Europe

Solidarité France-Grèce pour la santé - Grèce : quand le « remède » tue le malade

Juin 2016, par Info santé sécu social

par Nicolas Bourgoin

Et si l’austérité imposée à la Grèce par l’oligarchie financière servait une politique malthusienne de réduction de sa population ? Cette hypothèse a priori délirante trouve des arguments dans la démantèlement du système de santé publique grec qui a déjà fait des milliers de victimes et qui, poussé à son terme, privera de couverture maladie un nombre considérable de personnes. De fait, la population grecque diminue et a déjà perdu 350.000 habitants depuis 2007. On sait par ailleurs que la Grèce n’est qu’un terrain d’essai et cette expérience dévastatrice est destinée à être généralisée à l’échelle de l’Europe, puis du monde. Purger la population d’une partie de ses éléments est en réalité nécessaire à l’oligarchie mondialiste pour résoudre un problème démographique crucial pour sa domination : comment la minorité qu’elle constitue peut exercer sa dictature contre des populations en extension continue et soumises à des conditions de vie toujours plus dégradées ? Les élites mondialistes ne cachent pas leurs projets : au contrôle des masses par puçage électronique se combineront les politiques malthusiennes de réduction de la population mondiale.

Bienvenue en Grèce, laboratoire européen du « capitalisme du désastre » où sont testées les limites de la résistance humaine : un taux de chômage (officiel) à 28 %, un tiers de la population vivant sous le seuil de pauvreté, plus d’un tiers sans couverture maladie, des services publics en déliquescence laminés par des cures d’austérité draconiennes, un patrimoine public (sites archéologiques, îles, forêts, aéroports, compagnie de gaz ou d’électricité, …) bradé pour une bouchée de pain à des sociétés privées… et une population à bout se souffle, devenue incapable de se défendre. La raison de cette capitulation ? le traumatisme provoqué par la violence de la crise imposée au peuple grec par l’oligarchie bancaire, sapant toute capacité de résistance à la destruction systématique de la sphère publique : attendre une crise de grande envergure, puis, pendant que les citoyens sont encore sous le choc, vendre l’État morceau par morceau, à des intérêts privés avant de s’arranger pour pérenniser les « réformes » à la hâte est un bon résumé de ce qu’ont subi les Grecs. Ce véritable coup d’État financier a nécessité plusieurs phases de préparation décrites dans mon billet précédent.

Cible stratégique de la politique de la troïka : le système de santé publique. Son démantèlement est en cours avec une énième réforme qui aggravera encore la situation sanitaire du pays. Le journal britannique The Lancet en dresse un tableau effrayant : une espérance de vie en baisse de trois ans, un taux de natalité qui a régressé au niveau des années 1950, un taux de mortalité infantile qui a augmenté (officiellement) de moitié, près de 20 % d’enfants qui naissent avec un poids inférieur à la normale, 21 % de morts nés et 40 % de suicides en plus depuis le début de la crise. Bénéfice immédiat pour l’oligarchie : l’ouverture du marché de la santé aux assurances privées dont les bénéfices en 2012 ont cru de 20 % par rapport à la période antérieure à la crise. Mais derrière cette recherche de rentabilité à court terme se cache un projet à moyen terme : faire diminuer la population en la privant d’accès aux soins médicaux. Cette gestion malthusienne au service de la gouvernance globale est expliquée par les oligarques eux-mêmes qui s’appuient souvent sur la théorie du réchauffement climatique pour la justifier.

Appliquée à la Grèce, la stratégie de l’élite pour faire plier le peuple puis le faire mourir à petit feu peut se résumer très simplement :

Première étape : plonger la population grecque dans la misère après avoir préalablement fait entrer le pays dans la zone euro. C’est ce à quoi s’est employée activement la banque Goldman Sachs en maquillant les comptes de la Grèce pour sous-estimer ses dettes et ses déficits déjà élevés. Cela a permis le déclenchement d’une crise de la dette européenne qui a étranglé financièrement la Grèce par une montée de ses taux d’intérêt et s’est étendue à d’autres États. Face au risque de défaut souverain, les investisseurs imposent des taux d’emprunt impraticables à la Grèce, qui ne peut alors plus se financer. Ces plans successifs sont assortis de conditions drastiques d’austérité, mettant en péril l’équilibre social du pays. La sécurité sociale part en lambeaux, le ramassage des ordures n’est plus assuré, les musées ferment les uns après les autres, la télévision publique n’émet plus, les livres disparaissent peu à peu des écoles, les enfants tombent d’inanition… Les salaires du privé ont baissé de moitié, le SMIC est ramené à 586 euros bruts, faisant tomber le salaire moyen à 803 euros en 2012 puis en 2013 à 580 euros, soit l’équivalent du salaire moyen chinois. La Grèce est désormais considérée comme un pays du Tiers-Monde.

Tous les prêts octroyés à la Grèce ont été d’autant moins susceptibles de faire redémarrer son économie qu’ils ont été en grande partie captés par l’oligarchie financière : les banques grecques (pour 58 milliards), les créanciers de l’État grec (pour 101 milliards), la plupart des banques et fonds d’investissement ont reçu l’essentiel des aides débloquées par l’UE et le FMI depuis 2010, soit 207 milliards d’euros. Les trois-quarts de l’aide attribuée n’ont pas bénéficié aux citoyens mais, directement ou indirectement, au secteur financier. Seuls 46 milliards ont servi à renflouer les comptes publics – et toujours sous forme de prêts, tandis que dans le même temps 34 milliards ont été versés par l’État à ses créanciers en intérêt de la dette.

Deuxième étape : une fois la Grèce mise à genoux, le démantèlement du système de santé, justifié pour raison d’économies, peut commencer avec les réductions drastiques des financements publics qui réduiront l’offre de soins. Le budget des hôpitaux publics a diminué de moitié entre 2010 et 2014 et le personnel du secteur public de santé a été massivement licencié. Les conséquences : fermetures de services hospitaliers, diminution des effectifs et des salaires, manque de matériel et de médicaments, exil du personnel médical vers le secteur privé, fuites des cerveaux à l’étranger (7000 médecins ont déjà quitté la Grèce depuis 3 ans) et arrêt progressif de la recherche médicale. Le président de l’Union des médecins hospitaliers de Grèce (OENGE), Dimitris Varnavas, a qualifié de « bombe sanitaire » la situation de pénurie de personnel dans le Système National de Santé (ESY) et dans l’Organisation Nationale des Services de Santé (EOPYY).

Troisième étape : privatiser l’assurance maladie afin de priver d’accès aux soins une part croissante de la population, le poids des dépenses de santé étant alors supportés par les malades eux-mêmes qui deviennent trop pauvres pour se soigner. Les dépenses de l’État pour la couverture maladie ont diminué de moitié entre 2010, celui des investissements publics pour l’achat de médicaments dans les mêmes proportions alors que les besoins ne cessent d’augmenter, paupérisation et maladie allant souvent de pair. Près de 30 % des Grecs vivent désormais sans couverture sociale. La pauvreté endémique combinée à la privatisation de la santé a des effets catastrophiques en termes d’accès aux soins, notamment pour les milliers d’enfants de parents non assurés qui ne peuvent même plus être vaccinés et se retrouvent de ce fait exclus de l’école. C’est le système de soins de santé primaires qui se voit aujourd’hui menacé de liquidation pure et simple avec la fermeture de la totalité des centres de santé. De plus en plus de malades meurent, faute de soins, en particulier ceux atteints d’un cancer qui sont livrés à eux-mêmes et ne reçoivent de traitement qu’en phase avancée. Le ministre de la Santé Grec a bien résumé le principe de sa politique : ceux qui ne s’adaptent pas, meurent.

L’expérience grecque est destinée à être généralisée à l’échelle de l’Europe entière grâce à la crise de la dette, providentielle pour les élites, qui paralyse la capacité de résistance des populations à la libéralisation totale des services publics. Cela fait au moins 20 ans que l’oligarchie attendait ce moment :

La fenêtre d’opportunité durant laquelle un ordre mondial pacifique et indépendant peut être construit, ne sera pas ouverte très longtemps. Nous sommes à l’orée d’une transformation globale. Tout ce dont nous avons besoin est une crise majeure appropriée et les nations accepteront le Nouvel Ordre Mondial.

(David Rockfeller, 23 septembre 1994).

Nous y sommes. Et quand l’Europe se sera effondrée économiquement sous l’effet de cette « stratégie du choc« , les victimes de ces purges préventives seront autant de révoltés en moins que l’oligarchie devra écraser pour maintenir sa domination. La Russie post-soviétique est un bon exemple de ce genre de bouleversement : un des effets de la « thérapie de choc » de Boris Elstine a été de faire baisser l’espérance de vie des russes passée de 69,5 ans en 1988 à 64,5 ans en 1994 de même que la fécondité (de 2,1 à 1,4 enfants par femme), provoquant une hémorragie continue de la population, qui a perdu 5 millions d’habitants entre 1988 et 2008. En Grèce, près de 120.000 personnes sont décédées en 2012, un record depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si une réduction de 80 % ou même 50 % de la population à l’échelle du monde peut paraître excessive, et en l’état invérifiable, une chose est sûre : le nombre de personnes sacrifiées sur l’autel de l’austérité ne cessera de croître au cours des prochaines années.