Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Première vague : Olivier Véran privé du rapport sur les dysfonctionnements au sommet de l’Etat

Novembre 2020, par Info santé sécu social

7 NOVEMBRE 2020 PAR ANTTON ROUGET

Le ministre de la santé a reconnu devant des députés qu’il n’a pas été destinataire du rapport Lizurey sur les dysfonctionnements graves survenus au printemps dans la gestion de la pandémie. Le document, dont Mediapart a publié des extraits, a pourtant été remis au gouvernement en juin avec nombre de préconisations.

Sur chacune de ses 67 pages, le document est surplombé d’une mention « Confidentiel – Diffusion restreinte ». Mais on ignorait que le rapport Lizurey sur la gestion par l’État de la première vague du Covid-19 était un objet à ce point secret qu’il n’a pas été transmis au... ministre de la santé.

Interrogé sur certaines conclusions du rapport, Olivier Véran a reconnu, mercredi 4 novembre, lors de son audition par les députés de la mission d’information sur la gestion de la crise du Covid, qu’il ne pouvait tout simplement pas le « commenter, parce que, eh bien, écoutez, je ne l’ai pas eu » (voir l’extrait vidéo ci-dessous).

Olivier Véran s’exprime sur le rapport Lizurey, le 4 novembre 2020 à l’Assemblée nationale.
Commandé par le gouvernement en avril, le document a pourtant été finalisé en juin par l’ancien directeur général de la gendarmerie nationale, Richard Lizurey, avec l’appui d’Amélie Puccinelli, inspectrice de l’administration, et remis aux autorités dans la foulée. Il avait pour objet d’auditer le pilotage interministériel de la crise, que cela soit sur un plan horizontal, entre les cabinets ministériels et les administrations centrales, mais aussi sur un plan vertical, entre les administrations centrales et les organes déconcentrés (voir la lettre de mission ci-dessous).

Fruit de dizaines d’entretiens avec les ministres et hauts fonctionnaires impliqués dans la gestion de la crise, le rapport a ainsi permis de pointer un certain nombre de dysfonctionnements graves, liés, notamment, à la concentration des responsabilités autour d’un petit noyau de personnes, mais aussi au manque de communication entre les différents ministères chargés de la gestion de la crise.

En raison de « circuits de partage de l’information et de décision flous », « plusieurs membres » du cabinet du premier ministre, de la cellule interministérielle de crise (CIC), du centre de crise sanitaire (CCS) et de la mission de déconfinement menée par Jean Castex (avant qu’il ne devienne premier ministre en juillet) ont « parfois déploré une information insuffisante », relevait ainsi le rapport, avant de formuler, en conclusion, un certain nombre de préconisations dans le but de se préparer à la seconde vague.

L’une des priorités résidait alors, selon le général, dans la nécessité « de conduire un retour d’expérience (RETEX) interministériel objectivé et partagé, accompagné le cas échéant d’un ou plusieurs RETEX spécifiques, afin de préparer dans les meilleures conditions possibles une nouvelle crise de nature similaire ».

Ces préconisations n’ont donc toujours pas été communiquées, cinq mois plus tard, au ministre de la santé, apprend-on. « Les bonnes feuilles [du rapport], semble-t-il, ont été publiées dans la presse. Je n’ai pas d’éléments supplémentaires à ajouter [autres] que ceux qui sont figurés », a ajouté le ministre, lors de son audition à l’assemblée, en lisant une note fournie par un conseiller. « Je prendrai connaissance de ce rapport, je ne botte pas en touche, je ne l’ai pas eu », a-t-il insisté, en expliquant que « c’est comme ça, dans le fonctionnement des institutions, la presse peut avoir un rapport avant le ministre concerné ».

Le problème ne semble pas propre au rapport Lizurey, puisqu’un autre document important sur la gestion de la première vague épidémique a mis plusieurs semaines à remonter au ministère de la santé. Comme l’a révélé Mediapart, une note rédigée par la Direction générale des collectivités locales préconisant des améliorations dans la prise en charge des décès n’est arrivée que « courant octobre » au ministère.