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NPA - Santé : Quand Macron prépare le « jour d’après »

Avril 2020, par Info santé sécu social

«  Ce que révèle déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, ne sont pas des coûts ou des charges mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » (Emmanuel Macron).

En cette soirée du 12 mars, Macron a semblé, un instant, lui aussi, « frappé » d’un éclair de lucidité. Il remettait en cause, en quelques formules, toutes les politiques de santé menées par lui et ses prédécesseurs, orientées vers la marchandisation et la privatisation de la protection sociale et du système de santé. Quelques jours plus tard, à Mulhouse, il annonçait que « à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera[it] construit pour notre hôpital »

Celles et ceux qui avaient alors espéré un changement de cap de l’exécutif, sous la pression des événements, n’ont pas dû attendre longtemps pour déchanter. Le 2 avril, Mediapart a révélé le contenu d’une note rédigée par deux responsables de la Caisse des dépôts et consignations1. Elle trace, à la demande de l’Élysée, les pistes d’une politique de santé pour « le jour d’après ». Et, loin de marquer une rupture avec les politiques libérales elle prévoit au contraire de les poursuivre et de les aggraver.

La question centrale d’emblée évacuée

Pour les technocrates de la Caisse des dépôts, la « crise de l’Hôpital » relève de « questions internes » sur lesquelles ils n’ont pas à se pencher. Et pour lever tous les doutes ils prennent bien soin de préciser que les solutions à cette crise doivent être abordées dans le cadre de « l’accélération du déploiement de Ma santé 2022 », le plan santé de Macron. En un mot la solution pour eux se trouve dans la prolongation et l’accélération des recettes qui ont mené dans le mur.

La note écarte ainsi toute augmentation des budgets hospitaliers, qui permettrait aux hôpitaux d’ouvrir ou de rouvrir les lits nécessaires, y compris pour faire face à des situations de crise, de recruter les effectifs indispensables, d’investir et d’acheter le matériel dont ils ont besoin.

Privé partout, public nulle part

La note de la CDC développe au contraire des propositions visant à favoriser l’extension du secteur privé, et à effacer toute distinction entre public et privé. Elle insiste fortement sur le rôle de l’hospitalisation privée dite à but « non lucratif », gérée par les institutions elles-mêmes « à but non lucratif » ou « mutualistes », en concurrence avec les assurances privées mais fonctionnant de plus en plus sur le même modèle.

Ainsi, si la note préconise la reprise de la dette qui plombe les budgets hospitaliers, elle affirme : « Nous pourrions imaginer un fonds de dette qui prêterait en hybride soit aux hôpitaux, soit préférablement aux mutuelles. »

La note met également en avant le développement des « partenariats public privé » dans le secteur sanitaire. Ceux-ci avaient été mis en sommeil, ces dernières années, du fait d’expériences désastreuses dont la plus tristement célèbre est celle de l’Hôpital Sud Francilien, avec le groupe Eiffage (coûts faramineux, retards, malfaçons...). Ces partenariats évitent à l’hôpital (manquant de moyens) d’investir. Mais ils le transforment pour des années en « vache à lait » pour le secteur privé qui se gave de remboursements exorbitants.

Start-up et télémédecine

Sans surprise, la note fait aussi la part belle aux « start-up » innovantes, favorisant le développement de la « santé numérique », dont l’avantage est, aux yeux des rédacteurs, d’apporter des réponses techniques (et privées) à des questions comme la saturation du 15 (Samu), en évitant de s’attaquer aux causes réelles : l’absence de lieux de consultation publics gratuits et proches sur le territoire, les délais d’attente pour des rendez-vous, etc.

Des navires-hôpitaux pour la santé… des armateurs ?

Enfin, saisissant au bond une lubie chère à Donald Trump, la note donne une place surprenante au projet de « conventionner avec des armateurs français la transformation, à la demande, d’un paquebot, d’un roulier, d’un ferry en navire-hôpital, en contrepartie d’une rémunération fondée sur la disponibilité (et des entraînements) ».

Si l’on voit très bien en quoi cette proposition « recevrait le soutien » des armateurs, dont les navires de croisière ne sont pas prêts de se remplir à nouveau, on voit mal ce qu’elle apporte à un plan censé tracer l’avenir du système de santé…

La note de la CDC a un mérite : elle montre que, pour aujourd’hui comme pour demain, les solutions de Macron restent les mêmes, à l’opposé des besoins de la population et des exigences de celles et ceux qui travaillent dans les hôpitaux. Loin de l’unité nationale, il faudra ensemble se mobiliser pour les imposer.

1.La CDC gère une bonne partie des caisses de retraites, finance les collectivités locales, et gère aussi le Fonds d’épargne (livret A), qui finance le logement social.