Les mobilisations sur les retraites

Rapport de forces - Retraites : « avec le 31 mars, nous voulons refaire une très, très grosse journée »

Février 2020, par Info santé sécu social

24 février 2020 La rédaction

L’intersyndicale nationale a fixé la prochaine date de grève et de manifestations interprofessionnelles dans cinq semaines, le 31 mars. Nous avons interrogé Simon Duteil, secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires qui a régulièrement participé aux réunions de l’intersyndicale depuis le 5 décembre, sur le pourquoi de cette date.

Peux-tu nous expliquer comment la date du 31 mars a été retenue, plutôt qu’un prochain rendez-vous plus rapproché ?

C’est un cheminement sur plusieurs semaines. Quand nous avons vu fin janvier que la capacité de grève reconductible n’était plus là, les questions qui se sont posées aux différents syndicats qui participent à l’intersyndicale ont été les suivantes : quels moyens pour garder et insuffler du rapport de force ? Comment éviter de tomber dans un rythme hebdomadaire d’une grève qui s’amenuise au final ? L’enjeu étant d’éviter que le mouvement dépérisse en se réduisant à un noyau actif très restreint qui n’arrive plus à entraîner la population, alors que nous sommes dans un contexte où notre combat pour le retrait du projet de loi sur les retraites est majoritaire.

À partir de là, les discussions ont émergé pour savoir si nous étions capables de donner une date de moyen terme que l’on puisse préparer, sans rupture dans la mobilisation. Nous l’avons abordé lors de la réunion du 6 février avec pour objectif d’avoir des mandats de nos structures pour l’intersyndicale du 20 février. L’idée de fond, ce n’est pas : il n’y a rien entre le 20 février et cette date-là. L’intersyndicale nationale a rappelé son appui à toutes les mobilisations qui auront lieu autour du 8 mars. Comme cette journée est un dimanche, il y aura des actions et des actes de grève un peu en amont ou en aval. Mais elle a aussi affirmé son appui à toutes les intersyndicales locales ou les assemblées générales qui continuent à proposer des actions qui font vivre la mobilisation. Nous allons aussi nous atteler à notre propre conférence de financement des retraites qui aura lieu au mois de mars à l’échelle nationale, et que nous voulons démultiplier sur tout le territoire. Elle vise à montrer que le système par répartition est finançable et améliorable.

Pourquoi une date si lointaine, alors que jusqu’ici l’intersyndicale avait plutôt tenté de resserrer au maximum le calendrier ?

Les équipes syndicales nous disent qu’il faut un temps pour reprendre de l’énergie et faire le travail de conviction auprès des salariés. La majorité des gens pense que la loi est mauvaise, mais penser être capable de passer à l’action, se dire que l’on peut se mettre en grève, aller manifester, nécessite du temps pour préparer le terrain. Avec le 31 mars, nous voulons refaire une très, très grosse journée. C’est une sorte d’acte 2, mais nous ne disons pas que c’est le 5 décembre bis.

L’intersyndicale va se revoir très prochainement pour affiner la préparation du 31 mars, mais aussi et surtout, la préparation des suites de la mobilisation. En tout cas, nous ne sommes pas du tout dans une logique de journées sautes-moutons. Pour autant, nous ne nous intoxiquons pas sur l’état du mouvement. Nous construisons avant tout à partir de ce que nous disent les camarades dans les secteurs et les territoires, sur ce qu’ils pensent être capables de faire. Nous ne sommes plus dans la séquence du mois de janvier où nous avons essayé d’élargir et d’appuyer pour qu’il y ait d’autres départs en grève reconductible en plus des transports. Il y a eu tout de même des mouvements forts : dans la culture et l’éducation, mais aussi la chimie, l’énergie.

Cette séquence-là n’a pas été directement gagnante et nous n’avons pas obtenu le retrait de la loi à ce moment-là. Aujourd’hui, nous continuons à vouloir créer le rapport de force pour retirer la loi. Cela veut dire mettre en place un plan d’action et c’est ce que fait l’intersyndicale.

Pour autant, est-ce que ce n’est pas un mauvais signe donné aux plus combatifs, à celles et ceux qui sont encore un peu ou beaucoup en grève comme les avocats ?

Il peut y avoir de la déception, mais nous composons avec nos mandats, notre démocratie interne. Il n’y a pas de bouton magique pour arriver à faire la grève générale pendant trois jours et gagner. Nous avons essayé de pousser et de construire sur le 5 décembre, d’élargir au maximum depuis, de pousser à la reconductible. Au niveau de Solidaires nous avions appelé à la reconductible avant même le 5 décembre. Maintenant, il faut regarder la réalité. Si nous ne sommes pas capables de redonner du souffle, de retourner vers les salariés, et pas seulement vers les gens qui sont déjà dans l’action, nous n’aurons pas les moyens de peser et de faire retirer la loi.

Le 31 mars, qui peut paraître loin, doit se penser avec tout ce qu’il y a au milieu : le 8 mars au niveau de l’intersyndicale, mais aussi pour nous à Solidaires avec les mobilisations écologistes des 13 et 14 mars, pendant lesquelles nous ferons le lien avec la question des retraites. La situation n’est pas : nous sommes le 20 février et la prochaine fois que l’on se voit pour discuter et agir sur les retraites est à la fin du mois de mars. Le cadre est plutôt : nous sommes le 20 février et nous nous donnons les moyens de faire une énorme journée le 31 mars qui doit donner des perspectives pour autre chose. Et au milieu, il y a des luttes de secteurs comme le 5 mars dans l’enseignement supérieur et la recherche, avec peut-être des rebonds en mars, il y a la mobilisation des femmes le 8 mars, celle sur le climat et pour un autre avenir autour du 13 et du 14 mars. Il y a un rythme qui se met en place.

Du coup, vous vous donnez pour perspective de gagner entre le 31 mars et le 30 juin.

De fait, mais nous ne sommes à l’abri de rien. Nous avons en face de nous un gouvernement affaibli politiquement, dont le projet de loi n’était pas préparé, et qui n’est pas sincère dans ce qu’il présente. Il y a une forme de crise politique. Ce qu’il faut, c’est déjà maintenir un rapport de force conséquent et montrer que la mobilisation qui a commencé début décembre est capable d’avoir un second souffle réel et très fort. Sauf surprise, mais nous prendrions s’ils voulaient retirer leur projet de loi plus tôt, nous pensons que pour qu’ils le retirent, il faut augmenter le rapport de force.

En tout cas, le 31 mars n’est pas un abandon. Ce n’est pas : on arrête pendant un mois et demi. Non, nous sommes dans une continuité et nous espérons qu’il y aura d’ici là de nombreuses actions, qu’il se passera beaucoup de choses partout localement.