Industrie pharmaceutique

Médiapart - Procès du Mediator : chronique d’un échec programmé

Mars 2017, par Info santé sécu social

Par Michel de Pracontal

Partie sur des chapeaux de roues en 2011, l’instruction du dossier Mediator s’est embourbée et l’affaire ne sera probablement pas jugée avant 2019. En ciblant la responsabilité du groupe Servier et en évacuant celle de l’administration et des politiques, la justice a-t-elle fait le bon choix ? Ou s’est-elle condamnée à échouer ?

Cibler la responsabilité des laboratoires Servier, coupables d’avoir dissimulé la vraie nature et les dangers de leur produit défectueux, le Mediator : cela semblait l’objectif évident de la procédure partie sur des chapeaux de roue en février 2011, à la suite de la révélation du drame sanitaire qui a causé la mort de 500 à 1 500 personnes. La tromperie de Servier paraissait flagrante, la responsabilité du laboratoire incontestable. En janvier 2014, le procureur de Paris, François Molins, annonçait qu’un grand procès du Mediator pourrait se tenir pendant le premier semestre 2015.

Trois ans après, l’affaire est embourbée. Les connaisseurs du dossier les plus optimistes estiment que le Mediator ne sera pas jugé avant 2019. Et rien ne garantit que le procès, s’il finit par avoir lieu, aboutisse à une issue satisfaisante pour les victimes. Le fiasco est en vue.

Comment la justice, malgré les moyens considérables déployés, a-t-elle pu rater cette affaire immanquable ? Lors de son audience solennelle tenue le 23 janvier, le procureur de Paris, François Molins, déplorait que « sur six ans de vie de ce dossier d’information, qui a été ouvert en février 2011, moins de trois ans aient été consacrés aux investigations et les trois années suivantes aient été exclusivement consacrées à la procédure à la suite des multiples demandes et recours faits par la défense des mis en cause, sans d’ailleurs que ce soit encore terminé ».

L’enquête de Mediapart montre que cette analyse est un peu courte. L’acharnement procédurier des avocats de Servier ne suffit pas à expliquer l’échec annoncé. Celui-ci résulte d’une cause plus profonde : en focalisant l’affaire sur la tromperie et sur la seule responsabilité des laboratoires Servier, la justice a trop limité son champ d’action. Elle a sous-estimé le rôle des politiques et celui de l’administration de la santé, en particulier de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) et de la DGS (Direction générale de la santé). Elle a « saucissonné » l’affaire, dissociant le volet « tromperie et escroquerie » du volet « blessures et homicides involontaires ». Cette approche restrictive, justifiée par un souci d’efficacité et d’allègement de la procédure, se révèle contre-productive. Elle affaiblit l’action des magistrats, exposés au feu des critiques des avocats de Servier, et freinés par des contraintes qui les empêchent d’aller au fond des choses.

Pourquoi la justice a-t-elle choisi une telle méthode ? Pourquoi n’a-t-elle pas traité d’emblée l’ensemble du champ des responsabilités ? L’on ne peut pas répondre à la place des juges, mais un certain nombre d’éléments suggèrent que l’instruction a été orientée par une préoccupation majeure : mettre hors de cause l’État et les politiques. Et cela, avant même que la procédure ne débute.

• NOVEMBRE 2010 : « L’AFFAIRE NE DOIT JAMAIS REMONTER AUX POLITIQUES »

Au tout début du scandale Mediator, en novembre 2010, Xavier Bertrand, qui vient d’être nommé ministre de la santé, reçoit la visite d’un invité surprise : Martin Hirsch, ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté du gouvernement Fillon, aujourd’hui directeur général de l’AP-HP (assistance publique-hôpitaux de Paris). Hirsch a un message à transmettre sur le Mediator, accusé d’avoir tué de 500 à 1 500 personnes entre 1976 et 2009. L’affaire ne doit jamais remonter aux politiques, explique l’ancien président d’Emmaüs France au nouveau ministre. Si quelqu’un doit payer, il faut cibler les experts, ces professeurs de médecine qui touchent des honoraires considérables versés par les labos, à commencer par Servier, le fabricant du Mediator.

Mais que vient faire Martin Hirsch dans cette galère ? À l’époque de sa visite confidentielle à Xavier Bertrand, il n’occupe pas de fonction officielle dans l’administration de la santé. À quel titre vient-il parler de ce sujet précis au ministre de la santé ? Est-ce parce qu’il est proche de Didier Tabuteau, qui a dirigé le cabinet de Bernard Kouchner au ministère de la santé de 1992 à 1993 et de 2001 à 2002, et a été à la tête de l’Agence du médicament, de sa création en 1993 à 1997 ? Est-ce parce que lui-même, Martin Hirsch, a été le directeur de cabinet de Bernard Kouchner, secrétaire d’État à la santé, de 1997 à 1999, période clé dans l’histoire du Mediator, avant de devenir le conseiller santé de Martine Aubry, au ministère de l’emploi et de la solidarité ?

Une chose est sûre : Hirsch a été entendu. Parmi la trentaine de personnes morales et physiques mises en examen, figurent les laboratoires Servier, fabricant du produit incriminé, une pléiade de professeurs de médecine appointés par l’industriel, et l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament. Mais pas un ministre ou un parlementaire, à l’exception de l’ex-sénatrice Marie-Thérèse Hermange, mise en examen pour complicité de trafic d’influence, après avoir été surprise en pleine conversation avec un consultant de Servier, le professeur Claude Griscelli, en vue d’infléchir le rapport de la mission du Sénat sur le Mediator dans un sens favorable au laboratoire.

Les ténors du réseau politique de Servier, l’ancien garde des Sceaux Henri Nallet, ou Bernard Kouchner, et surtout l’ancien ministre de la santé Philippe Douste-Blazy, ami personnel de Jacques Servier dès les années 1980, n’ont quant à eux pas été mis en cause par les magistrats. Pourtant, leur rôle potentiel dans la stratégie d’influence du groupe méritait examen. C’est particulièrement vrai pour Douste-Blazy, qui a été ministre de la santé à deux reprises (1993-1995 et 2004-2005), a bénéficié de multiples aides financières de Servier et a toujours affirmé son amitié au fondateur du groupe pharmaceutique (voir notre article).

Quand Douste-Blazy était ministre de la santé en 2004-2005, il avait pour conseiller le professeur Claude Griscelli, lui-même mis en examen pour ses mauvais conseils à Marie-Thérèse Hermange. Mais malgré tous ces liens compromettants, Douste-Blazy dort sur ses deux oreilles.

« Tu auras un classement sans suite ou un non-lieu »

• MARS 2011 : LE PROBLÈME DE LA RESPONSABILITÉ DE L’ÉTAT

En janvier 2011, Xavier Bertrand rend public un rapport explosif de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) dirigé par Aquilino Morelle, qui deviendra conseiller de François Hollande en 2012, avant de quitter piteusement l’Élysée à la suite des révélations de Mediapart sur son goût pour les chaussures bien cirées et surtout sur ses liens financiers avec les laboratoires Lundbeck.

Mais en 2011, le rapport Morelle est salué sur le site Slate comme « un travail historique ». Martin Hirsch – encore lui –, commentant le rapport Morelle dans une interview au JDD 3, le qualifie de « terrible récit d’un enfumage généralisé des autorités sanitaires par Servier ».

Le rapport Morelle est un véritable réquisitoire pour tromperie contre Servier. Il ignore le rôle des politiques, sous-estime la responsabilité des hauts fonctionnaires de la santé, et résume l’affaire à une faute originelle : avoir fait passer un anorexigène pour un antidiabétique.

Mais Servier a beau jeu de répliquer que son produit a bel et bien obtenu une AMM (autorisation de mise sur le marché) dans le traitement du diabète, et qu’il n’a pas été retiré pendant de longues années, malgré les signaux d’alerte. Dès lors, les défenseurs du laboratoire soutiennent qu’ils ne portent pas toute la culpabilité et que l’État pourrait être mis en cause autant, sinon davantage, que Servier !

Cette analyse apparaît dans une note de la DGS, la Direction générale de la santé : « En l’espèce, rien n’aurait été possible sans la défectuosité du Mediator mais le Mediator n’aurait pas produit de conséquences néfastes s’il n’avait pas obtenu une AMM ou si celle-ci avait été suspendue ou retirée plus tôt, lit-on dans ce document de la DGS révélé par Le Figaro. Le Mediator n’a pu être mis sur le marché que grâce à des autorisations de mise sur le marché délivrées à partir de 1974 par le ministre, puis par l’Agence du médicament, enfin par l’ANSM et alors qu’aucune des autorités investies du pouvoir de police sanitaire n’a estimé, avant la décision de 2009, devoir suspendre ou retirer à Servier l’autorisation de mise sur le marché de ce médicament. Sans le défaut du Mediator, pas de dommage, mais sans AMM pas de dommage non plus. »

Le fonctionnaire de la DGS qui transmet cette note à ses collègues en mars 2011, alors que débute l’instruction, enfonce le clou dans un mail : « La conclusion la plus désagréable est que si la responsabilité de l’État est recherchée, elle sera probablement intégrale et non pas partagée avec Servier. »

Est-ce la nécessité de protéger l’État et les politiques qui a conduit à un certain « cadrage » de l’instruction ?

• L’ÉTONNANTE MANSUÉTUDE DES MAGISTRATS VIS-À-VIS DE L’AGENCE DU MÉDICAMENT

En 1998, une enquête du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Besançon, commanditée par l’Agence du médicament et menée sous la direction du professeur Pierre Bechtel, démontre que le Mediator entraîne des effets indésirables très graves. Ces effets sont similaires à ceux de l’Isoméride et du Pondéral, deux produits coupe-faim du groupe Servier retirés du marché mondial en septembre 1997 (voir notre article). En particulier, l’enquête montre une association entre le Mediator et la survenue de cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), pathologie du poumon gravissime et très souvent mortelle. Dans un fonctionnement normal, l’enquête de Besançon aurait dû conduire l’Agence à retirer le Mediator, ou au moins à le suspendre. Mais le Comité technique de pharmacovigilance, réuni fin 1998, escamotera l’alerte.

Ce n’est pas tout. Un document issu de l’instruction, révélé par le Journal du dimanche du 12 mars 2017, suggère que la justice a cherché à protéger l’Agence du médicament. Il s’agit de la transcription d’une conversation téléphonique à propos de l’enquête de pharmacovigilance, entre le professeur Bechtel et une correspondante à l’Agence, Carole Fosset-Martinetti. Cette transcription figurait déjà dans les annexes du rapport Morelle. On y lisait qu’il était « difficile de démontrer qu’il n’y [avait] pas de risque », appréciation qui suggérait que l’Agence du médicament avait bien suivi le problème.

Seulement voilà : la transcription figurant dans le rapport Morelle était tronquée d’un passage que les magistrats instructeurs ont retrouvé dans le document complet. Le passage manquant affirmait, en contradiction avec les résultats de l’enquête de pharmacovigilance, qu’il n’y avait pas urgence à indiquer les risques nouvellement découverts dans la notice du Mediator : « En ce qui concerne les modifs du RCP, M. Bechtel est O.K. avec nos commentaires, à savoir qu’il est prématuré d’insérer dans le RCP le risque cardiovasculaire et cérébrovasculaire. »

Le professeur Bechtel et l’agence étaient donc d’accord pour ne pas modifier la notice du produit, privant ainsi les consommateurs du médicament d’une information cruciale ! Les magistrats n’ont pas retenu ce fait accablant pour l’Agence du médicament.

Des écoutes réalisées sur la ligne téléphonique de Jean Marimbert, qui a dirigé, de 2004 à 2011, l’Agence du médicament (qui s’appelait alors Afssaps), révélées par Le Figaro 3, montrent encore plus clairement la mansuétude des magistrats vis-à-vis de l’Agence. On y entend l’épouse de Marimbert lui expliquer qu’elle a eu une conversation avec l’un des juges d’instruction, et qu’elle a appris que l’intention des magistrats n’était pas de lui nuire. « Tu auras un classement sans suite ou un non-lieu », résume-t-elle. Et d’ajouter que les magistrats se seraient même excusés d’avoir dû effectuer la perquisition…

• LUCIEN ABENHAIM, « TÉMOIN IMPORTANT » À NE PAS DISCRÉDITER

Parmi les hauts fonctionnaires qui ont joué un rôle dans l’affaire Mediator, le professeur Lucien Abenhaïm occupe une place à part. Épidémiologue de renommée mondiale, auteur d’une étude décisive sur les risques d’HTAP associés à l’Isoméride, coupe-faim de Servier, il a aussi été directeur général de la santé de 1999 à 2003. Soit exactement au moment où les risques du Mediator sont confirmés de manière éclatante, à la suite de l’étude du CRPV de Besançon décrite ci-dessus.

Début 1999, un cardiologue de Marseille, le docteur George Chiche, observe qu’un de ses patients est atteint d’une fuite d’une valve cardiaque, et fait le lien avec la consommation de Mediator. Chiche signale son cas à la pharmacovigilance, mais l’Agence du médicament, après en avoir pris note, ne réagit pas.

« Servier a réussi à me neutraliser sur le Mediator »

Peu après la notification de Georges Chiche, en mai 1999, est signalé le cas d’une patiente de l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart atteinte d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), pathologie du poumon gravissime, alors qu’elle n’a pas d’autre facteur de risque que la prise de Mediator. L’HTAP est précisément la pathologie dont Lucien Abenhaim a démontré qu’elle était associée à la prise d’Isoméride, dans une célèbre étude appelée IPPHS (International Primary Pulmonary Hypertension Study).

Étant donné sa compétence dans le domaine, le professeur Abenhaim semblait la personnalité la mieux à même de se saisir du problème du Mediator. Son poste à la DGS lui permettait de donner l’alarme et même de prendre des mesures immédiates. Non seulement il n’en a rien fait, mais il a affirmé au cours de l’instruction qu’il n’avait eu connaissance de la parenté entre Mediator et Isoméride qu’en 2008 : « Cela a donc été pour moi un coup de tonnerre d’apprendre qu’il existait encore en France un produit à base de fenfluramine [molécule de l’Isoméride] », a-t-il affirmé.

Cette affirmation est peu admissible. En plus des éléments déjà cités, il est apparu qu’au moins une patiente incluse dans l’étude IPPHS avait consommé du Mediator. Cela aurait dû attirer l’attention des auteurs de l’étude, à commencer par Abenhaim.

Le dossier de l’instruction montre aussi qu’une fonctionnaire de la Direction générale de la santé, Catherine Choma, représentait cette dernière à une réunion de la commission nationale de pharmacovigilance du 7 juillet 1999, juste avant l’entrée en fonction de Lucien Abenhaim. Lors de cette réunion, l’on a parlé de l’enquête de 1995-1998 sur le benfluorex menée par le CRPV de Besançon et dirigée par Bechtel. Catherine Choma a reçu la copie du compte rendu de cette réunion le 15 septembre 1999, après la nomination de Lucien Abenhaim. Elle était aussi à une réunion de pharmacovigilance du 7 décembre 1999, où l’on a discuté du benfluorex et de l’HTAP.

Lorsque Abenhaim déclare qu’il n’a pas entendu parler du Mediator avant 2008, c’est à peu près aussi crédible que s’il disait avoir traversé la place de la Concorde sans voir l’obélisque. Il faut ajouter qu’Abenhaim a été consultant de Servier pendant de longues années. Il a touché des honoraires personnels pour l’étude IPPHS et a cosigné jusqu’en 2004 des articles scientifiques pour une étude appelée « VEINES », et financée par Servier.

S’interrogeant sur le rôle réel d’Abenhaim, les avocats de Servier ont demandé aux magistrats instructeurs d’auditionner différents membres de la DGS, dont Catherine Choma. Réponse des magistrats : « Ces demandes d’actes ne semblent avoir pour objectif que de discréditer un témoin important de la présente affaire, à savoir le Pr Lucien Abenhaim. » Le témoignage d’Abenhaim est donc a priori jugé indiscutable par les magistrats, qui là encore suivent le rapport Morelle. Or la position exprimée par Abenhaim tend essentiellement à accréditer la thèse de la tromperie de Servier. Il a été jusqu’à soutenir, alors même qu’il était expert pour Servier depuis de longues années, que le fabricant du Mediator lui avait caché la nature du produit : Servier « a réussi à me neutraliser sur le Mediator en me tenant (avec quelques centaines d’autres) dans l’ignorance de son caractère fenfluraminique, pendant l’IPPHS et après, pendant mon temps à la DGS, et durant 6 ans après mon passage à la DGS, soit près de 20 ans », déclarait-il à Mediapart en 2010 (voir notre article).

• ÉTAIT-IL JUDICIEUX DE PRIVILÉGIER LA TROMPERIE ?

Le rapport de l’Igas a mis en avant la tromperie imputée aux laboratoires Servier, et l’instruction va marcher sur les traces de Morelle. On reproche à Servier d’avoir dissimulé la vraie nature du Mediator en le commercialisant comme un traitement destiné aux diabétiques en surpoids, alors que c’est un anorexigène. Mais alors, pourquoi les autorités sanitaires ne l’ont-elles pas classé comme anorexigène, alors que son caractère de coupe-faim était un secret de Polichinelle ?

En 1968, les chercheurs de Servier ont breveté une famille de composés chimiques comprenant le Mediator, précisant que ces composés « peuvent être employés en particulier comme médicament anorexiant, analgésique, anticonvulsivant ou régulateur du métabolisme des lipides ». Quand l’AMM a été attribuée en 1976, l’administration savait, ou aurait dû savoir, que ce brevet existait.

Le principe actif du Mediator a été dénommé « benfluorex ». Or, « le suffixe “ –orex” est en effet le segment clé retenu par l’OMS pour désigner les agents anorexigènes », précise le rapport Morelle. Les enquêteurs de l’Igas soulignent que Servier a cherché (sans succès) à faire modifier ce nom. Ils en tirent argument pour soutenir que Servier a cherché à « effacer une trace très visible » de la vraie nature de son produit – ce qui est supposé renforcer l’accusation de tromperie imputée au laboratoire. À cela près que l’administration a refusé de changer le nom, précisément parce qu’elle connaissait le caractère anorexigène du produit…

Il faut ajouter qu’une note de Didier Tabuteau de 1995, alors qu’il était directeur de l’Agence du médicament, révélée par Mediapart en 2011, fait définitivement justice de la prétendue ignorance de l’Agence quant à la nature du Mediator. Cette note montre que l’Agence du médicament est tout à fait consciente des propriétés anorexigènes du benfluorex (principe actif du Mediator). Elle précise que le benfluorex fait l’objet d’une surveillance quant à sa sécurité d’emploi et que l’Agence suit les volumes des ventes pour s’assurer que le produit n’est pas détourné comme anorexigène.

Étrangement, cette note n’était pas citée dans le rapport Morelle, et les magistrats, qui y ont accédé, ne semblent pas en avoir tiré les conséquences.

Selon le Journal du dimanche du 12 mars, les avocats de Servier cherchent désormais à obtenir que l’Agence du médicament soit elle aussi mise en examen pour tromperie : « Il y a une évidente coresponsabilité de l’Agence, nous n’avons rien dissimulé aux autorités sanitaires », déclare au journal Me Hervé Temime, défenseur de Servier.

Pourquoi l’instruction a-t-elle été orientée aussi fortement sur l’accusation de tromperie, difficile à démontrer et en réalité peu plausible ? À moins que ce choix n’ait été précisément destiné à conduire la procédure dans une impasse… Car si le blocage judiciaire ne profite évidemment pas aux victimes, il fait l’affaire des politiques, de l’administration et de Servier. Et si l’échec annoncé de la procédure avait été en fait programmé ?