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Libération - Vers une piqûre de rappel pour réconcilier les Français avec la vaccination

Décembre 2016, par Info santé sécu social

La Concertation nationale, chargée par la ministre de la Santé d’élaborer des propositions, a remis ses conclusions.

Des vaccins davantage obligatoires, plus souvent gratuits et plus transparents. Tel est le cocktail proposé par la Concertation nationale pour tenter de réconcilier les Français avec la vaccination. Le plan est cohérent, mais tous les experts concèdent qu’il sera long d’inverser la tendance, tant la méfiance à l’égard des vaccins n’a cessé de gagner du terrain depuis une vingtaine d’années dans l’Hexagone… D’ailleurs rien ne dit que le renforcement du caractère obligatoire de la vaccination, l’une des mesures préconisée par la Concertation nationale, soit bien accepté. Il n’empêche, il y avait urgence. Le contexte est aujourd’hui délicat, la situation compliquée, et les autorités sanitaires ont manifestement tardé à réagir.

La France, pays de Louis Pasteur, est en effet presque devenue un cas à part. En septembre, une enquête menée dans près de 70 pays a montré que nous étions un des pays qui doutait le plus de la sécurité des vaccins : plus de 40% des Français faisaient ainsi part de leur méfiance. Que s’est-il passé pour expliquer pareil renversement, et comment analyser cette chute, alors que le monde de la santé n’arrête pas de répéter que le vaccin a été une des plus grandes avancées médicales de ces cent derniers années ?

Les raisons semblent multiples : les grandes épidémies notamment paraissent lointaines, le danger recule, et devant les diktats des autorités la population s’interroge. Face à ce contexte mondial de doutes, deux faits ont aggravé la situation française : d’abord la vaste campagne de vaccination contre l’hépatite B en 1994, qui n’a pas été comprise, puis en 2009 la campagne contre la grippe H1N1, menée en dépit du bon sens.

« Rétablir la confiance »

Devant ce paysage incertain, en janvier dernier la ministre de la Santé a chargé le professeur Alain Fischer, entouré d’un comité d’orientation, de mener une grande concertation citoyenne, « pour essayer de rétablir la confiance ». Un choix assez original, car Alain Fischer, professeur de génétique, est un homme plutôt discret, qui ne raffole pas des débats.

Chercheur mondialement reconnu dans son domaine, il reste fondamentalement un scientifique. De fait, il a dû forcer sa nature pour lancer cette vaste concertation. En six mois, ce fut beaucoup de travail et de rencontres : deux enquêtes d’opinion, deux jurys (l’un de citoyens , l’autre de professionnels de la santé), 10 000 contributions en ligne, sans compter 44 auditions. L’objectif ? « Susciter une parole citoyenne mixte et nourrir la réflexion. » Mais l’élaboration de cette parole citoyenne s’est faite en l’absence de toute publicité. « Ne partons pas dans de mauvaises polémiques », nous expliquait alors Alain Fischer. Certes… Mais le débat a été comme soustrait de la scène publique. Et au final, ce ne sont que les conclusions qu’Alain Fischer a rendues publiques.

Celles-ci sont multiples. On attendait beaucoup le comité sur la question de l’obligation. Il a donc choisi de proposer « un élargissement temporaire de l’obligation vaccinale avec clause d’exemption ». En clair, tous les vaccins pédiatriques deviendraient obligatoires, et non plus seulement recommandés. Le comité ajoute : « Cette solution apparaît comme le meilleur compromis entre les impératifs de santé publique et l’acceptabilité par la population. » Une position déroutante : en somme on oblige, faute de mieux. Cela sera-t-il entendu ? En tout cas, le comité pose des conditions : les vaccins obligatoires doivent être gratuits, et « le statut obligatoire de certains vaccins impose un régime d’indemnisation des effets indésirables ». Enfin, contrairement à ce qui est le cas aujourd’hui, ces vaccins doivent être effectivement disponibles.

Air délétère

Pour le reste, c’est plus classique. De la transparence, d’abord. Il y a aujourd’hui comme un air délétère, chaque expert étant supposé être lié par des intérêts cachés. Le comité insiste pour que cette transparence concerne « la déclaration des liens d’intérêts visant toute personne intervenant dans le processus de mise sur le marché des vaccins comme dans les débats et décisions concernant la politique vaccinale et les vaccins ». Et le comité de remarquer que « la transparence pourrait progresser sur des points précis, tels que les évènements secondaires et les effets indésirables » des vacins. Dans cette même perspective, le comité propose « que l’accès aux données brutes des essais cliniques soit facilité ». Et que « le site vaccination-info-service puisse constituer la base d’un site plus complet accessible d’une part au grand public, d’autre part aux professionnels de santé ».

Bref, des mesures de bon sens. Peu de débat, néanmoins, sur la question des adjuvants que l’on ajoute dans les vaccins pour les rendre plus performants, et dont certains pointent le danger (1). Alain Fischer incite sur le rôle de l’école « comme lieu de vaccination ». Evoque la nécessité d’une communication à grande échelle. Et suggère « d’autoriser les pharmaciens à vacciner contre la grippe, sur la base du volontariat ». Enfin il aborde la question des vaccinations obligatoires pour les professionnels de santé.

Que va-t-il, dès lors se passer ? La balle est maintenant dans le camp du gouvernement. Marisol Touraine devrait rapidement faire connaître sa position.

(1) A lire à ce sujet, le hors-série de Science & Vie à paraître le 2 décembre.
Eric Favereau