Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Vaccination Covid-19 : méga-opération de com’ au mégacentre du Stade de France

Avril 2021, par Info santé sécu social

6 AVRIL 2021 PAR ROZENN LE SAINT

« Qu’aurait-on dit si le Stade de France s’était fait de l’argent sur le dos de la vaccination ? »

Médecins et pharmaciens appellent d’ailleurs le gouvernement à les autoriser à injecter aussi les piqûres produites par Pfizer-BioNTech et Moderna, aux conditions de conservation plus contraignantes que le vaccin d’AstraZeneca. Pour l’heure, ce n’est pas à l’ordre du jour du côté du ministère de la santé. Quitte à ce que s’installe un inégal accès aux différents vaccins entre les urbains capables de se déplacer dans des vaccinodromes et les populations les plus éloignées des villes.

Le gouvernement n’emploie pas le terme de vaccinodrome, qui rappelle l’échec de la campagne pour lutter contre la grippe H1N1 : à peine 8 % de la population française avait été vaccinée. Pour définir ces centres de grande capacité amenés à pratiquer plus de 1 000 injections par jour, il lui préfère le vocable de mégacentre, pour une méga-opération de communication.

C’est pourtant en se fondant sur « l’expérience de la grippe H1N1 en 2009, ou encore des centres de traitements contre Ebola en Guinée par exemple, ainsi que sur celle des équipes de la Croix-Rouge dans les pays qui ont mis en place ces grands centres de vaccination contre le Covid-19 avant la France, tels que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et l’Autriche », que l’association d’aide humanitaire a déployé un dispositif pour le Stade de France en 15 jours, selon Florent Vallée, son directeur adjoint des opérations.

« Dès début janvier, nous avons réalisé plusieurs propositions sur des petits et grands dispositifs mais les vaccinodromes ne faisaient pas partie de la stratégie visée par le gouvernement », relate Florent Vallée.

Face au vent de critiques sur la lenteur de la campagne de vaccination et en pleins déboires avec le vaccin AstraZeneca, changement de cap le 22 mars, avec l’annonce de l’ouverture de grands centres de vaccination contre le Covid-19 à partir du mois d’avril : le ministère de la santé en compte une quarantaine en France ouverts ou sur le point de l’être à ce jour. Le 31 mars, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a aussi pointé la lenteur de la vaccination en Europe.
Dès fin décembre 2020, le Consortium, filiale de Bouygues et Vinci alliés pour construire le Stade de France et le gérer, avait aussi proposé d’ouvrir les portes du stade. L’État, propriétaire de l’enceinte sportive et surtout décisionnaire des politiques de santé publique, n’avait pas saisi la perche. Avant l’été 2020, le Consortium avait déjà essuyé un refus quand il avait proposé ses services pour devenir un centre de détection Covid-19 de masse, bien avant les files d’attente devant les laboratoires d’analyse de la rentrée.

En un an, entre l’arrêt total des compétitions et les matchs à huis clos, les affaires vont mal pour le Stade de France. « La perte monte à un nombre à deux chiffres », consent simplement à indiquer Loïc Duroselle, directeur de la programmation du Stade de France, le 31 mars. Ce jour-là, la préfecture de Seine-Saint-Denis a déjà accueilli une cinquantaine de journalistes pour leur faire visiter les coulisses du centre de vaccination, histoire d’assurer une couverture médiatique avant l’ouverture de ses portes.

« C’est une action à titre gratuit, nous ne louons pas les salles et nous mettons à disposition une quinzaine d’agents gratuitement », met en avant le directeur de la programmation du Stade de France.

Qu’est-ce que les géants de la construction ont à gagner à cette opération, sinon un bon coup de communication ? « La vaccination peut être un moyen de revenir plus rapidement à un niveau normal et de réenclencher une reprise économique du stade, confie Loïc Duroselle. Alors, c’est parti pour six mois, avec possibilité de prolongation. »

« Qu’aurait-on dit si le Stade de France s’était fait de l’argent sur le dos de la vaccination ? Est-ce que ça rayonnera positivement sur l’image du stade ? Oui et tant mieux ! », considère aussi Mathieu Hanotin, le maire de Saint-Denis. Les amateurs de sport seront déçus : l’injection ne se fait pas avec vue sur gazon. Seules quelques photos géantes du stade et de rugbymen rappellent que l’on est bien dans l’enceinte mythique du Stade de France.