Luttes et mobilisations

Paris Normandie.fr : Au CHU de Rouen, mouvement de grève en urgences

Juin 2016, par infosecusanté

Au CHU de Rouen, mouvement de grève en urgences

Publié 06/06/2016

Mouvement. Depuis hier, minuit, les personnels du CHU-Hôpitaux de Rouen sont appelés à faire grève par leur intersyndicale. Ils dénoncent une dégradation des conditions de travail aux urgences.

« Souffrance », « épuisement moral », « mal-être au travail », dans le document qu’ils ont transmis à la direction du CHU-Hôpitaux de Rouen, les personnels des urgences ne mâchent pas leurs mots. En grève à l’appel de l’intersyndicale (FO, CGT, CFDT, Sud et CFTC), ils dénoncent principalement une dégradation de leurs conditions de travail. Principal problème : l’accroissement permanent du flux des patients dans le service des urgences adultes. « Entre 200 et 250 personnes passent chaque jour aux urgences adultes », explique Philippe Vasselin, délégué FO. « Cela entraîne des conditions de travail difficile, la présence de patients - et des familles - dans les couloirs, en attendant d’être transférés dans les services adéquats, faute de lits suffisants. Il faut souvent attendre le début d’après-midi pour que des places se libèrent... ».

LES PERSONNELS EN GRÈVE SONT ASSIGNÉS

En attendant, les personnels doivent souvent faire face à des familles qui, dans l’attente ou dans la douleur, comprennent mal le manque de disponibilité des médecins, des infirmiers ou des aides-soignants. « Manque d’intimité, problèmes liés à la non-confidentialité des propos tenus par les médecins en raison de la promiscuité des lits », le document remis à la direction mentionne aussi « des familles qui - comme elles ne sont pas renseignées - donnent à manger ou à boire à des personnes qui doivent rester à jeun ». Sans compter les délais d’attente qui s’allongent parfois immodérément, au grand dam des patients.

« C’est la première fois que nous vivons une telle situation de mal-être qui nécessite que l’on vous alarme sur la santé mentale et physique de l’équipe », déplorent les équipes des urgences, qui dénoncent aussi des locaux inadaptés ou encore le manque de matériel pour travailler ou du matériel inadapté pour la prise en charge des patients. Les salariés soulignent qu’ils « ne peuvent plus accepter de travailler dans de telles conditions, car elles impactent la qualité des soins prodigués aux patients et la sécurité et la responsabilité du soignant ».

Pour le représentant du syndicat FO, « il faut une réorganisation du travail en aval des urgences. Le personnel aimerait, par exemple, voir se créer une « zone tampon » qui pourrait accueillir les patients des urgences qui nécessitent des examens complémentaires » pendant 48 h maximum avant hospitalisation. Des discussions sont d’ores et déjà en cours, mais plusieurs difficultés se posent : « trouver des locaux pour ce nouveau service » et réussir à le dimensionner pour une bonne efficacité.

Les personnels (sauf les médecins) étant « assignés » - ils portent un brassard pour prévenir les patients et leur famille qu’ils sont ne grève, mais continuent à travailler - la gêne ne devrait pas être trop ressentie par les patients dans le service. Le mot d’ordre de grève est illimité.

PATRICIA BUFFET

p.buffet@presse-normande.com

« La priorité numéro un du CHU »
Président de la commission médicale d’établissement, le professeur Loïc Marpeau est élu par le corps médical et travaille en étroite collaboration avec la direction du CHU.
Les personnels des urgences font aujourd’hui connaître leur colère, l’entendez-vous ?
Pr Loïc Marpeau : « Nous sommes très conscients du problème des urgences. Les termes employés sont lourds, c’est un sujet vraiment grave et qui n’est pas spécifique aux urgences de Rouen. Mais notre spécificité tient en une augmentation inexorable de 4 ou 5 % chaque année du nombre de patients aux urgences. C’est un phénomène lié à pas mal de choses, notamment le vieillissement de la population, à des problèmes sociaux... Pour les personnels hospitaliers, il faut, chaque jour, trouver en aval des urgences des lits dans les différents services et là, ça bloque ».

Des discussions ont-elles déjà commencé ?
« Oui, depuis plusieurs mois. Les urgences sont la priorité numéro un du CHU. Je trouve d’ailleurs dommage que ça craque aujourd’hui, mais les personnels n’en peuvent plus. Nous avons par exemple renforcé le service d’accueil des familles la nuit. Par ailleurs, le service de médecine interne est descendu de Bois-Guillaume. Nous étudions la mise en place d’une « unité tampon » comme au CHU de Poitiers, qui pourrait ouvrir avant la fin de l’année ».

Les salariés seront-ils reçus rapidement par la direction ?
« Rendez-vous est pris jeudi ».

PROPOS RECUEILLIS PAR PA. B.
EN CHIFFRES

Établissement sanitaire de référence au plan régional, le CHU-Hôpitaux de Rouen emploie plus de 10 200 personnes sur ses cinq sites avec 2 450 lits, dont 55 %
à Charles-Nicolle.
En 2015, le CHU a comptabilisé 33 005 interventions chirurgicales, 2 816 naissances, et 154 519 passages aux urgences, dont 100 759 aux urgences adultes, 39 606 aux urgences pédiatriques et 14 154 aux urgences gynécologiques.
Le service des urgences de Rouen est le 3e plus important de France avec 423 passages par jour, soit un passage toutes les 3 mn 30 !