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NPA - Les précaires en première ligne face au coronavirus : la grève des loyers aux états-unis

Avril 2020, par Info santé sécu social

ÀNPA BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

Nous le savions avant la crise et nous en avons la confirmation, les populations pauvres sont les premières à payer le prix de l’incurie des gouvernements face aux crises sanitaires, financières, environnementales. On peut le constater en France où de nombreux habitants de Seine-Saint-Denis ont été ou sont touchés par le COVID-19. On peut le constater en Grèce ou les migrants emprisonnés le sont aussi.

On le constate d’autant plus dans des pays ou la protection sociale est quasi inexistante. Ainsi aux États-Unis, on compte déjà à l’heure où nous écrivons ces lignes 8000 décès et plus de 300000 personnes malades. Nous ne parlerons pas ici de la communication de crise de Trump qui prêterait à sourire si la situation n’était pas gravissime. Nous pouvons en revanche mentionner le fait que de nombreux élus (sénateurs, représentants à la Chambre…) des deux principaux partis ont assumé de prendre des décisions en faveur de l’économie au détriment de la santé de leurs concitoyens, usant parfois d’arguments quasi mystiques (exemple : le sénateur républicain Ron Johnson appelant à la réouverture la plus large possible de pans entiers du secteur économique car « la mort fait partie de la vie »).

Face à ces demandes et pressions des capitalistes pour remettre les gens au travail le plus vite possible, ces derniers ont réagi, principalement en s’inscrivant en masse au système d’allocations chômage. Avant la crise 4,8 millions de personnes y souscrivaient ; en deux semaines 10 millions de personnes supplémentaires se sont inscrites, soit une augmentation de plus de 200 % des bénéficiaires.

Une autre forme de résistance s’est également développée d’abord dans les très grandes agglomérations (NewYork et la région de Los Angeles) mais pas uniquement : la grève des loyers. Cette grève qui timidement mais sûrement prend de l’ampleur est partie d’une réalité crue : 3,2 millions d’Américains ont été licenciés du jour au lendemain au début du mois d’avril. Ainsi on estime que dès ce mois-ci 40 % de locataires à New York seront de toute manière dans l’incapacité financière de régler leur loyer à leur « landlord » (propriétaire).

Face à cette situation des mesures d’urgences ont été prises (moratoire de 90 jours sur les expulsions locatives dans l’état de New York, de 60 jours en Californie, en tout 34 états ont pris des mesures de ce type) mais beaucoup de locataires les trouvent insuffisantes et réclament le gel des loyers sur la période. Les slogans tels que « No work no rent » fleurissent sur les murs des villes de Chicago à Portland, et de nombreux locataires soulignent que ces appels à la grève sont aussi des appels au soutien concret des chômeurs et travailleurs précarisés par des mesures politiques d’urgence. On peut notamment citer les locataires auto-organisés au sein du mouvement « Rent strike 2020 » qui demandent tout simplement le gel de tous les salaires et factures pour les deux mois à venir et ont déjà recueilli plus de 600000 signatures sur leur pétition dont la plateforme est intéressante car elle ne se contente pas de demander une pause au capitalisme mais évoque la nationalisation d’entreprises mises sous le contrôle des travailleurs, la sécurité sociale pour tous, la prise de pouvoir par des commités citoyens de travailleurs et de scientifiques pour répondre à la crise.

Ce mouvement de « grève » aux États-Unis est donc particulièrement intéressant pour plusieurs raisons :

 l’auto-organisation du mouvement : des locataires ont pris l’initiative de contacter, lister et communiquer avec des milliers des leurs sans soutien logistique d’un parti ;

 il est une ébauche de prise de conscience des dégâts provoqués par le capitalisme dans un pays où il est érigé en modèle économique, social et moral unique et absolu ;

 il désigne clairement ses cibles : les propriétaires fonciers, patrons et politiques qui placent leur intérêt avant l’intérêt général. En somme il correspond à ce slogan qui est le notre : nos vies valent plus que leurs profits.

Sources utilisées :

Grève des loyers
Rent strike 2020 (site de l’organisation) :
et plateforme de revendications
RFI, 2 avril
USA Today, 31 mars
Salon, 31 mars
The Real Deal, 17 mars
The International Business Times (IBTimes), 31 mars
Forbes, 31 mars
Washington Post, 1er avril
CPUSA (parti communiste USA) : http://cpusa.org/article/virus-crisis-requires-global-people-oriented-solutions/ et http://cpusa.org/article/the-struggle-of-our-lives-copd-19-and-capitalist-crisis/
Augmentation du chômage :
Le Monde, 3 avril