CGT

Wi­doo­biz - « On appelle le gouvernement à décréter l’état de catastrophe sanitaire » Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT

Avril 2020, par Info santé sécu social

Ac­teur in­con­tour­nable de cette crise sa­ni­taire et éco­no­mique, Phi­lippe Mar­ti­nez livre à Wi­doo­biz son ana­lyse de la si­tua­tion ac­tuelle. En­tre­tien

P.M : Les me­sures concer­nant les ar­rêts de tra­vail pour garde d’en­fant, l’ar­rêt ma­la­die des per­sonnes dites vul­né­rables et la sus­pen­sion de cer­taines ré­formes comme dé­gres­si­vité des al­lo­ca­tions-chô­mage sont peut-être louables. Mais lors­qu’on se penche réel­le­ment sur les aides pro­po­sées par le gou­ver­ne­ment, nous nous ren­dons compte que les me­sures pro­fitent sur­tout aux plus grosses en­tre­prises. En effet, l’ac­cès aux cau­tions ban­caires reste par exemple très com­pli­qué pour les plus pe­tites d’entre elles. Le gou­ver­ne­ment com­mu­nique aussi beau­coup sur le chô­mage par­tiel, mais là en­core ce sont les en­tre­prises qui se­ront rem­bour­sées à 100%. Avant la crise, un em­ployé qui était au chô­mage par­tiel tou­chait déjà 84% de son sa­laire. Donc, il n’y a pas de réelles nou­veau­tés. Lors­qu’on ana­lyse le dis­po­si­tif mis en place, on se rend compte qu’il s’agit soit de sus­pendre des me­sures que l’on a déjà condam­nées avant la crise soit d’ap­pli­quer à la place des me­sures déjà exis­tantes.

P.M : Non  ! Nous avons ap­pelé à dé­fi­nir des ac­ti­vi­tés es­sen­tielles du­rant cette pé­riode, comme ça s’est fait en Es­pagne et en Ita­lie. Nous avons même écrit à Em­ma­nuel Ma­cron une longue lettre dans ce sens (qui reste à ce jour sans ré­ponse). Mais le gou­ver­ne­ment re­fuse tou­jours de dé­fi­nir les ac­ti­vi­tés dites es­sen­tielles. Or, c’est le seul moyen pour as­su­rer la pro­tec­tion des em­ployés des mé­tiers in­dis­pen­sables du­rant cette pé­riode. En effet, si on dis­tri­bue des masques, qui se font rares, aux fa­bri­cants de rouge à lèvres, d’avions ou de voi­ture, il y en aura moins de dis­po­nibles pour les ac­ti­vi­tés es­sen­tielles. C’est donc une me­sure im­por­tante pour que les moyens de pro­tec­tions soient di­rec­te­ment mis à dis­po­si­tion de ceux qui en ont be­soin. Non seule­ment nous n’avons pas été en­ten­dus, mais de­puis quinze jours les usines rouvrent.

Pour le cas d’Ama­zon par exemple, nous avons évo­qué le sujet pen­dant plus de 4 se­maines à la mi­nistre du tra­vail et au pré­sident de la ré­pu­blique. Il a fallu une ac­tion en jus­tice pour que le gou­ver­ne­ment se contente d’une mise en de­meure.

P. M : On a ap­pelé le gou­ver­ne­ment à dé­cré­ter l’état de ca­tas­trophe sa­ni­taire, comme dans le cas des ca­tas­trophes na­tu­relles. Ce se­rait le moyen de mettre à contri­bu­tion les as­su­rances. En effet, les contrats d’as­su­rance ne couvrent pas ce genre de crise sa­ni­taire. Il au­rait fallu, et ça peut tou­jours se faire, que l’Etat dé­crète une ca­tas­trophe sa­ni­taire de ma­nière que les as­su­reurs payent, par exemple, la dif­fé­rence des sa­laires. Les as­su­rances ont fait un geste de 500 mil­lions. Si l’on com­pare ce mon­tant au chiffre d’af­faires d’AXA, ce n’est pas grand-chose.

Nous avons éga­le­ment de­mandé que les 40 plus grandes en­tre­prises fran­çaises, qu’elles touchent des aides ou pas, ne versent pas de di­vi­dendes à leurs ac­tion­naires. Pour l’ins­tant, le pré­sident de la ré­pu­blique leur de­mande gen­ti­ment de faire un ef­fort, mais il n’y a pas de réelles in­jonc­tions. En re­vanche, ils n’ont pas tardé à éta­blir un dé­cret obli­geant les sa­la­riés à tra­vailler 60 heures par se­maine.

P.M : Je veux bien que Bill Gates ou le pa­tron de Twit­ter fassent don d’une par­tie de leur for­tune. Avec ce qu’il leur reste, ils pour­ront tou­jours ha­bi­ter dans leur châ­teau. Mais de­man­der à un sa­la­rié qui touche 1500 e par mois d’être so­li­daire, ce n’est pas la même chose. On de­mande beau­coup d’ef­forts aux sa­la­riés et pro­por­tion­nel­le­ment on en de­mande beau­coup moins aux autres en­tre­prises. Je ne parle pas des TPE et PME qui elles aussi pâ­tissent de la si­tua­tion.

P.M : Que ce soit à l’école ou à l’hô­pi­tal, la si­tua­tion ac­tuelle a mis en évi­dence les pro­blèmes que l’on sou­lève de­puis des an­nées. Ça fait plus d’un an que l’hô­pi­tal est en crise. En Al­le­magne par exemple, il y a plus de lits de ré­ani­ma­tion dis­po­nibles en temps de crise que la to­ta­lité des lits dis­po­nibles en France en temps nor­mal. L’école, la santé, les ser­vices pu­blics, la ré­in­dus­tria­li­sa­tion du pays, des re­lo­ca­li­sa­tions… c’est tout ça qu’il faut chan­ger.

P.M : C’est stu­pide  ! J’ai cru com­prendre que la grande ma­jo­rité des scien­ti­fiques et mé­de­cins n’étaient pas d’ac­cord. En plus, tout le monde sait que ça ne va pas pou­voir se faire en même temps. En effet, cer­taines classes sont sur­char­gées et les condi­tions sa­ni­taires dans un cer­tain nombre d’éta­blis­se­ments sont dé­plo­rables. Sans par­ler des en­sei­gnants qui risquent d’être ex­po­sés à la ma­la­die. C’est de toute façon im­pos­sible, com­ment vou­lez-vous faire de la dis­tan­cia­tion so­ciale dans une classe de 35 élèves  ? Les trans­ports vont aussi mettre du temps à re­prendre. C’est beau­coup de com­mu­ni­ca­tion sans ré­flexion der­rière. D’ailleurs le gou­ver­ne­ment fait du ré­tro­pé­da­lage.