Maternités et Hopitaux publics

jim.fr - Les GHT : une réforme impossible à mettre en œuvre pour les managers hospitaliers

Novembre 2016, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 4 novembre 2016 - L’article 27 de la Loi de santé a rendu obligatoire au 1er juillet la création de Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) en remplacement des Communautés hospitalières de territoire facultatives. Il existe aujourd’hui 135 GHT, très hétérogènes, sur lesquels travaillent les dirigeants hospitaliers pour faire vivre concrètement les rapprochements, définir un projet médical partagé, ou encore tirer les conséquences organisationnelles des mutualisations des différentes fonctions support, en particulier la fonction Achat.

« Pour autant, les GHT sont aujourd’hui en danger » alerte le SMPS(Syndicat des Manageurs Publics de Santé). Il met en garde les pouvoirs publics sur « l’impossibilité d’appliquer la réforme dans un grand nombre de groupements ».

Il est apparu, à l’issue d’une réunion organisée le 19 octobre au ministère de la Santé, que « le cadre juridique d’organisation et de délégation des compétences au sein des GHT est dans l’impasse », explique le syndicat.

Centralisation et bureaucratie contre efficacité

Il nous a été expliqué que « seul le directeur de l’établissement support sera compétent pour l’ensemble des fonctions mutualisées, et notamment les achats, sans aucune délégation de signature possible aux chefs d’établissements parties », révèlent les managers dans un communiqué du 20 octobre. Le Conseil d’Etat estime qu’il ne peut pas y avoir de délégation de compétences et donc de signature entre le chef de l’établissement support et les chefs d’établissements parties, a expliqué à l’APM le président du SMPS, Jérémie Sécher.

Ainsi « tout sera concentré, de façon indifférenciée, que l’on soit quatre, dix, quinze, vingt établissements », déplore le syndicat. Une centralisation extrême qui ne peut qu’ankyloser la prise de décision, et qui est « à l’opposé de l’organisation que beaucoup de GHT ont commencé à mettre en œuvre, en faisant le pari de rassembler les compétences au service d’un projet commun, en privilégiant la proximité à la verticalité, l’efficacité à la bureaucratie. »

« A quel moment la complexité dans la prise en charge des patients sera-t-elle tellement insupportable qu’il faudra faire le constat d’un projet médical partagé compromis, en raison de la concentration des fonctions ? »s’émeut Jérémie Sécher qui craint en effet un allongement du délai pour prendre des décisions.« Faudra-t-il dorénavant convoquer un comité de pilotage à trois semaines pour délivrer un traitement compassionnel à un patient ? En cas d’agression d’un personnel, devrons-nous attendre 15 jours l’avenant au marché correspondant, s’il existe, pour renforcer le dispositif de sécurité dans l’établissement ? », s’inquiète-t-il.

Mutation d’office des personnels

La centralisation entrainera une insécurité juridique pour les directeurs hospitaliers en même temps que des difficultés d’organisation.

Du côté des directeurs d’établissements membres qui délèguent personnels et prérogatives, ce sont eux qui restent responsables juridiquement et pénalement, précise le communiqué. « Faudra-t-il aussi être comptable de mesures d’économies décidées ailleurs, bien loin des organisations locales qui les supporteront ? ».

Le directeur de l’établissement support de son côté engagera sa responsabilité sur des actions mais sans avoir de leviers d’action pour les appliquer, a précisé Jérémie Sécher. L’absence de délégation possible risque d’obliger les équipes des établissements supports à passer « leurs journées à régler le quotidien de l’approvisionnement des établissements membres à l’échelle de nombreux départements », déplore le syndicat.

Nous devrions aussi « préparer la mutation d’office des personnels des fonctions concernées »par la mutualisation « vers l’établissement support à 10, 20, 40 kilomètres, car le Conseil d’Etat estime qu’on ne peut faire autrement »,critiquent aussi les directeurs et cadres hospitaliers du SMPS. « Si rien n’est fait, quel niveau de dégradation des conditions de travail des personnels faudra-t-il attendre avant de prendre les mesures d’ajustement nécessaires ? » relèvent-ils.

Le SMPS demande au ministère de la Santé de « préserver la dynamique qui existe dans la plupart des territoires et d’encourager les démarches initiées par les communautés hospitalières ». Il saisira dans les prochains jours Marisol Touraine pour que les hospitaliers aient vraiment la possibilité de faire vivre les GHT.

Une situation urgente, les avenants aux conventions constitutives des GHT devant passer en instance en décembre pour une application en 2017.

Dominique Monnier