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Le Monde - Droit au logement conquiert trente places d’hébergement pour les SDF dans l’Hôtel-Dieu

Janvier 2017, par Info santé sécu social

Par Isabelle Rey-Lefebvre

C’est une jolie victoire pour les sans-abri parisiens qui, au cœur des journées les plus froides de l’hiver, ce week-end des 7 et 8 janvier, auront gagné une trentaine de lits d’hébergement qu’ils peuvent conserver jusqu’à fin mars. Deux initiatives se sont, par un heureux hasard, conjuguées pour ce résultat.

Le médiatique docteur Gérald Kierzek, urgentiste à l’Hôtel-Dieu, hôpital de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, avait vendredi 6 janvier, tweeté les messages « suis de garde ce soir (...), j’accueillerai au chaud les personnes qui en ont besoin ». Puis, « il est inadmissible que des dizaines de lits au chaud soient vides, on pourrait soigner et accueillir », tweet assorti de photos de lits vides.

L’information a immédiatement circulé. « J’ai, vendredi, avec le SAMU, été porter secours à un SDF en hypothermie, à 28 degrés, raconte le docteur Kierzek, alors qu’on aurait pu prévenir cela, puisque, dans mon hôpital, je sais qu’il y a 80 lits vides ! C’est insupportable, comme si l’on avait oublié que dans “Assistance publique” il y a le mot assistance. »

« On s’attendait à être expulsés très vite »

Samedi 7 janvier, l’association Droit au logement (DAL), a de son côté organisé l’occupation d’une aile désaffectée du plus vieil hôpital de France, l’Hôtel-Dieu, sur le parvis même de Notre-Dame de Paris, par une trentaine de sans-domicile-fixe et mal-logés qui y ont passé la nuit de samedi à dimanche.

« On s’attendait à être expulsés très vite par les flics, mais ce sont les soignants CGT qui nous ont porté secours, nous procurant matelas, lits de camp, couvertures, puis la direction a accepté que nous nous installions dans l’aile Saint-Côme et y a rétabli le chauffage », expliquait Jean-Baptiste Eyraud, le porte-parole du DAL, dimanche, n’en revenant pas. Les lieux, treize chambres avec cabinets de toilette, douches, kitchenette, se prêtent on ne peut mieux à un hébergement temporaire.

Parmi les mal-logés présents, il y a Mustapha, 25 ans. Cet apprenti boulanger, ne sait plus depuis combien de mois il est à la rue : « J’appelle le 115 tous les jours et quand, par miracle, j’arrive à l’avoir, c’est pour me faire dire qu’il n’y a pas de place. Et c’est impossible de trouver du travail lorsqu’on ne sait même pas où on va dormir le soir même. » Ayadelé Abdoulakeem, jeune Nigérian, exhibe, outre sa carte de résident, un jugement condamnant le préfet de Paris à l’héberger, avec une astreinte de 50 euros par jour : « Je suis à la rue depuis mon arrivée en France, en 2013. Pourtant, je travaille, dans un atelier de réparation de vélos du 14e arrondissement. »

La Cap-verdienne Isabelle Semado a bien obtenu un hébergement en hôtel à Chelles (Seine-et-Marne), mais à deux heures de transport de son travail d’auxiliaire de vie chez des personnes âgées. Diabi, Sénégalaise, son mari, qui, comme elle, travaille comme personnel de ménage, et leurs deux enfants sont hébergés chez des amis, dans une chambre infestée de rats et de cafards : « On a besoin d’habiter pas loin de Paris, car nous travaillons tôt le matin et tard le soir, et nos enfants sont scolarisés dans le 3e arrondissement. »

« Onde de choc »

Le préfet d’Ile-de-France, Jean-François Carenco, et le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Martin Hirsch, venus sur place, dimanche 8 janvier dans l’après-midi, ont trouvé un accord avec les nouveaux occupants de l’Hôtel-Dieu : l’AP-HP accepte de concéder l’aile Saint-Côme, gérée par l’association Aurore, jusqu’en mars, mais pas plus car, a expliqué M. Hirsch, « l’hôpital, en pleine réorganisation, ne sera pas vendu mais retrouvera une vocation médicale », promet-il.

« Dès fin janvier, cet hôpital accueillera, dans une autre aile d’une quarantaine de places, de jeunes mères qui viennent d’accoucher et ne savent pas où aller », explique Sophie Brocas, secrétaire générale de la préfecture, qui dit répondre ici à « un besoin crucial », puisqu’environ cinq bébés naissent, chaque jour, à Paris, dans ces conditions.

« L’AP-HP est de bonne volonté, elle a mis à notre disposition de nombreux locaux sur les sites hospitaliers de Necker, Broussais, Fernand-Widal… », ajoute Mme Brocas. Par ailleurs, un nouvel accord passé entre Droit au logement et le préfet d’Ile-de-France permettra à une centaine de ménages d’être relogés dans le parc social de façon pérenne.

« Il y a beaucoup de locaux vides, notamment dans les établissements de soins dont la mission est l’hospitalité, et qui pourraient être mis à la disposition des mal-logés. J’espère que cette mobilisation à deux pas du kilomètre zéro du parvis de Notre-Dame va créer une onde de choc vers toute la France », prédit M. Eyraud.