Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

NPA : Le meurtre raciste de Mamoudou Barry, un drame qui nous interroge

Juillet 2019, par infosecusanté

Le meurtre raciste de Mamoudou Barry, un drame qui nous interroge

Mamoudou Barry, un jeune homme brillant, pacifique, enseignant-chercheur à l’Université de Rouen a été assassiné à Canteleu. D’origine guinéenne, il a d’abord subi des insultes racistes avant d’être violemment agressé et de tomber à terre, en présence de sa femme terrifiée.

Le suspect du meurtre a été rapidement arrêté. Au bout de quelques heures, après examen médical, sa garde à vue a été levée, et il a été hospitalisé à l’hôpital psychiatrique de Saint Etienne du Rouvray. Les antécédents psychiatriques, la curatelle renforcée, comme la levée médicale rapide de la garde à vue, un fait assez rare dans une affaire de meurtre, tout cela semble aller dans le sens d’une maladie psychiatrique pour le jeune français d’origine turque qui a été arrêté.
Solidarité avec la famille, rejet du racisme… Cette tragédie doit nous interroger !

Ne pas se laisser diviser
D’abord, sans aucun début de preuve, l’extrême droite et certains élus des Républicains (Pécresse, Ciotti…) se sont déchainés sur les réseaux sociaux contre les supporters algériens, rendus responsables de ce meurtre, après la Coupe d’Afrique des nations. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. Et heureusement à Canteleu, on ne voit aucune dynamique d’affrontement entre les communautés, toutes victimes du racisme, et qui ne doivent pas se diviser. Nous espérons que cela va continuer.
Ensuite, pour la famille, les amis, toutes celles et tous ceux qui sont révulsés par le racisme qui tue encore aujourd’hui, il est difficile parfois d’admettre qu’un tel acte soit un acte de folie. Mais la maladie mentale n’empêche pas le caractère raciste d’un acte. Un acte fou, peut-être, mais un acte qui porte malheureusement la marque du racisme, dans une société où le racisme se développe, devient parfois une politique d’État, sert à se faire élire, où les gouvernements européens laissent mourir en Méditerranée des dizaines de milliers de personnes.

Selon la loi, si le meurtrier est privé de discernement au moment des faits, il devient pénalement irresponsable. Une grande frustration pour la famille et tous les anti-racistes. Et la société qui considère que le suspect sera toujours incapable de reconnaître la gravité de ses actes, et qui décide de le sortir de la communauté humaine qui a soif de justice. C’est pourquoi, sans revenir sur l’absence de condamnation au pénal pour une personne privée de discernement au moment des faits, certaines voix se sont élevées, si l’état mental du patient l’autorise, pour permettre une forme de débat judiciaire, favorable au deuil de la famille et à la réintroduction du « fou » dans la société.

Secteur psychiatrique en souffrance
Enfin, il y a exactement un an, les salariéEs du Centre hospitalier du Rouvray étaient en grève de la faim. J’étais un des médecins qui suivaient cette grève. Les personnels mettaient leur vie en danger non pas pour défendre leur salaire, mais simplement car ils considéraient que l’hôpital psychiatrique n’avait plus les moyens de soigner, de suivre les personnes en souffrance psychique. Bien sûr il est trop tôt pour dire ce qu’il en est pour le meurtrier de Mamoudou Barry. Mais la question se pose. Réduire les moyens de l’hôpital et du secteur psychiatrique, qui doit suivre les patients dans la ville, c’est rendre plus difficile le suivi des malades, et surtout la prévention du passage à l’acte dangereux.

Des questions que nous aurons tous et toutes au fond du cœur, lors de la Marche blanche qui aura lieu vendredi 26 juillet à 15h, de la Faculté Pasteur au Palais de Justice de Rouen, pour soutenir la famille, la femme, la fille de Mamadou Barry, contre tous les racismes et pour la vérité pour Mamadou Barry.

Dr Frank Prouhet, médecin et conseiller municipal de Canteleu à Gauche vraiment, qui a suivi la grève de la faim de l’hôpital psychiatrique du Rouvray