Psychiatrie, psychanalyse, santé mentale

Pratiques N°84 - Où va la psychiatrie ?

Février 2019, par Info santé sécu social

La folie, comme toute aventure humaine, s’inscrit dans le contexte social et culturel.
Dans nos sociétés de plus en plus compétitives, normatives et pathogènes, nombre de personnes perdent leurs repères jusqu’à présenter des pathologies du spectre psychiatrique

Depuis trop longtemps, une grande partie de nos déviants, voire de nos « fous », sont abandonnés à eux-mêmes. Ils peuplent les prisons, occupent les trottoirs, les gares et les couloirs du métro faute de soins et de places vivables pour eux dans la société.

Or, pour soigner, il faut savoir ce que l’on a à soigner afin de déterminer comment s’y prendre, d’où la question cruciale : quel est l’objet de la psychiatrie ? Selon la chapelle du pratiquant : psychanalyse, psychiatrie, neurologie, recherche en neurosciences, Haute autorité de santé, la nature de cet objet varie du tout au tout. Elle serait : psychique, mentale, androgénétique, neuro-comportementale, cognitive… Ceci conditionnant cela, le sens et la place accordés aujourd’hui au soin psychiatrique sont plus que jamais controversés.

L’accès aux soins se dégrade du fait de la disparition continue des hôpitaux de proximité et des reconfigurations incessantes des lieux de soin. La diminution du nombre de lits, le démantèlement de la psychiatrie de secteur, la réduction des effectifs, les démissions en chaîne des psychiatres aboutissent au manque de disponibilité des soignants pour prendre soin des patients. Il a fallu que des soignants, à bout de souffle, fassent la grève de la faim et grimpent sur les toits pour faire entendre leur voix.

La relation soignant-soigné est empêchée et dénaturée, se heurtant à l’injonction paradoxale de faire toujours plus avec toujours moins : soins sous contrainte, enfermement, contention, camisoles chimiques, protocoles… Le discours sécuritaire prédomine, enfermant les patients, les soignants et la société dans une méfiance réciproque… L’accueil se déshumanise, les urgences sont encombrées, les délais d’attente s’allongent… Les critères juridiques, gestionnaires, administratifs, économiques souvent sous couleur moralisatrice prennent le pas sur les critères authentiquement humains, thérapeutiques et éthiques. Comment, dans un tel contexte, accueillir un patient quand on connaît l’importance de cet accueil qui conditionne toute la suite et l’accompagner dans la durée ?

Comment pensée, praxis et politique peuvent-elles s’agencer au mieux afin de sauvegarder l’intérêt de tous ?
Avant que la folie ne gagne la société tout entière, il est urgent que ceux qui ont la prétention de nous gouverner ouvrent leurs yeux… Car comme le disait Lucien Bonnafé : « On juge du degré de civilisation d’une société à la manière dont elle traite ses marges, ses fous et ses déviants ».