Environnement et facteurs dégradant la santé

Médiapart - Pollutions à Lacq : les représentant·e·s des salarié·e·s réclament des comptes à Sanofi

Juillet 2018, par Info santé sécu social

PAR JADE LINDGAARD ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 12 JUILLET 2018

Les représentant·e·s des salarié·e·s montent au créneau contre Sanofi sur le bassin de Lacq après les révélations par Mediapart et France Info sur les rejets astronomiques de substances toxiques par son usine de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques). Le groupe pharmaceutique a fermé son site après la parution de notre article.

La CGT est officiellement intervenue auprès de la chambre patronale de l’Union des industries chimiques (UIC). Le syndicat réclame que l’organisation professionnelle du secteur de la chimie prenne position concernant les écarts gigantesques de Sanofi avec ses obligations de contrôle et de mesure d’émissions dangereuses. « L’image de la chimie est ternie. Nous sommes pour continuer l’exploitation de son site mais dans le respect de l’environnement et de la santé des salariés et des riverains », explique son représentant, Jean-Michel Poupon. L’organisation souhaite la création d’une sous-commission dédiée à la pollution des gros sites pétrochimiques en France : Lacq, Fos-sur-Mer, Le Havre, Dunkerque… au sein de l’instance chargée du suivi des questions de santé et de sécurité, à l’UIC.

Mercredi 11 juillet, l’union locale de la CGT a diffusé des tracts sur tous les sites de la plateforme de Mourenx, où travaillent quelques centaines de salarié·e·s, car « tous les salariés de la plateforme sont concernés et pas seulement ceux de Sanofi », explique Jean-Michel Poupon.

Le même jour, une cinquantaine de riverain·e·s et des militant·e·s de La France insoumise et du Parti communiste ont manifesté derrière une banderole « Sanofi ça suffit ! » devant le siège de la communauté de commune de Lacq-Orthez où se tenait une réunion de la commission de suivi de site. Délégué de la CGT pour les sites de Sisteron et Mourenx, Jean-Louis Peyren se dit « horrifié par ce qui se passe » à l’atelier Sanofi de Lacq. « Ce n’est pas normal. C’est scandaleux. En tant que salariés de Sanofi nous sommes là pour soigner les gens et pas pour les rendre malades. Ce qu’a fait Sanofi est une honte. » Le syndicat envisage de déposer plainte contre le groupe.

Un comité d’établissement extraordinaire a été convoqué cette semaine. La direction du site a affirmé ne pas savoir depuis quand les émissions de bromopropane, une substance cancérogène et reprotoxique, mesurées jusqu’à 190 000 fois au-dessus du seuil autorisé, se produisent. Mais, pour la CGT, « il est impossible que Sanofi ignore depuis quand a lieu ce dégagement. Quand vous produisez des médicaments, vous êtes obligé de connaître les sous-produits que vous fabriquez. Le traitement des résidus est au cœur des métiers de la chimie. Vous n’avez pas le droit de les rejeter dans l’atmosphère ».

Au sein de la commission de suivi du bassin de Lacq, le ton est monté mercredi, décrit Patrick Mauboulès, représentant de la Sepanso, association de défense de l’environnement qui se démène depuis des années pour alerter sur les pollutions du site pétrochimique. Son organisation s’est fait traiter de « terroriste » par un élu local. Sanofi s’est engagé à conduire une enquête interne pour établir quand exactement ont commencé les émissions de bromopropane. Mais pour la Sepanso, « il faudrait une enquête indépendante. C’est à l’État de faire cette enquête ».

Le site pollueur est un atelier employant une cinquantaine de personnes. L’unité a été créée en 1978, et réaménagée en 2012 afin d’en augmenter la production. C’est là qu’est fabriqué le principe actif de la Dépakine, un médicament contre l’épilepsie, qui s’est révélé dangereux pour les femmes enceintes. Pour Patrick Mauboulès : « Ce qui se passe sur le site de Sanofi se déroule depuis 20 ans sur tout le bassin de Lacq. Il y a une connivence entre les élus, les industriels et l’État. Sous couvert de protéger les emplois, on tue le bassin. » La Sepanso et France Nature Environnement ont annoncé leur intention de déposer une plainte au pénal contre les rejets incontrôlés de Sanofi. L’association doit rencontrer prochainement le directeur adjoint de l’émanation en Aquitaine du ministère de l’écologie, la Dreal.

Le ministre de la transition écologique Nicolas Hulot et son homologue de la santé Agnès Buzyn ont annoncé mardi que « toutes les conditions en matière d’émission et d’absence de risques pour les salariés et riverains devront être réunies pour que l’État puisse autoriser une reprise de l’activité du site » de Sanofi. Pour l’influent journal local, La République des Pyrénées, « l’affaire Sanofi secoue tout le bassin de Lacq ».

Riverains , salarié·e·s et écologistes espèrent vivre un basculement dans le suivi et le contrôle de la plateforme industrielle, l’une des plus polluantes du pays avec une vingtaine d’usines classées comme potentiellement dangereuses pour l’environnement.