Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Un tour du globe du déconfinement

Mai 2020, par Info santé sécu social

10 MAI 2020 PAR CÉCILE DEBARGE, FREDERIC OJARDIAS, LILIA BLAISE, CORENTIN LÉOTARD, NICOLAS CHEVIRON, THOMAS SCHNEE, AMANDINE ALEXANDRE, ALEXIS BUISSON , SALOMÉ PARENT-RACHDI , NICOLAS CHEVIRON , VIANEY LORIN, FRANÇOIS HUME-FERKATADJI ET OLIVIA MACADRÉ

La France entre lundi dans une phase de déconfinement. Mais qu’en est-il dans le reste du monde ? Sélection – qui ne se veut pas exhaustive – des politiques mises

En Grande-Bretagne, Boris Johnson suscite la confusion et les divisions
Le premier ministre britannique a affirmé dimanche soir que « le moment n’était pas venu de mettre purement et simplement un terme au confinement » à partir de cette semaine au Royaume-Uni, le pays au monde où le nombre de victimes du coronavirus (près de 32 000 morts) est le plus élevé après les États-Unis. Pourtant, le chef du gouvernement a « encouragé » les salariés dans l’incapacité de télétravailler à reprendre le travail sans tarder en évitant toutefois, a-t-il précisé, d’emprunter les transports en commun.

Boris Johnson a également précisé qu’à partir de mercredi les restrictions concernant la pratique du sport en extérieur seraient levées et que, dans une deuxième étape, les écoles pourraient rouvrir partiellement à partir du début du mois de juin. Début juillet, le secteur de la restauration et d’autres établissements qui accueillent du public pourraient éventuellement reprendre leurs activités.

Cet hypothétique plan de déconfinement présenté par M. Johnson lors d’une allocution télévisée a suscité des réactions très critiques de la part de l’opposition et de plusieurs organisations syndicales, notamment.

La leader du gouvernement écossais, Nicola Sturgeon, a exigé « beaucoup plus de clarté » de la part du premier ministre britannique, insistant sur le fait que les assouplissements évoqués par M. Johnson ne s’appliquent pas à l’Écosse. La « First minister » a également critiqué le nouveau slogan de prévention dévoilé par le premier ministre : « Stay at home » (« Restez chez vous ») a été remplacé par un très ambigu « Stay alert » (« Soyez vigilants »).

« Beaucoup de Britanniques sont plongés dans la confusion et l’anxiété à la suite du discours de Boris Johnson », a réagi pour sa part Frances O’Grady, la secrétaire générale de Trade Union Congress. « Les gens attendait un discours clair qui fasse consensus, mais ils n’ont eu ni l’un, ni l’autre », a déploré Keir Starmer, le numéro un du parti travailliste.

L’Italie attend la phase 3
Il est encore trop tôt en Italie pour parler de déconfinement complet. Ce lundi 11 mai, le pays, qui compte près de 220 000 cas et plus de 30 000 morts, entame sa deuxième et dernière semaine de la phase 2. Le gouvernement a suivi assez fidèlement les recommandations émises par le Comité technique et scientifique, selon qui « la marge de manœuvre pour les réouvertures est faible ». L’idée est de rouvrir progressivement et de ne poursuivre que si l’indice de contagion, actuellement estimé entre R0=0,5 et R0=0,7, ne dépasse pas 1, seuil à partir duquel le système sanitaire est sous pression.

La distanciation physique est la règle et le port du masque obligatoire à partir de six ans. Les Italiens doivent toujours justifier leurs déplacements avec une attestation, y compris au sein de leur commune de résidence. Ils peuvent désormais revoir leur famille et leurs proches et se déplacer à l’intérieur de leur région. Les déplacements d’une région à l’autre sont, en revanche, toujours interdits. L’un des enjeux majeurs de cette levée progressive des restrictions est de contenir l’épidémie, y compris géographiquement.

Parmi les personnes testées, près de 85 000 personnes sont positives au Covid-19 dont 60 % en Lombardie, dans le Piémont et en Émilie-Romagne, trois régions du Nord. La plupart des activités économiques ont repris, avec parfois des aménagements substantiels. Les bars et restaurants, par exemple, ne peuvent pas recevoir de public, mais peuvent vendre à emporter. Les enterrements sont de nouveau autorisés avec un maximum de quinze personnes. Les écoles, elles, resteront fermées au moins jusqu’au mois de septembre.

En Espagne, la prudence reste de mise
Même si Barcelone a autorisé l’accès à ses plages pour la pratique sportive, l’Espagne reste prudente avec près de 265 000 cas et plus de 26 000 morts. Les terrasses ne rouvriront ni à Madrid ni à Barcelone lundi. Le chef du gouvernement Pedro Sánchez a lancé un appel à la prudence aux habitants des zones qui entrent dans la phase 1 du déconfinement lundi 11 mai. Dans ces endroits, comme l’explique notre partenaire InfoLibre, seront notamment possibles les rassemblements jusqu’à dix personnes.

En Allemagne, les Länder à la manœuvre pour accélérer le déconfinement
L’Allemagne est entrée mercredi 6 mai dans la phase 2 de son déconfinement qui avait prudemment débuté le 20 avril par l’ouverture des petits magasins et, partiellement, des écoles. « Nous sommes à un point où notre objectif visant à ralentir la propagation du virus a été atteint et nous avons été en mesure de protéger notre système de santé […]. Il a donc été possible de discuter et de convenir de nouvelles mesures d’assouplissement », a déclaré Angela Merkel.

Résultat, le pays prévoit de lever la quasi-totalité des restrictions d’ici à fin mai. Même la Bundesliga (championnat de football) doit reprendre le 16 mai (sans public). Les seules grandes exceptions sont la fermeture des frontières et l’interdiction des grandes manifestations sportives, festives ou culturelles avec du public. Le respect d’une distance sociale de 1,5 mètre est aussi maintenu (5 juin) mais deux groupes vivant chacun sous deux toits différents pourront se rencontrer.

Les négociations sur la phase 2 ont été marquées par une forte pression des 16 ministres-présidents sur la chancelière. Celle-ci reste sur la ligne prudente des virologues qui pensent que le taux actuel de progression de la maladie qui vient de repasser de 0,8 à 1,1 (10 personnes positives en contaminent 11) est encore insuffisant pour déconfiner trop vite.

Les ministres-présidents, eux, ont préféré répondre aux appels à l’aide de l’économie. Ils s’inquiètent aussi de la multiplication de manifestations « Anti-Hygiène », comme à Berlin et Stuttgart, où se retrouvent pêle-mêle des confinés « au bord de la crise de nerfs », mais aussi des représentants des extrêmes de gauche comme de droite.

Logiquement, le gouvernement fédéral a transmis une partie de la responsabilité du déconfinement aux Länder en créant un dispositif de reconfinement si les infections repartent à la hausse. Le seuil d’alerte est fixé à 50 infections en moyenne pour 100 000 habitants sur une période de sept jours par zone (arrondissement/Kreis). À Coesfeld, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, ce seuil vient d’être largement dépassé. Là, cent employés d’une usine de transformation de viande ont été testés positifs.

En Autriche, le déconfinement en bonne marche
Confinée depuis la mi-mars, l’Autriche a été l’un des premiers pays en Europe à alléger les restrictions en autorisant, le 14 avril dernier, ses commerces de moins de 400 m2 à rouvrir. Pour le chancelier conservateur Sebastian Kurz, qui gouverne avec les écologistes depuis janvier, c’est parce que l’Autriche a réagi « plus rapidement et de manière plus restrictive » que d’autres pays, qu’elle peut sortir plus vite de la crise.

La deuxième étape a été franchie le 1er mai dernier. Depuis lors, les déplacements ne sont plus limités, les rassemblements jusqu’à dix personnes permis et l’ensemble des magasins ainsi que les coiffeurs autorisés à rouvrir. Chaque étape s’accompagne de mesures sanitaires strictes, les masques notamment sont obligatoires dans les supermarchés, les commerces ou encore les transports publics. La question est de savoir quel impact le déconfinement aura sur le nombre de contaminations. Le ministre de la santé, Rudolf Anschober, a constaté que la première étape n’avait eu aucune conséquence négative : la hausse quotidienne du nombre de nouvelles infections n’est que de 0,2 % actuellement. Mais il prévient que la deuxième phase pourrait avoir un effet : « Le mois de mai sera décisif. »

Tout au long du mois en effet, le déconfinement va se poursuivre sur le même rythme : réouverture des cafés et restaurants à partir du 15, des hôtels le 29 et l’ensemble des élèves reprendront les cours d’ici le 3 juin. Les musées, eux aussi, sont censés pouvoir rouvrir vendredi 15, mais la plupart des grands musées fédéraux viennois ne le feront qu’après cette date, souvent pour des questions logistiques.

En Belgique, des retrouvailles en petit comité

La Belgique a choisi un déconfinement en plusieurs phases. Depuis le 4 mai, les transports en commun ont repris avec cependant l’obligation pour les usagers de porter un masque à partir de l’âge de 12 ans. Ce dimanche, les Belges peuvent recevoir quatre personnes chez eux, toujours les mêmes pour pouvoir les retrouver si jamais l’un des convives était contaminé. À partir de lundi, les commerces vont rouvrir, à l’exception des métiers de contact, comme les coiffeurs. Puis le 18 mai, si les phases précédentes n’ont pas été marquées par une nouvelle vague de contaminations, de nouvelles mesures seront prises pour un retour progressif à la normale, en particulier dans l’enseignement. Enfin à partir du 8 juin peut être envisagée une réouverture progressive des restaurants.

En Hongrie, Budapest devra attendre
Depuis le 4 mai, la plupart des restrictions imposées à la mi-mars ont été levées dans tout le pays, sauf la capitale et le département de Pest qui l’entoure, en raison de la diminution du nombre de nouveaux malades quotidiens. Seuls les cafés et restaurants ont encore interdiction de recevoir les clients en intérieur. Budapest et le département de Pest doivent en revanche attendre encore un peu, car ils concentrent les deux tiers des 3 200 malades du Covid-19 détectés dans le pays (pour un peu plus de 400 décès au total).

Les masques sont devenus obligatoires dans les transports et les commerces à la même date. Toutefois, il n’est pas encore question de rouvrir les portes des écoles, qui pourraient rester closes jusqu’en septembre, même si celles-ci n’ont officiellement jamais fermées et continué à assurer un service de garderie.

Pour anticiper la reprise de l’activité, Viktor Orbán, le premier ministre, avait pris la décision très décriée en avril de débarrasser les hôpitaux de beaucoup de leurs patients réguliers, pour les préparer à parer à une éventuelle vague de malades du Covid-19. L’état d’urgence illimité dont s’est doté le gouvernement, qui a été fortement critiqué par l’Union européenne, ne s’est pas traduit par une restriction des libertés du quotidien.

Le confinement n’a été que très partiel en Hongrie, où les gens sont restés libres d’aller et venir sans devoir montrer patte blanche à la police, d’ailleurs pas plus visible qu’en temps normal. Comme ailleurs en Europe centrale, les Hongrois se sont auto-confinés et auto-restreints au début du mois de mars, sans attendre les décisions des autorités, sachant que leur État et leur système de soins ne seraient pas en mesure de faire face à un scénario « à l’italienne ». Les annonces faites par Viktor Orbán – par visioconférence depuis son bureau et en simple chemise – ne revêtent pas de caractère solennel.

La Russie prolonge le confinement
Moscou, principal foyer de l’épidémie en Russie, a prolongé le confinement jusqu’à la fin du mois de mai tout en autorisant les chantiers et les industries à reprendre leur activité.

La Russie a passé dimanche la barre symbolique des 200 000 cas confirmés de coronavirus, avec un nombre élevé de nouvelles infections quotidiennes qui devrait en faire le pays le plus touché en Europe dès la semaine prochaine. Les autorités ont rapporté 11 012 nouveaux cas de Covid-19 dimanche, portant le total confirmé à 209 688 cas dans le plus grand pays du monde, tandis que la mortalité officielle reste relativement basse avec 1 915 victimes.

Les autorités russes affirment que l’envolée du nombre des cas depuis une semaine s’explique par la multiplication des tests effectués – 5,4 millions selon le comptage de dimanche – et non par une accélération de la propagation. Cela expliquerait aussi la faible mortalité.

La Turquie opte pour des mesures ciblées et progressives
La Turquie, qui compte plus de 3 700 morts et plus de 137 000 cas, n’a pas mis en œuvre un confinement généralisé, mais a opté pour des mesures ciblées : interdiction permanente de sortie pour les moins de 20 ans et les plus de 65 ans dans les 31 départements les plus peuplés (sur 81), interdiction les week-ends seulement pour le reste de la population de ces départements.

Alors que le nombre de décès et de cas journaliers est en baisse, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé le 4 mai des mesures progressives de déconfinement. Les centres commerciaux, coiffeurs et barbiers pourront ainsi rouvrir à compter du lundi 11 mai, à condition toutefois de respecter des règles sanitaires et de distanciation sociale. Les tribunaux et les universités devraient recommencer à fonctionner le 15 juin.

La conscription devrait reprendre le 20 juin. Erdogan a par ailleurs annoncé la levée des restrictions de déplacements interurbains dans 7 des 31 départements où ils étaient en vigueur. Le ministère de l’éducation a pour sa part évoqué une possible réouverture des écoles le 1er juin.

Alors que la Turquie avait interrompu la quasi-totalité de son trafic aérien, la compagnie aérienne Turkish Airlines a prévu de rouvrir début juin ses lignes intérieures ainsi que 75 vols hebdomadaires vers 19 pays, avec une montée en puissance dans les mois suivants.

Le grand bazar d’Istanbul, qui accueille en temps normal environ 150 000 visiteurs par jour, rouvrira ses portes au public de manière « contrôlée » le 1er juin, selon sa direction. La Fédération turque de football a quant à elle annoncé la reprise du championnat le 12 juin, « très probablement sans spectateurs ». Elle se dit également prête à accueillir les demi-finales et finale de la Ligue des champions.

L’Afrique relativement épargnée
Début avril, la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA) mettait en garde contre une catastrophe sanitaire sur le continent, en anticipant les 3 millions de décès provoqués par le SARS-CoV-2. En dépit des prévisions très alarmistes des institutions internationales et de la communauté scientifique, l’Afrique subsaharienne est à ce jour relativement épargnée par la pandémie de Covid-19.

Plus de deux mois après la découverte des premiers cas, la région recense 37 200 malades, et 925 décès. En organisant rapidement la fermeture des frontières, les États ont aidé à prévenir la propagation du virus. L’Afrique sub-saharienne est aussi préservée du fait de la jeunesse de sa population : 90 % ont moins de 60 ans. Les hôpitaux n’ont pas connu un afflux ingérable de patients. Parmi les autres explications avancées : une insertion plus faible de l’Afrique dans les interconnexions et réseaux internationaux ou encore une possible incidence du climat et de la luminosité.

Les scientifiques rappellent néanmoins que la progression de l’épidémie est toujours en cours et qu’aucun signe de ralentissement n’est perceptible. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait jeudi qu’« entre 83 000 et 190 000 personnes » pourraient perdre la vie si la lutte contre le virus s’essoufflait. Elle enjoint aux États et aux populations de maintenir une extrême vigilance à l’heure des premières mesures de déconfinement. D’autant qu’il reste difficile de connaître précisément l’étendue de l’épidémie dans la région, les autorités sanitaires ayant une capacité de tests quasiment insignifiante (100 à 1 000 tests par jour selon les pays).

Les gouvernements entament avec prudence un déconfinement devenu impératif eu égard à la grande souffrance des populations victimes de centaines de milliers de licenciements. Les opinions publiques ont souvent élevé la voix contre des mesures de restriction jugées trop dures, voire dangereuses au regard de la crise sociale et économique, et ont parfois remis en cause la réalité de la gravité de l’épidémie, en comparaison avec les défis sanitaires habituels du continent comme le paludisme (380 000 morts en 2018), la tuberculose (607 000 morts en 2018), ou la malnutrition (2 à 3 millions de décès en 2018).

Burkina Faso. Avec 48 décès, le Burkina est le deuxième pays le plus touché d’Afrique de l’Ouest après le Nigeria. Après avoir rendu le port du masque obligatoire, les autorités ont levé la mise en quarantaine des villes ayant enregistré au moins un cas confirmé. Les écoles vont progressivement accueillir les élèves à partir du lundi 11 mai, cependant de nombreux établissements resteront clos en raison de la crise sécuritaire dans le nord et l’est du pays, responsable de la fuite de plus de 850 000 personnes.

Lundi est également la date choisie pour la réouverture des mosquées et des marchés. La reprise d’activité pour les cafés et restaurants a été fixée au 15 mai. En revanche, les frontières restent fermées. Au « pays des hommes intègres », la crise sanitaire s’est muée en crise politique au vu des suspicions de l’opposition concernant le tout premier décès de coronavirus en Afrique de l’Ouest, car la mort de la députée d’opposition et 2e vice-présidente de l’Assemblée Rose Marie Compaoré est jugée suspecte par la famille. Le gouvernement a démis de ses fonctions le professeur Martial Ouédraogo, chargé de l’organisation de la riposte contre la pandémie après cette controverse.

Nigeria. Le nombre de décès a fortement augmenté ces derniers jours, faisant craindre aux observateurs le début d’une crise beaucoup plus grave. Premier pays de l’Afrique subsaharienne à déclarer un cas de Covid-19 sur son territoire, le Nigeria, traumatisé par d’autres endémies et le vent de panique qu’avaient suscité plusieurs cas d’Ebola en 2014, avait décrété un confinement strict de sa population, notamment dans les deux principales villes du pays : Abuja, la capitale, et Lagos.

Le pays a connu des épisodes violents liés au confinement entre cambriolages, attaques de camions de marchandises et pillages : une pression sociale qui a forcé le gouvernement à assouplir les restrictions. Dans un pays où plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et une large portion travaille dans le secteur informel, la nécessité de remettre l’économie en marche a eu raison des inquiétudes sanitaires. Désormais, seul un couvre-feu est décrété, de 19 heures à 6 heures. Mais depuis plusieurs jours, la presse nigériane met en garde : si les recommandations ne sont pas respectées, le pays devra de nouveau se verrouiller.

À ce jour, le Nigeria Centre for Disease Control enregistre 3 912 cas, 117 décès mais aussi de nombreuses « morts suspectes » observées dans plusieurs États et en cours d’investigation.

Côte d’Ivoire. Depuis le début, la Côte d’Ivoire a fait le choix d’une réponse ferme mais adaptée localement au nombre de cas enregistrés. Jeudi soir, Alassane Ouattara s’est adressé à la nation et a annoncé un déconfinement différencié et progressif. Le couvre-feu est levé à l’intérieur du pays et les écoles vont de nouveau accueillir des élèves. Les bars, les restaurants et les boîtes de nuit sont autorisés à rouvrir.

Le « Grand-Abidjan », en revanche, foyer de l’épidémie, reste placé à l’isolement. Le couvre-feu y est maintenu mais allégé (23 heures-4 heures du matin), tandis que les restaurants et cafés pourront rouvrir à partir du 15 mai « si les indicateurs d’évolution de la pandémie continuent de s’améliorer », a précisé le chef de l’État. Alors que le gouvernement n’a jamais communiqué à ce sujet, les commerces non essentiels ont repris leurs activités dès le 30 avril, permettant une sensible reprise des échanges dans les rues de la capitale économique.

Sénégal. Le Sénégal a, lui, prorogé l’état d’urgence et le couvre-feu de 20 heures à 6 heures au moins jusqu’au 4 juin, après avoir vu son nombre de cas quintupler en moins d’un mois. À Dakar, le préfet Alioune Badara Samb a aussi conditionné l’accès aux commerces. Ainsi, les marchés ne sont ouverts que les lundi, mercredi et vendredi, les magasins non alimentaires ont le droit de lever le rideau uniquement les mardi et jeudi.

Kenya. Le Kenya joue l’équilibre. Depuis l’apparition du premier cas le 13 mars dernier, les autorités ont adopté des mesures graduelles avec la fermeture des écoles et la mise en télétravail de nombreux employés. Nairobi et les trois autres principaux foyers de contamination situés sur la côte ont été placés à l’isolement, de nombreux établissements jugés non essentiels fermés, comme les restaurants. Les autorités pourraient autoriser prochainement leur réouverture mais sous certaines conditions : les employés devront subir un test pour le Covid-19 et les clients se soumettre à une prise de température en entrant.

Ailleurs sur le continent, l’Afrique du Sud, déjà en proie à une récession avant la pandémie et malgré ses 6 800 cas, a décidé d’alléger son dispositif de confinement début mai. Le Rwanda, le Ghana amorcent, eux aussi, l’après Covid-19 en dépit de l’augmentation du nombre de malades, en allégeant leurs restrictions.

D’autres ont opté pour la rigueur sanitaire avant les considérations économiques. C’est le cas du Congo-Brazzaville ou de Maurice qui ont choisi de prolonger les mesures en dépit de l’étranglement financier que subissent États et populations.

Le gouvernement de Djibouti, petit pays de la Corne de l’Afrique qui abrite d’importantes bases militaires étrangères, a prolongé dimanche jusqu’au 17 mai le confinement pour lutter contre le coronavirus, après en avoir annoncé l’allègement progressif.

En Tunisie, le déconfinement progressif depuis le 4 mai
Avec 1 032 cas et 46 décès, la Tunisie a été pour le moment épargnée de la crise sanitaire engendrée par le Covid-19. Alors que le déconfinement partiel a commencé depuis lundi 4 mai, les autorités restent prudentes.

Le ministre de la santé Abdellatif Mekki a demandé aux Tunisiens de rester « vigilants » surtout avec les rassemblements familiaux prévus à l’occasion de la fête de l’Aïd qui clôt le mois saint du ramadan. « Nous avons une véritable chance de lever le confinement si on réussit la première phase du confinement qui s’étend jusqu’au 24 mai. Cela permettrait de passer aux deuxième et troisième phases ainsi que d’entamer la revitalisation économique », a-t-il déclaré.

Dans les rues de Tunis, certaines habitudes ont repris, les embouteillages et leurs klaxons, la réouverture progressive des souks de friperie et de fruits et légumes, ou encore la prolifération de vendeurs ambulants spécialisés désormais dans la fabrication de masques, pas toujours aux normes. Des bavettes lavables se vendent dans les pharmacies tunisiennes à 1 dinar 800 l’unité, soit 0,50 centimes d’euros. Pour beaucoup de Tunisiens, la reprise qui importe le plus est celle du travail, l’économie tunisienne étant déjà à bout de souffle. Les économistes estiment que le PIB sera marqué d’un recul de 4,5 % avec une augmentation de l’inflation à 6,2 %.

« Nous avons établi tout un protocole sanitaire dans notre société avec une reprise à 50 % de l’effectif, nous assurons le transport de nos employés avec des forfaits pour qu’ils prennent des taxis et évitent les transports publics jusqu’à nouvel ordre, tout est fait pour que le retour au travail se déroule dans les meilleures conditions », assure Wafaa Lamiri, directrice d’une PME en centre-ville.

D’autres, qui doivent encore utiliser les transports en commun, restent sceptiques sur le respect des règles, malgré la nécessité d’avoir encore une autorisation de circuler ou le port du masque obligatoire. « Je vois beaucoup de gens se ruer dans les marchés ou les tramways, je pense qu’il faut que l’on fasse attention, nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Les Tunisiens portent des masques mais ils ne respectent pas assez la distanciation sociale. Parfois, on fait la queue comme il faut, et quelqu’un vient doubler dans la file », estime un cordonnier d’un quartier populaire. Lundi 11 mai, la plupart des boutiques de prêt-à-porter ainsi que les malls sont autorisés à rouvrir. Le couvre-feu nocturne devrait également être allégé.

Au Proche-Orient, un lent retour à la normale
En Israël, précipitation, confusion et débat
Le confinement israélien fut anticipé, drastique, relativement maîtrisé. Le déconfinement est précipité, confus et débattu. Il y a trois semaines encore, la population devait rester chez elle, en télétravail, sauf rares exceptions. Aujourd’hui, les plages de Tel-Aviv ont retrouvé leurs adeptes des raquettes, et Jérusalem, la foule bruyante et compacte du marché Mahane Yehuda. Les écoles, la majorité des commerces et entreprises fonctionnent. Exception faite des restaurants et des bars qui devraient rouvrir à la fin du mois, le pays est donc en état de marche.

Il faut dire qu’avec moins de 250 décès et deux tiers des 16 000 personnes testées positives désormais guéries, le bilan d’Israël est plutôt bon, voire excellent selon le premier ministre Benjamin Netanyahou – « Bibi » pour ses partisans – qui s’est récemment félicité du « grand succès » que fut sa bataille contre le Covid-19. Cette crise lui a été profitable. Le pays s’est confiné au bord d’une quatrième élection, il en ressort avec un gouvernement normalement investi dans la semaine. Et la Cour suprême vient de décider que son inculpation ne l’empêchait pas de garder son poste.

Autre « acquis » du coronavirus, l’utilisation du traçage au nom des injonctions sanitaires a donné un coup de fouet aux start-up israéliennes spécialisées dans la surveillance numérique. Mais avec un chômage passé de 3,4 à 27 %, le reste de l’économie est durement touché.

Dans les Territoires occupés, le bilan est plus contrasté. En Cisjordanie, le nombre de nouveaux malades progresse encore et l’état d’urgence vient d’être rallongé d’un mois. Quant à Gaza sous blocus, qui compte seulement 20 cas dont 12 guérisons, les restaurants et les cafés ont d’ores et déjà rouvert leurs portes.

L’Iran poursuit son déconfinement
En Iran, comme nous l’avait raconté Jean-Pierre Perrin le 25 avril, le régime a appelé à reprendre le travail en raison de la chute sans fin de son économie. Dans les zones blanches, celles avec peu de risques, les mosquées ont rouvert, mais pas à Téhéran, la capitale, qui est une zone rouge. Le port du masque est obligatoire dans les transports publics.

En Asie, la crainte du retour

En Asie, Hong Kong a commencé à assouplir les restrictions en autorisant notamment les bars, salles de sport, salons de beauté et cinémas à rouvrir. En Chine, une directive a autorisé la réouverture sous conditions de tous les lieux publics. Samedi, c’est le Pakistan, cinquième pays le plus peuplé du monde, qui a commencé à alléger ses restrictions, en rouvrant les marchés et petits commerces.

La Chine annonce un nouveau cas à Wuhan
La Chine, d’où est parti le nouveau coronavirus, surveille avec attention toute possibilité de deuxième vague. À Wuhan, qui a été l’épicentre de l’épidémie et a été placé en quarantaine pendant deux mois jusqu’au 8 avril, l’activité a repris progressivement. Mais un nouveau cas découvert a conduit les autorités à relever le niveau de risque épidémiologique, dans un quartier de cette métropole de quelque 11 millions d’habitants, de « faible » à « moyen ».

Les lycéens de terminale ont pu effectuer leur rentrée mercredi – tous avec un masque sur le visage et en respectant de strictes mesures sanitaires – après quatre mois de vacances forcées pour cause de virus. Hormis le cas de Wuhan, la Chine a fait état dimanche de 13 nouveaux cas de Covid-19 sur son territoire. C’est la première fois depuis le 1er mai que le pays annonce une augmentation à deux chiffres du nombre de contaminations sur une journée.

L’immense majorité des nouveaux cas sont situés dans le nord-est du pays, où la ville de Shulan a par ailleurs été placée en quarantaine.

Samedi, la Chine a admis que la pandémie avait révélé des « lacunes » dans son système de santé et de prévention des maladies infectieuses. Ces propos interviennent sur fond de critiques du président américain Donald Trump.

En Corée du Sud, le « shopping de la vengeance »
Depuis mercredi les mesures de protection sont assouplies. Les rassemblements sont de nouveaux autorisés, les écoles vont rouvrir la semaine qui vient – d’abord les lycées –, les musées aussi.

Ce retour graduel à la normale s’observe dans les rues, les parcs, les restaurants, où on voit de plus en plus de monde. Seule différence avec le monde d’avant : presque tout le monde continue de porter un masque.

Les magasins n’avaient jamais fermé – il n’y a jamais eu de confinement en Corée, qui compte plus de 10 000 cas et plus de 250 morts – mais beaucoup de Coréens préféraient les achats en ligne… Et aujourd’hui, certains rattrapent le temps perdu par une frénésie de consommation – les Coréens parlent de « bobok sobi », le « shopping de la vengeance ».

Le sport professionnel aussi a repris, dans des stades vides. Mardi, les premiers matchs du championnat de baseball ont eu lieu : les tribunes étaient complètement désertes, mais les rencontres ont été très suivies à la télévision et en ligne – et retransmises aux États-Unis, sevrés de baseball, une première. Vendredi, c’est le foot qui a repris, toujours dans des stades vides.

Mais la prudence reste toujours de mise. La réouverture des écoles se fera par étapes, il y aura toujours des cours en ligne, et le port du masque sera obligatoire, en classe comme dans la cour de récréation. Dans les cantines, des panneaux de Plexiglas ont été installés sur les tables, pour éviter les postillons.

Signe que même pour la Corée du Sud, c’est très difficile : cette semaine un nouveau foyer d’infection a éclaté en plein cœur de Séoul, après qu’une personne contaminée – homme de 29 ans, asymptomatique – s’est rendue dans plusieurs clubs du quartier fêtard d’Itaewon. Alors que le pays comptait zéro contamination locale depuis plusieurs jours, déjà 54 nouveaux cas de Covid liés à ce nouveau foyer sont apparus, selon les autorités, ce dimanche. La mairie a annoncé la fermeture des bars et de clubs de la capitale jusqu’à nouvel ordre.

Selon les autorités, jusqu’à 1 500 personnes ont pu entrer en contact avec ce nouveau patient. Mais seulement quelques centaines sont déjà allées se faire tester, ce qui est problématique. Plusieurs de ces clubs sont fréquentés par la communauté gay et une partie de la presse locale n’a pas hésité à faire ses gros titres sur le sujet, stigmatisant ainsi lourdement la minorité LGBT. Les gays sont déjà victimes de fortes discriminations. Conséquence : beaucoup de clients des clubs d’Itaewon n’osent pas se faire tester, de peur de révéler leur orientation sexuelle. Les autorités ont tout à fait compris le danger : elles ont annoncé que tous ceux qui se sont rendus à Itaewon pourront se faire tester librement, sans devoir préciser quels clubs ils ont visités, même sans symptômes.

On va voir dans les prochains jours si la stratégie coréenne de traçage et de tests massifs, qui a fait ses preuves jusqu’à présent, fonctionne. Mais tout le pays est très tendu.

Manifestation contre le confinement en Inde
Des heurts ont opposé vendredi les forces de sécurité indiennes à une foule en colère contre le confinement dans la ville d’Ahmedabad (ouest), dans l’État de Gujarat, sur fond de propagation de plus en plus rapide du nouveau coronavirus en Inde. Sept cents paramilitaires patrouillaient pour s’assurer que la population restait bien chez elle et que les commerces demeuraient fermés. Cet État, dont est originaire le premier ministre indien Narendra Modi, est en effet actuellement l’un des principaux foyers de la pandémie.

Les mesures de confinement entrées en vigueur le 25 mars dans ce pays de 1,3 milliard d’habitants (plus de 65 000 cas et plus de 2 000 morts) ont été renforcées dans plusieurs des grandes villes du Gujarat, alors qu’elles ont commencé à être assouplies dans beaucoup d’autres régions indiennes. Les experts s’inquiètent de l’accélération de la pandémie en Inde, mise à l’arrêt par le confinement imposé à l’échelle nationale, avec des conséquences humaines et économiques dramatiques.

Au Brésil, pas de mesures coercitives
Les États américains les plus touchés lâchent du lest

Aux États-Unis, le Covid-19 est arrivé dans le cercle rapproché de Donald Trump. Un de ses valets militaires, chargé notamment de lui apporter ses repas, a été testé « positif » au virus. Dans le même temps, plusieurs médias américains rapportaient que Katie Miller, porte-parole du vice-président Mike Pence et épouse de l’un des conseillers du président, était infectée aussi.

Malgré tout, Donald Trump poursuit sa vie publique quasiment comme si de rien n’était. Son but : rassurer la population et pousser à une relance rapide de l’économie, et ce malgré un rapport gouvernemental que s’est procuré le New York Times qui prédit jusqu’à 200 000 cas de Covid-19 par jour d’ici juin (contre 25 000 aujourd’hui) en raison du déconfinement. En déplacement dans une usine dans l’Arizona, mardi 5 mai, le président a refusé un masque qu’on lui tendait. Il ne s’est pas non plus couvert en présence de vétérans nonagénaires de la Seconde Guerre mondiale reçus vendredi à Washington.

Il faudra plus qu’un masque pour rassurer le pays. Vendredi, le Bureau de l’emploi américain a indiqué que le taux de chômage s’était envolé à 14,7 %, du jamais vu depuis la crise de 1929. En avril, plus de 20 millions de personnes ont perdu leur travail, effaçant d’un coup une décennie de création d’emplois. Alors que les manifestations anti-confinement se poursuivent, les États les plus touchés commencent à lâcher du lest. New York doit initier ses premières levées de restrictions le 15 mai. Dans tout le pays, certains commerçants dans les services (magasins, restaurants…) se demandent comment rouvrir en toute sécurité, voire si reprendre l’activité vaut le coup, compte tenu des limitations du nombre de clients qu’ils peuvent accueillir. Selon un sondage national paru début mai, seules 38 % des PME (petites et moyennes entreprises) s’attendent à une augmentation de leurs revenus.

Au Brésil, les limites du confinement
Le Brésil déplore plus de 10 000 morts dues au coronavirus, devenant le sixième pays où la pandémie a jusqu’ici tué le plus, selon les données communiquées samedi par le ministère de la santé. Les autorités ont enregistré 10 627 décès et 155 939 cas confirmés de contamination au Covid-19, des chiffres qui toutefois, selon la communauté scientifique, pourraient être 15, voire 20 fois plus élevés en réalité. Car le Brésil pratique très peu de tests. Au rythme élevé où progresse le Covid-19, le pays de 210 millions d’habitants, le plus touché d’Amérique latine, pourrait être en juin le nouvel épicentre de la pandémie.

L’État le plus touché est celui de São Paulo, dont le gouverneur, João Doria, a annoncé à ses près de 46 millions d’habitants la prolongation du confinement jusqu’à la fin du mois. « J’aimerais donner des nouvelles différentes, a déclaré João Doria au cours d’une conférence de presse, mais nous sommes au pire moment de cette pandémie » et « la situation est affligeante ». Cet État, locomotive économique du Brésil, enregistre à lui seul près d’un tiers des décès dus au Covid-19 dans le pays, avec 3 416 morts, et près de 41 830 cas de contamination.

Deuxième grand foyer du pays, l’État de Rio de Janeiro a vu sa courbe s’affoler ces derniers jours à un point tel que des mesures de confinement total se profilent, notamment à Rio, dans les quartiers de Copacabana et Ipanema.

Mais proportionnellement à leur population, les États d’Amazonas (nord) et du Ceará (nord-est) vivent des situations encore plus catastrophiques. Ainsi l’Amazonas, qui abrite de nombreuses tribus indigènes très vulnérables au virus, a enregistré 211 morts par million d’habitants, soit près de trois fois plus que les 74 morts de l’État de São Paulo.

La décision de confinement appartient aux gouverneurs et aux maires du Brésil, a récemment tranché la Cour suprême, au grand dam du président Jair Bolsonaro. Mais, appliqué dans de nombreux États, le confinement a atteint les limites de son efficacité, les populations se remettant à sortir en raison de l’absence de mesures coercitives. Le président Bolsonaro est totalement opposé au confinement et n’a cessé de critiquer les gouverneurs, arguant que le remède était pire que le mal et que l’économie brésilienne devait être prioritaire.

En Argentine, une décision des autorités locales
Le confinement est aussi prolongé à Buenos Aires et dans sa périphérie jusqu’au 24 mai, tandis que le reste de l’Argentine pourra se déconfiner en fonction des décisions des autorités locales.