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Le Monde.fr : Mal-logement : la Fondation Abbé Pierre juge durement le quinquennat

Février 2017, par infosecusanté

Mal-logement : la Fondation Abbé Pierre juge durement le quinquennat

Dans son rapport annuel présenté mardi, la fondation juge que le quinquennat n’a pas rempli ses objectifs.

LE MONDE

31.01.2017

Par Isabelle Rey-Lefebvre

François Hollande n’aura pas, en cinq ans, réussi à inverser la courbe du « mal-logement », phénomène qui s’enracine, voire empire, en France. C’est le constat dressé par la Fondation Abbé Pierre dans son 22e rapport annuel, publié mardi 31 janvier. Ce fléau touche près de 4 millions de personnes et même 12 millions si l’on inclut celles dont la situation est jugée fragile : les 1,123 million d’habitants de copropriétés en difficulté ; 1,21 million d’occupants qui ont accumulé des impayés de loyers et/ou de charges ; 4,3 millions de personnes qui s’entassent dans des logements trop petits ; 3,5 millions qui n’arrivent pas à se chauffer correctement. Sans compter les 5,7 millions de personnes qui consacrent plus de 35 % de leurs revenus à se loger et à qui il ne reste que 650 euros par mois et par unité de consommation pour faire face aux autres dépenses.

« Il y a eu, au cours de ce quinquennat, de réels efforts, mais ils sont insuffisants. Il aurait fallu changer de braquet car le nombre de mal-logés grossit », juge Christophe Robert. Le délégué général de la fondation rappelle qu’en 2012, le candidat François Hollande s’était engagé sur des mesures précises, dans un « contrat social pour une nouvelle politique du logement » : « Nous avons la mémoire des faits et assurons la continuité du combat », assure M. Robert.

La Fondation Abbé Pierre ne fera pas, cette année, signer d’engagement aux candidats à la présidentielle. Mais elle les a tous invités – exceptée Marine Le Pen, avec qui « les désaccords sont trop profonds » – à venir débattre de ses propositions. Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Emmanuel Macron ont prévu de venir. François Fillon n’avait pas encore confirmé sa présence mardi matin.

La promesse du candidat Hollande était de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. La ministre du logement, Emmanuelle Cosse, lors de ses vœux à la presse le 17 janvier, se demandait ainsi :

« Avons-nous réglé le problème du logement en France ? Pas encore, c’est certain, mais nous sommes sur les bons rails : 5 à 10 ans à ce régime et nous pourrons considérer que la France aura rattrapé l’essentiel de son retard. En matière de logement, le président de la République a atteint ses objectifs : 500 000 nouveaux logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Nous sommes aujourd’hui à plus de 440 000 sur le premier objectif, et plus de 130 000 sur le second. Autant dire que le cap est tenu. »

Les expulsions ont bondi

Mais pour Christophe Robert, « le compte n’y est pas : 376 500 mises en chantier, sur un an, en novembre 2016, ce n’est pas 500 000 logements édifiés. Quant à la production de logements sociaux, elle ne décolle pas, variant de 115 000 en 2013 à 120 000 en 2016. Là où nous sommes inquiets, c’est que les logements très sociaux, à bas niveau de quittance, sont en nombre dérisoire, à peine 300 en 2016, et 5 000 de la catégorie au-dessus. La production reste décalée par rapport aux besoins des plus pauvres. »

Une des raisons de ce mécompte est que le doublement des aides à la pierre, de 250 millions à 500 millions d’euros, promis en 2012, n’a pas eu lieu. Bien au contraire, puisque l’Etat a réduit sa contribution à 200 millions d’euros.

Autre sujet de déception pour la Fondation Abbé Pierre : l’insuffisance de mobilisation du parc privé pour l’accueil des personnes les plus vulnérables, comme elle le suggérait. Le nombre de nouveaux logements ainsi conventionnés, privés mais à loyers sociaux, est passé, en 2014, sous la barre des 5 000 contre une moyenne de 33 000 entre 2006 et 2010. Le gouvernement n’a pas non plus réussi à remettre sur le marché les logements vacants du parc privé.

Le projet de François Hollande était d’assurer une forme de « sécurité sociale du logement », avec des allocations, un recours mesuré aux expulsions locatives et une garantie universelle de paiement des loyers. Celle-ci a été abandonnée, bien qu’elle fasse partie de la loi pour l’Accès au logement et un urbanisme rénové (loi « ALUR » du 24 mars 2014). Les expulsions de locataires ont, à l’inverse, fait un bond spectaculaire en 2015, atteignant le record de 14 363 expulsions dûment exécutées, avec le concours des forces de l’ordre.

La fondation adresse tout de même au président de la République quelques satisfecit. Les ventes de terrains publics – anciennes casernes, gares ou autres – à prix réduit, pour y bâtir des logements sociaux se sont multipliées : 101 sites entre 2015 et 2016, pour 11 400 nouveaux logements dont 4 855 sociaux. Les honoraires d’agents immobiliers pour la location d’un logement ont aussi été opportunément baissés de 40 % à 50 % dans les zones tendues.

Le grand regret de l’association concerne l’abandon du principe du « logement d’abord », qui a montré son efficacité ailleurs, en Suède, en Finlande, à New York mais aussi à Grenoble (Isère). Ce principe permet aux sans-domicile d’intégrer directement un vrai logement plutôt que de passer par les étapes du centre d’hébergement, puis du logement-relais… Le gouvernement a bien augmenté la capacité de l’hébergement d’urgence à 120 000 places pérennes (contre 80 000 en 2012, soit 50 % de plus), mais les sorties vers un logement social stagnent et la liste des demandeurs s’allonge, à 1,8 million de candidats en 2016, soit 23 000 de plus qu’en 2015.

La Fondation Abbé Pierre appelle « à revoir les procédures d’attribution de logements sociaux, les rendre plus transparentes, et faire une vraie place aux ménages prioritaires ».

Le mal-logement en chiffres

3 960 000 : le nombre total de personnes mal logées (inférieur à la somme des chiffres ci-dessous, puisque certaines personnes se retrouvent dans plusieurs catégories)

2 090 000 : le nombre de personnes vivant dans des logements très inconfortables

934 000 : le nombre de personnes en surpeuplement accentué (à qui il manque au moins deux pièces

753 000 : le nombre de personnes vivant à l’hôtel, dans des habitats de fortune ou chez des tiers

143 000 : le nombre de personnes sans domicile, en France, en 2016