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NPA : Santé : Le « jour d’après » ça devrait être maintenant !

Avril 2020, par infosecusanté

NPA : Santé : Le « jour d’après » ça devrait être maintenant !

Le 19/04/2020

Jean-Claude Delavigne

« L’engagement que je prends ce soir pour eux [les soignants] et pour la nation tout entière c’est qu’à l’issue de cette crise un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital. C’est ce que nous leur devons, c’est ce que nous devons à la nation. Cette réponse sera profonde et dans la durée. » E. Macron à Mulhouse, le 25 mars 2020.

Malgré les déclarations grandiloquentes de Macron, les mesures d’urgence pour la santé adoptées cette semaine se limitent à quelques enveloppes ponctuelles pour passer le cap de l’épidémie et le rendre acceptable, mais rien qui ressemble à l’ébauche d’un plan permettant à l’hôpital et au système de santé de répondre pour aujourd’hui et pour demain aux besoins de la population et aux situations de crise.

La « circulaire tarifaire » des hôpitaux : une enveloppe ridicule et non pérenne

Une « circulaire tarifaire » vient d’être publiée. Elle prévoit une « enveloppe exceptionnelle » d’urgence de 377 millions d’euros pour « alléger les tensions » dues aux dépenses exceptionnelles liées au Covid-19. Il s’y ajoute une enveloppe de 246 millions d’euros pour les établissements « en grande difficulté financière » et deux enveloppes spécifiques pour les secteurs sinistrés que sont la psychiatrie (150 millions) et les soins de suite (66 millions). Ces 839 millions (1,3 % des dépenses hospitalières !) ne sont même pas un ballon d’oxygène pour un hôpital asphyxié depuis des années par l’austérité et submergé par l’épidémie.

Les dépenses hospitalières s’élèvent à 60 milliards par an. La loi de financement de la Sécurité sociale 2020 prévoyait leur augmentation de 2,1 %, quand il en aurait fallu 4,4 % pour un simple maintien des moyens existants. Poursuivant la politique menée les années précédentes, le gouvernement entendait opérer en 2020 une ponction de 800 millions d’euros sur les budgets hospitaliers alors que les services d’urgences craquaient et que, partout, les lits et le personnel manquaient. Face à la persistance de la mobilisation, Philippe et Buzyn ont annoncé, en novembre une “rallonge” de 300 millions. “L’avancée” a donc consisté à ne ponctionner “que” 500 millions sur l’Hôpital ! Par ailleurs un tiers de la dette des établissements était reprise. Cela n’a pas empêché les « plans de retour à l’équilibre » (Copermo) de se poursuivre avec leurs suppressions de lits et de personnel, comme au CHRU de Nancy où 598 postes et 174 lits devaient être supprimés. Les fermetures de services de proximité voulues par la loi Buzyn ont continué.

Dans ce contexte, les 839 millions de crédits exceptionnels (non renouvelables en 2021) ne pourront qu’atténuer temporairement certaines situations critiques. Il en va de même pour le collectif budgétaire voté le 18 avril au Parlement.

8 milliards sur 110 !

Ce plan de sauvetage de 110 milliards a ouvert grand les vannes de l’aide aux entreprises. Ainsi 20 milliards seront consacrés à la recapitalisation des grandes entreprises du CAC 40 “en difficulté”. Mais pour la santé, on a plutôt un goutte-à-goutte… Huit milliards lui seront consacrés : la moitié pour l’achat de masques et l’autre pour le versement d’une prime exceptionnelle aux personnels allant de 500 à 1 500 euros. Outre son caractère de division puisqu’elle sera modulée selon les régions et selon les services, cette prime, versée une seule fois, n’a rien à voir avec la revalorisation des carrières hospitalières et l’augmentation de salaire de 300 euros pour toutes et tous, exigée depuis des mois par les personnels.

Rien qui prépare la suite…

Les décisions de cette semaine sont des mesures ponctuelles. Elles ne préparent en rien le système de santé à la situation qui l’attend pour les prochaines semaines. Elles n’amorcent en rien la réponse « profonde et dans la durée » annoncée par Macron.

C’est dès aujourd’hui que devrait s’engager un plan de formation, d’embauche massive et durable et d’investissements immédiats. Le « jour d’après » pour la santé c’est maintenant, et c’est maintenant que les moyens doivent être donnés.

L’épidémie n’est pas jugulée, et même si une lente décrue du nombre de patients s’amorce, la probabilité d’une « deuxième vague » de patients touchés par le Covid est sérieusement envisagée. Dans l’intervalle, une autre vague commence à arriver : celle des patients souffrant d’autres pathologies qui n’ont pas accédé au système de santé pendant deux mois, du fait de l’épidémie. Leur situation s’est aggravée. C’est donc à une extrême tension que vont devoir faire face les équipes épuisées. Les personnels contaminés sont nombreux. Aussi dans les services voit-on arriver avec inquiétude la période des congés habituellement déjà critique.

Pour y faire face, il ne suffit pas de l’appel provisoire aux bonnes volontés, aux bénévoles ou à des étudiantEs sous-payéEs, qui est aujourd’hui la recette des pouvoirs publics et des directions hospitalières. Le besoin est le recrutement immédiat, définitif et statutaire, avec des salaires suffisamment attractifs, de tous les personnels disponibles, tout en engageant dès cette rentrée la formation des milliers de professionnels (infirmierEs, aides-soignantEs, etc.) qui manquent actuellement, ainsi que d’un plan pour sortir de la pénurie médicale dans le service public, et résorber les déserts médicaux.

Le besoin est aussi le financement de la réouverture des lits et services fermés, et du matériel nécessaire, y compris dans les établissements de proximité. Le vote d’urgence d’un tel plan doit avoir lieu dans les semaines qui viennent au Parlement. Cette exigence doit être portée non seulement par les personnels hospitaliers, mais par toutes celles et ceux qui les applaudissent tous les soirs à 20 heures, et qui devront dès que ce sera possible manifester avec eux pour l’imposer.

Le “jour d’après” : celui de la privatisation ?

Car rien ne laisse présager que la voie choisie par le pouvoir pour “l’après” soit celle d’un renforcement de l’hôpital public, financé par une Sécurité sociale solidaire.

Les appels aux dons de la fondation de France Hôpitaux de Paris, présidée désormais par Brigitte Macron, tout comme les appels à la générosité publique des directeurs, pour nourrir les personnels, fournir le matériel qui manque, ne doivent pas être considérés comme des demandes anecdotiques pour faire face à la crise et capter l’élan de solidarité qui s’exprime dans la population.

Les contributions “généreuses” de LVMH pour la fabrication de gel hydro alcoolique, ou de Dassault pour terminer un nouveau bâtiment de l’Hôpital Henri-Mondor, jettent les bases d’un nouveau mode de financement privé des services public, de nouveaux partenariats public-privés dont les effets catastrophiques ont pourtant été démontrés dans les hôpitaux publics ces dernières années.

Le grand plan d’investissement de Macron pourrait bien être avant tout un plan de transformation des hôpitaux en « établissements privés à but non lucratif », avec des financements croisés public-privé (assurances privées et mutuelles, fondations, État) en un mot un plan d’accélération de la privatisation du système de santé.

Un avenir bien loin des exigences d’une santé gratuite conçue comme un bien commun accessible à toutes et tous.