Le droit à la santé et à la vie

Médiapart, le blog d’Albert Herszkowicz - Droit à la santé : entre mobilisations et conflits d’interêts

Avril 2017, par Info santé sécu social

Par albert herszkowicz

La mobilisation répétée des personnels de santé est à saluer. Elle montre la profondeur de la crise dans ce secteur et appelle une réorientation globale.

La rentabilisation à outrance entraîne une déshumanisation des soins, subie par les salariés et par les patients.

Les témoignages en la matière sont légion et nous touchent toutes et tous, directement ou à travers nos proches. Les suicides et "burn-out" qui frappent les personnels ne représentent que la partie visible d’une situation explosive.

Or la tentative de Fillon visant à remettre en cause la Sécurité Sociale a montré à quel point l’accès à la santé est, à juste titre, considéré comme un "bien commun", à préserver et à à améliorer largement.

Du côté de Macron, le scandale Mourad (ci-dessous) montre comment le lobbying des profiteurs de la santé tend à imposer sa logique, contraire aux besoins réels. Dans le domaine précis dont il est question et qui concerne l’hypertension artérielle, il est manipulé par la firme Servier et tant d’autres. L’ escalade des traitements (et des profits) s’est substituée aux acquis scientifiques rigoureux, dégagés des conflits d’intérêts qui envahissent la santé. C’est ce qu’illustrent au quotidien les lanceurs d’alerte, tels le Dr Irène Frachon, la revue Prescrire, le Fomindep et d’autres. Le mouvement de défense de l’hôpital public 3joue également un rôle positif ainsi qu’évidemment les organisations syndicales.

En réalité c’est l’ensemble des finalités et de la gestion du domaine de la santé qui sont à revoir. La garantie de l’accès aux soins, la démocratie sanitaire, le rejet des logiques lucratives, la prise en compte réelle des besoins et de la parole des personnels de santé et des patients, l’indépendance scientifique, représentent quelques-unes des pistes qu’il est urgent d’explorer.

Le conseiller santé d’Emmanuel Macron est (était) le Pr Jean-Jacques Mourad. C’est un proche de la firme pharmaceutique Servier laquelle a fabriqué, vendu, et maintenu en vente le " médicament coupe-faim" Mediator, tout en le sachant toxique et mortel . Servier, par exemple, co-finance les congrès sur l’hypertension artérielle, dont le Pr Mourad est spécialiste et organisateur, membre du conseil d’administration de la structure organisatrice.

Macron, lui, a déclaré que les labos français avaient été "trop malmenés ces derniers temps". Ce propos vise directement le Dr Irène Frachon, pneumologue de Brest qui a révélé le scandale du Mediator. Son combat est retracé dans le film "La fille de Brest". L’orientation "libérale" ( en clair pro-business) de Macron se trouve confirmée dans le domaine particulièrement sensible de la santé publique.

Suite aux révélations JJ Mourad a été contraint de démissionner (voir ci-dessous). Son cas représente un exemple caractéristique des méthodes de l’industrie pharmaceutique et de l’acceptation par des responsables politiques de ce lobbying envahissant.

Conseiller de l’équipe santé du candidat d’En marche !, le cardiologue Jean-Jacques Mourad a réalisé ces dernières années plus de soixante interventions (conférences, conseils…) rémunérées par le laboratoire Servier . Il a annoncé, mardi 7 mars, dans un communiqué qu’il mettait « un terme » à son engagement auprès d’Emmanuel Macron et ses équipes après la mise à jour de ses importants liens d’intérêts avec le laboratoire Servier.

Entre le 1er janvier 2013 et fin juin 2016, on recense sur la base officielle plus de 66 interventions de M. Mourad payées par le groupe pharmaceutique, soit une à deux par mois et plus de 80 000 euros de frais de restaurant et de transport. « Je reconnais ne pas avoir fait état de mes liens avec le laboratoire Servier, ni au moment d’intégrer ce groupe ni au cours de nos travaux », écrit dans un communiqué Jean-Jacques Mourad, par ailleurs frère de Bernard Mourad, l’un des plus proches conseillers du candidat d’En marche !.

La fréquence des conventions et les montants déclarés de JJ Mourad sont jugés « hors norme » par Irène Frachon, la pneumologue qui a mis au jour le scandale du Mediator. « C’est du jamais vu ! Je suis sidérée par le niveau d’avantages, de cadeaux et de conventions menées quasi exclusivement avec Servier, dit-elle. Ce serait bien que les candidats à la présidentielle sachent que la transparence est en marche », prévient-elle.

« Qui parle (lorsque le Pr Mourad s’esprime) ? Le porte-parole de Macron ou le speaker de Servier ? » avait demandé, le 4 Mars , sur Twitter le Formindep, association de médecins agissant pour une information médicale indépendante, après la participation de JJ Mourad aux "Rencontres de l’officine (pharmaceutique)", le 4 mars, à Paris, où il représentait le candidat Macron.

Le Formindep renvoyait alors vers les liens déclarés sur la base gouvernementale officielle "Transparence Santé". Le lobbying a bien fonctionné puisque c’est le programme même d’Emmanuel Macron en matière de médicaments qui inquiète Anne Chailleu, la présidente du Formindep. « Dans son discours de Nevers, on retrouve tous les éléments de langage du lobby de l’industrie pharmaceutique, la similitude est vraiment frappante, dit-elle. M. Macron reprend à son compte notamment les justifications apportées par l’industrie pour ses prix devenus très élevés, et son plaidoyer pour un allégement de la procédure d’autorisation de mise sur le marché. »

Le combat pour la transparence et l’indépendance de l’information doit se poursuivre, en refusant le lobbying et les conflits d’interêts.

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