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NPA : La santé communautaire plutôt que la technologie numérique du pouvoir et des Gafam

Avril 2020, par infosecusanté

NPA : La santé communautaire plutôt que la technologie numérique du pouvoir et des Gafam

PAR Frank Cantaloup

Le 28/04/2020

La fin du confinement ne doit pas être synonyme d’une deuxième vague de Covid-19. Pour cela, tests et masques doivent être fournis en masse et gratuitement. L’État et sa politique d’austérité nous en ont privés cruellement. Il n’est pas sûr que les tests seront en nombre suffisant le 11 mai. Une partie de l’épidémie est silencieuse, alors tester tous les porteurs de Covid-19 et tracer leurs contacts est la condition d’un déconfinement sans nouvelle flambée épidémique.

Pour l’État et les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), le traçage numérique est la solution du 21e siècle. Une solution mauvaise pour nos libertés, mais surtout inefficace comme le montre l’échec du traçage numérique à Singapour. Sans parler des enjeux financiers et de pouvoir qui se cachent derrière nos données personnelles de santé. Un Big brother sanitaire, qui préfigure un Big brother sociétal. Une solution qui, de plus, ne marchera pas. En France, 16 millions de personnes ne possèdent pas le smartphone nécessaire pour télécharger ce type d’application. Sans parler de celles et ceux qui n’en ont pas les capacités, souvent les personnes les plus fragiles face au Covid (personnes âgées, précaires…), qui sont les plus importantes à tester, comme le montre le redémarrage de l’épidémie à Singapour, parmi les travailleurEs précaires du bâtiment, cloitrés en dortoirs. La technologie Bluetooth amène aussi beaucoup de faux positifs. Proches, mais séparés par un mur léger ou une vitre ! Proches, mais masqués ! À Singapour la connectée, seule 10 % de la population a téléchargé l’application, alors que selon l’étude d’Oxford University, il en faudrait 60 % pour que l’outil soit efficace.

Contre les solutions verticales

À la place du numérique, nous réaffirmons l’humain. À la place de la technique, nous réaffirmons la nécessité d’une prise en charge globale des patientEs Covid-19. À la place d’une santé centrée sur le soin et l’hôpital, la nécessité d’une politique de santé communautaire, dans les quartiers, les entreprises, les prisons, tous les lieux de vie, en clair un service public de santé de proximité, qui doit s’appuyer sur tous ceux et toutes celles qui sont déjà sur le terrain, mais qui, en cette période d’épidémie, doit s’appuyer aussi sur des équipes de travailleurEs de santé communautaires chargés de contacter les patientEs, de les informer, de retrouver leurs contacts. L’expérience des travailleurEs de santé communautaire au Liberia en période d’Ebola ou à Haïti face au choléra après le séisme de 2009, nous montre que cela est possible, bénéfique et efficace pour la santé, et jouit d’un fort soutien communautaire, ce qui manque cruellement à toutes les solutions verticales du marché ou de l’État.

25 000 embauches pour la prévention, la détection, le soutien

Pour les besoins de l’hôpital, nous exigeons 120 000 embauches. Pourquoi ne pas y ajouter l’exigence de la formation et de l’embauche de 25 000 travailleurEs de santé communautaire, dans le cadre d’un service public de santé de proximité, pour organiser la solidarité et le dépistage face au Covid-19 ? L’université John-Hopkins estime les besoins à trois à cinq personnes pour 10 000 habitantEs. Leur rôle ?
– La prévention : importance et accessibilité des gestes barrières (fourniture de gel et de masques gratuits, points de lavage des mains), distribution de médicaments pour les plus malades, âgés ou livraison de nourriture pour les plus pauvres, les plus précaires (sans logis, immigrés en situation de précarité).
– La détection des signes de Covid-19 et le traçage des contacts pour mieux orienter vers les équipes médicales de test, le suivi épidémiologique dans le strict respect du secret médical et ­l’anonymisation des données.
– Le soutien : conseils, surveillance, moyens aux patientEs atteints de symptômes légers de Covid-19, confinés à domicile ou confinés volontairement dans des hôtels réquisitionnés pour l’occasion.
Un travail en lien étroit avec tous les personnels de santé et du social (infirmiers, aide à domicile, médecins, psy, travailleurEs sociaux, associations…), mais aussi en lien avec les municipalités et les autorités sanitaires, tout en gardant leur autonomie vis-à-vis d’elles, pour faire ­émerger les problèmes.

L’urgence… et l’avenir

Cela suppose une formation rapide de qualité, la fourniture de matériel de protection, la garantie d’un suivi médical et psychologique, l’ouverture d’un registre national des cas de Covid-19 des soignantEs communautaires, mais aussi la garantie de statut et de revenu, le droit d’organisation (délégués, CHSCT virtuels). Ce dispositif ne peut se baser sur la précarité et l’abnégation ! En période de chômage, cela permettrait des milliers d’embauches en fonction des besoins, de jeunes qui n’ont pas de fragilité face au Covid, qui ont une bonne connaissance des communautés, puisqu’ils en feraient partie ou feraient partie de ses soutiens (langue, quartier, connaissance des modes de vie et d’interprétation, des lieux de pouvoir et d’oppression…). Le jour d’après, ils et elles pourraient s’intégrer à une santé communautaire à bâtir, basée sur la prévention des autres épidémies que sont le diabète, la malbouffe… ou retrouver leur ancien emploi.

Ces propositions comportent peut-être des erreurs, mais elles tracent un autre chemin, qui doit être débattu par les syndicats, les associations, les citoyenEs. Comme autant de projets à mettre en place, dès maintenant, à l’échelle d’un quartier, d’une municipalité, d’une association, comme autant d’exigences que nous devons porter face au pouvoir.