Complementaires santé

Miroir social - Généralisation de la complémentaire de santé : l’histoire n’est pas terminée

Janvier 2017, par Info santé sécu social

Un an après la généralisation de la complémentaire de santé en entreprise, les cartes du secteur n’ont pas été totalement rebattues et des évolutions sont toujours à prévoir. Suspendus aux accords de ébauchent un premier bilan en demi-teinte de cette réforme.

Sabine Dreyfus de l’Agence fédérale d’information mutualiste (AFIM) fait le point cette semaine sur ce dossier important et sur lequel un peu de recul sera nécessaire au regard des évolutions successives et à venir. branche à venir et aux décisions des entreprises, les opérateurs

« Tirer aujourd’hui un bilan de la généralisation de la complémentaire de santé en entreprise est très largement prématuré. D’abord car les chiffres dont nous disposons sont ceux de 2015 qui reflètent l’activité de 2014 ». Pour Jacques Nozach, conseiller chez Actuaris, « il est donc urgent d’attendre avant de tirer des conclusions hâtives ».

Un an après la mise en œuvre de l’accord national interprofessionnel (ANI), quelques constats s’imposent néanmoins pour les observateurs du marché. D’abord, 2015 (année de la préparation de la généralisation) n’a pas bouleversé le positionnement des trois familles d’organismes complémentaires.

Ainsi, selon les chiffres du fonds de financement de la couverture maladie universelle (CMU), les mutuelles ont stabilisé leur part de marché à 53 % (18 milliards d’euros de chiffre d’affaires). De même que les institutions de prévoyance (IP), qui se maintiennent à 18 % (6 milliards d’euros). Les assureurs, pour leur part, couvrent 29 % du marché (10 milliards d’euros).

Deuxième observation : 60 accords de branche avec désignation sont toujours en cours et une soixantaine d’accords avec recommandation ont été signés, pour la plupart vers la fin de l’année 2015. Ces 120 accords de branche représentent un potentiel de 7,2 millions de salariés. « Ce qui signifie que, pour ces 7 millions de salariés, ce ne sont pas les opérateurs qui tiennent la plume de l’évolution des contrats mais les partenaires sociaux ! Avis à ceux qui pensaient commercialiser des tarifs cassés sur le panier de soins de l’ANI et se refaire une santé technique et financière avec des produits optionnels », prévenait Jacques Nozach, en novembre 2016, lors des rencontres « MutRé », à Nantes.

Enfin, souligne Stéphane Junique (président d’Harmonie mutuelle), avec la généralisation de la complémentaire de santé, la couverture globale des Français aurait progressé d’un point.

Secteur complexe

Globalement, les opérateurs tirent un premier bilan mitigé de la généralisation de la complémentaire de santé. « L’ANI a été victime des complexités de notre secteur, à un moment de profonde transformation des dispositifs complémentaires, comme la réforme des contrats responsables », analyse Stéphane Junique.

La mutuelle qu’il préside a néanmoins conforté ses positions : 55 000 entreprises lui ont confié leur couverture de santé, soit 11 000 de plus qu’avant l’ANI. « Un tiers des adhérents bénéficie de contrats socles et 20 % d’un niveau un peu plus couvrant. Au final, la moitié des adhérents est sur les garanties les plus basses et deux tiers d’entre eux ont souscrit des renforts individuels », détaille Catherine Touvrey (directrice générale d’Harmonie mutuelle).

Même satisfaction du côté de l’institution de prévoyance Klesia. « En tant qu’IP, nous avons un atout important : nous maîtrisons très bien la sphère collective. Nous travaillons historiquement avec des branches, avec une expertise importante et une bonne connaissance du client, que nous couvrons à la fois en prévoyance et en santé », fait valoir Marie-Hélène Séguy (directrice du développement).

Mais en dépit des efforts des organismes complémentaires pour diversifier les canaux de distribution, 20 % des entreprises ne sont toujours pas entrées dans le dispositif de généralisation. « L’objectif de couverture n’est donc pas atteint. Dans les structures de petite taille notamment, l’appropriation de cette réforme nécessite plus de temps », déplore Stéphane Junique.

« De nombreuses TPE n’ont pas souscrit de contrat parce que c’est une démarche trop coûteuse ou que les chefs d’entreprise ont peu de temps à consacrer à cette question et beaucoup de mal à comprendre une réforme aussi complexe. Sans compter que, dans les PME qui ont équipé leurs salariés, beaucoup de collaborateurs ont fait jouer leurs dispenses d’affiliation », ajoute Marie-Hélène Séguy.

« Pas de tsunami »

D’une manière générale, constate Christian Marey (directeur général de Mutex), « le tsunami annoncé, avec un transfert de 3 milliards d’euros du marché de l’individuel vers le collectif, n’a pas eu lieu. Ce qui ne veut pas dire que cela n’arrivera pas. Pour l’heure, l’évolution constatée est de – 4 % sur l’individuel et + 7 % sur le collectif ».

Dans ce contexte, Mutex, qui représente Adréa, Apréva, Chorum, Eovi MCD, Harmonie mutuelle, Mutex Union et Ociane, a mis en place une logistique commune avec des outils pour répondre aux appels d’offres, déployer les offres recommandées ou labellisées, regrouper le risque et en assurer le pilotage.

En la matière, les organismes complémentaires évoluent sur une ligne de crête : « Si l’équilibre technique est plus ou moins assuré dans les appels d’offres, l’équilibre de la gestion, lui, n’est pas garanti. Le coût de distribution, notamment auprès des PME/TPE est très élevé et n’est pas toujours compensé par la façon dont les régimes sont tarifés », avertit Christian Marey, qui résume : « Comme le tsunami n’a pas eu lieu, l’évolution est plus douce que prévue. Le modèle économique n’est pas aussi déséquilibré que ce que l’on pouvait craindre mais il n’est pas stable ».

Le début de l’année 2016 semble avoir marqué une pause en ce qui concerne les accords de branche. Mais 2017 pourrait changer la donne. « Quelque 250 branches actives en prévoyance sont susceptibles de se lancer sur des appels à concurrence avec recommandation en santé. Je suis très attentif à ces évolutions car, si les accords de branche devaient se multiplier, toutes les entreprises qui ont pris des décisions unilatérales devront les arrêter et mettre en place une complémentaire de manière obligatoire pour les salariés. Une certitude : nous n’avons pas encore la photographie de l’effet loi de généralisation. Beaucoup de choses sont liées à ce que vont faire les partenaires sociaux dans les années qui viennent… », pronositque Jacques Nozach.

Le poids des dispenses d’affiliation

La loi sur la sécurisation de l’emploi, qui met en œuvre l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, prévoit un certain nombre de cas de dispenses d’affiliation à la complémentaire de santé d’entreprise, définis dans un décret du 30 décembre 2015

Ces exemptions ne sont pas sans conséquence sur les évolutions du secteur. Certains salariés, couverts par le contrat collectif de leur conjoint, peuvent faire jouer leur dispense.

« Dans les petites entreprises, la mise en œuvre de la couverture de santé se fait souvent par décision unilatérale de l’employeur (DUE) : dans ce cas, les dispenses peuvent être utilisées avec plus d’ampleur », souligne Stéphane Junique.

« À ce stade, on estime qu’au moins un salarié sur trois a fait jouer une dispense : des dispenses d’un an ou plus ? L’avenir nous le dira… », évalue Corinne Pristov-Coron (directrice du développement d’Adréa, groupe Aesio).

L’individuel crée la surprise

« S’il y a une surprise sur l’année qui vient de s’écouler depuis la mise en œuvre de l’ANI, c’est la stabilité du marché de l’individuel », poursuit Corinne Pristov-Coron.

Ce constat rejoint celui d’Harmonie mutuelle : « Le transfert massif de l’individuel vers le collectif n’a pas eu lieu », assure Stéphane Junique, qui détaille : « Depuis la réforme, 31 000 personnes en contrat individuel chez Harmonie sont passées sur un contrat collectif et 41 000 adhérents en collectif sont passées sur un contrat individuel ».

Preuve, s’il en est, pour Corinne Pristov-Coron, que « l’ANI temps 1 est passé mais l’histoire n’est pas terminée ».