Luttes et mobilisations

Le "coup de gueule" des personnels en grève du Centre Hospitalier du Rouvray (Sotteville lès Rouen)

Août 2016, par infosecusanté

Ce texte rédigé par un aide soignant du Centre Hospitalier du Rouvray a été adopté à l’unanimité par l’assemblée générale du personnel en grève reconductible le 30 Aout 2016

Non contente de rester sourde aux différents signaux lui exhortant de prendre en compte notre souffrance, la directrice, avec la connivence et les compromissions de certains de nos représentants compte réduire de façon drastique nos effectifs. Selon eux nous serions trop nombreux pour réaliser nos soins.

SELON ELLE EN PARTICULIER NOUS DEVRIONS ETRE HEUREUX D’AVOIR UN TRAVAIL..

Ce management exalté et froid, ces praticiens occupés à faire passer et imposer leurs nouvelles réformes, réduire les couts, faire des économies, mutualiser les moyens trace un trait sur les spécificités de notre métier, sur l’humain, sur l’humanité.
Cette humanité qui nous a fait choisir de nous occuper de patients atteint par ce type de troubles. L’essence même de votre investissement.
Dites-vous bien que cette dimension humaine est désormais bannie…
Ce souci de rationalisation se traduit par une destruction lente et progressive des soins en psychiatrie. Ce lien si durement acquis avec le malade n’est plus essentiel. Cette dimension humaine se dissout au profit d’un « objet « à traiter, de cibles de soins et de troubles à corriger. Nous ne parlons plus de souffrance psychique et humaine qu’il s’agit de comprendre et d’apaiser mais de troubles. Trouble à l’ordre public qui devient l’ennemi à réprimer. Le délire n’est plus un langage à entendre et décrypter mais un symptôme à supprimer.
On nous inonde de protocoles, de normes, de contrôles, d’accréditations. Une traque à la dimension humaine du soin est lancée « il ne faut surtout plus s’impliquer, prendre des initiatives ». Il faut lisser les attitudes et les soins, empêcher l’hétérogène supprimer les temps d’échanges, supprimer toute subjectivité, ne plus discuter d’alternatives.
La norme fait acte de lois. Bosser en obstétriques sera bientôt la même chose que travailler en psychiatrie. Seule la technicité sera différente. Le somatique se prend en charge de la même manière que le psychiatrique. On nous demande de traiter une psychose comme on traiterait un cancer.

La normalisation et là pour parachever ce travail de déstructuration de notre métier. On nous propose aujourd’hui avec cette extrême mansuétude caractéristique de cette logique de gestion comptable du soin, de réduire nos équipes.

VOUS VERREZ CE SERA MIEUX …

Depuis quand réduire le nombre de soignants dans une équipe est mieux pour le patient, et mieux pour l’équipe ou pour la qualité de soins.

La qualité de soins pour la direction se résume-t-elle à compter les médicaments, les administrer, remplir les multiples tâches administratives, proposer le choix des menus, s’occuper des soins d’hygiène et partir ?

Qu’en est-il de toute la dimension humaine du soin, de la longue acquisition d’un lien thérapeutique avec le patient, du temps nécessaire pour mieux le comprendre, de toute cette réflexion sur l’après hospitalisation, sur son devenir ?
Qu’en est-il du temps de prise en charge en chambre protégée et tout ceci de façon sécurisée pour le patient et le soignant ?
Qu’en est-il de tous ces temps où le soignant quitte son unité pour porter assistance aux collègues d’autres unités ?
Qu’en est-il des projets mis en place qui demandaient un investissement vis-à-vis des soignants ? et nous ne parlons même plus des séjours thérapeutiques et de projets du même types..
Comment peut-on quantifier la charge de travail en psychiatrie ? Un patient demandera parfois plus de temps de travail auprès de lui que vingt autres. Et encore nous parlons en termes de patients alors que l’on nous demande de parler en termes de lit

AUJOURD’HUI NOUS PRENONS EN CHARGE DES LITS ET NON DES ETRES EN SOUFFRANCE
SACHEZ-LE !!
Qu’en est-il des soignants considérés aujourd’hui comme des effectifs et rien d’autres. Faisant fi du burn out, du désinvestissement constant, des départs, de la perte d’attractivité, de notre vie en dehors du travail. N’oublions pas que la première condition pour proposer un soin de qualité et d’avoir un soignant lui en bonne santé…
Le comble du cynisme et après cela d’entendre notre responsable clamez haut et fort.
LES SOIGNANTS SONT FORMIDABLES ILS REVIENNENT REMPLACER LORSQU’IL Y A UN PROBLEME SUR LES EFFECTIFS !!!!!

Cela résume tout je crois.
NE laissons pas faire. Car ce combat s’adresse à toutes et tous. Car outre le fait de cette perte d’identité de ce métier que nous aimons, outre le fait que nous ne travaillerons bientôt qu’en effectif minimum, peu importe la charge de travail, outre le fait que nos temps de repos, de vacances nous serons imposés, accepter cela c’est renoncer à ce qui fait de nous des soignants, renoncer à ce qui fait de nous des êtres humains.

« Sans la reconnaissance de la valeur humaine de la folie, c’est l’homme même qui disparaît ! »
François Tosquelles