuyaux du RSI et ne devrait pas voir le jour avant de très longs mois. Avec « l’autoliquidation », il sera possible pour les indépendants de déclarer eux-mêmes leur chiffre d’affaires et de payer des cotisations immédiatement calculées sur leurs résultats réels, tous les mois ou tous les trimestres. C’est ce que font déjà les auto-entrepreneurs.

Cette simplification incontestable des démarches devrait réconcilier bon nombre d’artisans avec la complexe machine administrative à laquelle ils s’affrontent parfois. Mais au vu des difficultés pratiques de ce qui s’apparenterait à une nouvelle révolution, Bernard Delran ne la voit pas être mise en place avant 2020.