Le Monde.fr : Des services des urgences toujours sous pression partout en France : fermetures partielles, explosion du temps d’attente…
Le ministre de la santé démissionnaire a reconnu, mardi, dans « Ouest-France », que les services d’une cinquantaine d’hôpitaux étaient « en tension ». Les syndicats, plus alarmistes, dénoncent des situations très difficiles localement.
Par Camille Stromboni
Publié le 21 août 2024
L’été n’est pas encore terminé, et les difficultés se poursuivent dans les services des urgences, en première ligne face au manque de médecins, exacerbé durant les congés estivaux. Fermetures la nuit, le week-end, plusieurs journées par semaine, explosion des temps d’attente, engorgement des services, avec des patients attendant des heures sur des brancards… Le ministre délégué à la santé démissionnaire, Frédéric Valletoux, a avancé de premiers éléments de bilan de la période estivale, dans un entretien au quotidien Ouest-France, mardi 20 août.
Selon lui, les urgences d’une « cinquantaine » d’hôpitaux français sont actuellement « en tension », alors que quelque 650 services quadrillent le territoire. « C’est un peu mieux que l’été [2023], et en tout cas les tensions ne sont pas aussi fortes qu’au cours de celui de 2022 », selon M. Valletoux. « Porte d’entrée » de l’hôpital, les urgences se retrouvent depuis plusieurs années au carrefour des difficultés du système de soins, entre les lits d’hospitalisation qui manquent dans les établissements et, en ville, l’aggravation des déserts médicaux.
Le constat ne fait cependant pas l’unanimité dans les rangs syndicaux, où le discours est bien plus critique. « Malgré les propos du ministre, la situation est de plus en plus difficile aux urgences, ça ferme de partout, dans les petits comme dans les grands hôpitaux », soutient Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France et représentant de la CGT santé.
« Mesures d’exception »
« Nous attendons d’avoir les résultats de l’enquête que nous menons chaque année, dont les questionnaires viennent d’être envoyés aux services, explique Marc Noizet, président de SAMU-Urgences de France. Mais il est certain, au-delà de cette communication ministérielle rassurante, que la situation ne s’est aucunement améliorée, l’été ne s’est pas bien passé, et les problématiques aux urgences demeurent. » Il suffit de feuilleter la presse régionale de ces dernières semaines pour le confirmer, ajoute-t-il, cette dernière faisant état, chaque jour ou presque, de fermetures ou de réductions d’activité dans de nombreux territoires.
Aux urgences pédiatriques de Saintes (Charente-Maritime), depuis le 12 août, la fermeture de 17 heures à 9 heures a été annoncée à la population. A Carpentras (Vaucluse), à cette même date et pour trois mois, les urgences n’ouvrent plus que de 8 h 30 à 13 h 30. Pendant l’été, des urgentistes se sont mis en grève – de manière symbolique, puisqu’ils travaillent en étant assignés – à Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) ou à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).
A l’entrée des urgences de Brest (Finistère), les soignants paramédicaux ont affiché sur un « mur de la honte », début août, les temps d’attente extrêmes dans la zone où sont rassemblés les patients sur brancard, en attente d’un lit d’hospitalisation. Urgentiste depuis dix-huit ans dans le service, Anne-Dominique Curunet-Raoul décrit une « situation intenable, qui ne cesse de s’aggraver ». « Les temps d’attente ont été démultipliés », estime-t-elle, quand bien même le nombre de touristes et d’appels au SAMU a été moindre cet été.
Au CHU de Nantes, les décès de patients dans la « file d’attente » des urgences ont été dénoncés par des soignants, mais le nombre avancé par les syndicats a été contesté par la direction de l’hôpital : quatre. « Nous avons connu un mois de juillet dantesque, avec des temps de séjour aux urgences extrêmement importants, décrit Eric Batard, chef de service. Notre problématique reste la même : il n’y a pas assez de lits pour hospitaliser les patients qui en ont besoin, d’où l’engorgement du service. » Depuis le début du mois d’août, la situation s’est fortement améliorée, rapporte-t-il.
A l’hôpital Nord - Franche-Comté de Trévenans (Territoire de Belfort), un « plan blanc » a été de nouveau déclenché, à compter du 17 août, en raison de la « saturation des capacités d’hospitalisation », selon la direction par communiqué, ce qui doit lui permettre de déployer des « mesures d’exception », comme le recours à des effectifs supplémentaires. A Laval, outre les fermetures estivales, c’est un « triste record » qu’a voulu mettre en avant l’urgentiste Caroline Brémaud sur les réseaux sociaux, celui du nombre de nuits d’ouverture qui pourraient intervenir pour le mois de septembre, au vu de l’état actuel des effectifs : six.
La crise des urgences et de l’hôpital reste, sans aucun doute, l’un des premiers dossiers qui attendront un futur ministre de la santé.
Camille Stromboni