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Sciences et vie - Un champignon lié à des cas de maladie de Charcot : la fin d’une énigme médicale vieille de plus de dix ans

Septembre 2021, par Info santé sécu social

Par Pierre Kaldy le 04.09.2021 à 20h00

La consommation de fausses morilles est à l’origine d’une dizaine de cas de sclérose latérale amyotrophique dans un petit village de Savoie. Le résultat de dix années d’enquête.

Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir - La Recherche n°895 daté septembre 2021.

Une équipe franco-américaine vient de résoudre une énigme médicale vieille de plus de dix ans dans le village de Montchavin, près de la station de ski de La Plagne (Savoie). En effet, c’est là qu’en 2009, une médecin généraliste observe un fait troublant : pour la troisième fois, elle diagnostique chez un habitant une affection neurodégénérative mortelle assez rare, la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot. Elle alerte des spécialistes de cette pathologie qui lancent alors une enquête approfondie. Dans un premier temps, ils trouvent 11 autres cas dans le village entre 1991 et 2013, dont la moitié sont déjà décédés. Une concentration de malades d’au-tant plus surprenante qu’ils n’ont aucun lien de parenté. Âgés de 39 à 75 ans, ils se connaissent tous.

Une situation similaire sur l’île de Guam
Une cause environnementale étant dès lors suspectée, toutes les pistes possibles sont explorées : traces de toxines bactériennes ou de plomb dans l’eau, de gaz radon dans les habitations, de pollution de l’air ou de la terre par des pesticides ou des métaux lourds… en vain. Dans l’impasse, les chercheurs ont toutefois attiré l’attention de Peter Spencer, toxicologue à l’université de l’Oregon aux États-Unis, qui a déjà enquêté sur une situation similaire sur l’île de Guam, dans l’ouest du Pacifique. La graine d’une plante locale, le cycas du Japon (ou "petit rameau" aux Antilles) consommée traditionnellement s’était révélée à l’origine de nombreux cas de SLA. Le spécialiste va relancer les recherches en suspectant non pas le cycas, mais un champignon toxique répandu, le gyromitre géant, ou fausse morille (Gyromitra gigas), qui contient des toxines proches de celles du cycas par leur mode d’action. Dans l’étude publiée par le Journal of Neurological Sciences, les scientifiques rapportent que les 14 malades ont bien consommé le champignon à plusieurs reprises des années auparavant, contrairement aux autres villageois.

La fausse morille reste un mets prisé en Finlande
Habitués à cuisiner des plantes ou des champignons sauvages, certains malades se souviennent même avoir été sérieusement incommodés après de copieux repas comprenant, avec de vraies morilles, des gyromitres dont la vente est interdite en France depuis 1991 en raison d’une toxicité potentielle. Parallèlement, en Finlande, une recrudescence de SLA a été observée dans une région où le champignon est un mets prisé. Sur l’île de Guam en revanche, les cas de la maladie ont chuté depuis que les graines de cycas ont été bannies de la cuisine locale. De quoi convaincre définitivement de renoncer à la fausse morille dans les repas entre amis.