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NPA - Les personnes sans-abri et l’hébergement d’urgence : Retour sur le terrain en plein confinement

Juillet 2020, par Info santé sécu social

Publié dans le bulletin du secteur social du NPA

Si la propagation du Covid 19 semble enfin fléchir, le virus du capitalisme n’a pas fini de répandre la précarité au profit de la même minorité de riches. Nous n’oublierons pas que dans cette crise sanitaire dont on ne peut s’estimer sorti, des centaines de milliers d’invisibles vivant déjà dans une grande précarité ont souffert du mépris total du gouvernement pour la dignité humaine. Louise, intervenante sociale dans un service d’hébergement d’urgence dans l’Oise, par son témoignage poignant, jette une lumière crue et franche sur l’abandon de toutes les solidarités de l’Etat au moment même où Macron affichait une soudaine admiration pour les travailleuses et travailleurs de première ligne. Pour Louise, la gestion des personnes sans-abri dans son département témoigne du mépris des pouvoirs publics face à ces situations de détresse : 

« L’Oise a été l’une des premières zones touchées par le Covid 19 suite au rapatriement de personnes de Chine par l’armée basée à Creil. De là est arrivé le confinement avec l’interdiction des rassemblements (en pleine mobilisation contre la réforme des retraites) et des déplacements, sans prise en compte la situation des personnes sans domicile. Pour l’hébergement d’urgence, aucune consigne claire n’a été donnée, alors que le préfet de l’Oise était informé de la situation : un réseau de collectifs d’aide aux migrants transmettait chaque jour depuis octobre le nombre de personnes sans solution de mise à l’abri par le 115. Malgré la propagation fulgurante du virus, rien n’a été décidé pour ces enfants, ces femmes, ces hommes à la rue. 

La situation dans certains services s’est très vite dégradée : personnel en sous-effectif (10 travailleurs sociaux pour 850 personnes hébergées), familles livrées à elles-mêmes dans les hôtels. Les associations caritatives ont fermé une à une jusqu’à cesser toute distribution de première nécessité à partir du 17 mars. On a vu des familles dans le plus grand dénuement, sans ressource, sans aide alimentaire, avec des enfants complètement déscolarisés, confinées dans des petites chambres sans possibilité de cuisiner ou de se doucher régulièrement. Le plus difficile pour moi était d’entendre des enfants se plaindre de morsures de puces de lit et de constater, impuissante, les infections cutanées que cela provoquait sur eux. 

A partir de là je me suis questionnée sur mon travail, privé de toute possibilité d’accompagnement social et éducatif et réduit à une démarche humanitaire : leur trouver à manger et du lait infantile. Avec des collègues nous l’avons fait avec nos propres moyens de protection (masques, gel) car rien au départ ne nous a été remis. Là aussi il nous a fallu batailler.

On a aussi bataillé pour que les enfants puissent garder un lien avec leur école et leur fournir une version papier des travaux scolaires, mais certains sont restés en rupture totale. Quelle « continuité pédagogique » quand on a ni internet, ni matériel informatique ? Cette inégalité existe toute l’année pour les élèves vivant en hôtels sociaux et appartements d’hébergement d’urgence : leur scolarité est chaotique, soumise à de multiples changements de lieux d’hébergement, sans connexion et sans matériel, et leurs parents ne peuvent même pas accéder aux applications supposées faire le lien avec leur établissement. D’ailleurs la question de la stabilité des familles dans l’hébergement d’urgence est une vraie violence institutionnelle qu’il faut dénoncer. Donc entendre Macron dire qu’il fallait que les écoles rouvrent rapidement pour ces gamins qui subissent ces inégalités sociales... je suis très en colère face à cette instrumentalisation pour justifier sa décision de réouverture précipitée. Et la situation catastrophique de l’hébergement d’urgence ne date pas de cette crise sanitaire. Depuis des années des professionnel·les, des associations militantes, des syndicats la dénonce. On a pu entendre que « les migrants saturaient le dispositif » ou que les mineur·es non accompagné·es saturaient les places en protection de l’enfance... Comment supporter de tels propos alors qu’on manque juste cruellement de places et de moyens ?

Une association a finie par être mandatée pour ouvrir une centaine de places, d’abord dans un gymnase à Clermont, puis en les délocalisant à 35 km dans un internat éducatif fermé durant le confinement. Autrement dit, comme toujours, des places d’abord inadaptées sans commodités pour les personnes, puis isolées géographiquement (parfois à plus de 80 km du lieu de scolarité des enfants et de leur réseau social) sans moyens humains supplémentaires, et laissant encore plusieurs personnes à la rue dans l’Oise. Au passage, la maire de Beauvais a fermé un gymnase qui, depuis notre mobilisation en novembre, accueillait essentiellement des familles. Les forces de l’ordre ont quant à elles été encouragées à verbaliser les personnes sans-abri supposées ne pas avoir accepté les propositions de mise à l’abri. On se demande de quelles places il est question...

A l’heure où le déconfinement se précipite, que va-t-il se passer pour ces personnes, pour nous professionnel·les ? La dernière décision de repousser la trêve hivernale jusque début juillet montre qu’il n’y a aucune volonté politique d’enrayer la question des personnes sans-abri et de la grande précarité. Les places ouvertes pendant le confinement ont déjà été fermées, et la moitié des personnes remises à la rue... Il est urgent et il nous appartient de nous mobiliser pour faire cesser de telles injustices, et permettre à toutes et tous de se loger et de vivre dignement. »

Louise Ben